N’avez-vous jamais rien fait de complètement idiot ? Mis un gros pétard dans le rectum d’un animal, puis après allumage avoir attendu quelques secondes l’œil brillant de vice ? Triché de manière éhontée en cours, risquant des corrections incroyables eu égard au fait qu’il suffisait en fait simplement d’apprendre cette leçon ? Dépensé un premier salaire dans un truc surement inutile, assurément très cher, que vous avez oublié quelques jours après ? C’est ce type de réflexion abstraite qui un jour de septembre m’a fait dépenser 80$ dans un linker Vectrex. Le regrette-je ? Assurément non. Petit précis d’achat compulsif sur fond de vérité électronique.
La Vectrex pour ceux qui ne suivent pas est une légende. Imaginez un oscilloscope (celui là même avec lequel vous vous amusiez à faire des vagues rigolotes en cours de physique, petit monstre inadapté au système) et une manette. L’oscilloscope n’est pas au format 4/3 oh non. Nous sommes en 1981, donc l’image est comme on la sent, et dans le cas présent on la sent bien : une sorte de 16/9 vertical. L’image est bien entendue en noir et blanc, mais va encore plus loin dans l’étrangeté en proposant au joueur en polo jaune fluo a col relevé qui ne connait pas encore Desireless et Voyage Voyage de jouer sur des images en vectoriel. Cela signifie concrètement qu’ici point de pixel, mais des coordonnées de points qu’un trait reliera. Cela donne une image d’une finesse incroyable et une fluidité assez folle. Ajoutez à cela un stick analogique de malade, des boutons rustiques, et vogue jeunesse.
Mais la friponne commence à accuser son âge. En tant que site oldies, votre cerveau frétille au son du « c’est dans les vieux pots que cuisinent les pauvres », et cela ne vous effrayera pas. Il va de soi qu’avant quoi que ce soit on va devoir laver un brin l’antiquité avant de commencer à filmer et à jouer avec elle. Si en lisant cette phrase vous pensez à ce vilain snuff aperçu l’autre jour au détour d’une recherche sur un moteur de recherche, il est encore temps d’aller consulter et d’activer le contrôle parental sur votre propre ordinateur. Quelle déchéance néanmoins.
Pour resituer le contexte exact de cet achat, il faut savoir que j’ai hérité d’une Vectrex achetée à l’ami Bast. En rentrant chez moi, quelques recherches plus tard, j’ai bien vu qu’il existait différentes cartouches de compilation de jeux pour Vectrex. N’ayant connu que Mine Field (le jeu inclut dans la console) depuis plus de 20 ans, j’étais comme un fou ! En creusant encore, les avis n’étaient finalement que tout naze, et cette solution n’était pas la bonne.
En mineur de l’extrême j’ai trouvé un produit qui correspondait à mon besoin réel : le VecFlash. Malheureusement, l’aventure commençait mal. Le site fait site perso de merde, avec un design effrayant, et aucune institution solide derrière la vitrine. La lecture de la ligne « DOnNne moaA deSs SoUuuUusSS et TuU aureZz des L11inkerS VectrexXX AHAHAHAH » me donna des sueurs froides, et j’ai longuement hésité à procéder au paiement.
Quelques heures plus tard, je prenais l’apéro avec à ma droite la solitude et à ma gauche la déchéance et elles m’ont convaincu : « Mais tu es con ! L’argent n’est pas un problème pour toi, fonce, tu t’en branles ! ». Je suis alors tombé de mon canapé en banquette arrière de deux chevaux, ai heurté les bassines d’eau me servant à récupérer les gouttes de pluies passant au travers de mon toit de zinc troué (et par conséquent à prendre des douches après avoir chauffé tout cela à la casserole) et ai commandé la chose d’un clic rageur, en tendant mon poing vers Dieu et en hurlant d’une voix de fou « Ah. Nous verrons bien. Ca va toi ? »
Une heure plus tard, ma boite mail tiltait du son particulier du nouveau mail. Une ligne « Donnez moi votre adresse ». Rien de plus, ni flute ni merde ni « ca va toi ? ». Ce ne pouvait être Dieu, que je venais d’invectiver de manière fort osée. C’était juste le mec chez qui je venais de dépenser quelques dollars pour un linker USB. J’ai répondu. Puis plus rien.
Pendant de nombreux jours, ce fut la panique cérébrale. Et si ces sous étaient partis à jamais ? Et si ce type allait traverser l’atlantique pour venir en bas me livrer ma commande ? Pire : s’il allait s’installer en face de chez moi dans un taudis, armé d’une paire de jumelles, d’un Be Bop et d’une boite de thon. Enroulé dans une couette en laine, il m’appellerait alors tous les soirs avec un mouchoir sur le micro de son combiné en hurlant d’une voix sépulcrale « JE TE VOIS… LAPIN… » me plongeant dans le doute, l’effroi et le whisky. Je n’osais y croire.
Alors armé de mon tournevis et de mon illustre frère, j’ai décidé de nettoyer la manette de la Vectrex de l’ami Bast, qui montrait d’évidents signes de fatigue. Les boutons étaient secs comme des jours sans pain, et l’ensemble avaient un côté Est allemand certain (ceci est la partie activiste de la critique. Cela fait 20 ans que le mur est tombé, c’est ma façon à moi de célébrer cela), paralysant le gameplay. La Vectrex et son pad magique sont ce qu’il se fait de mieux en termes de précision toutes consoles confondues, ce n’est pas un glaire de 1984 coincé dans l’ensemble qui va me faire chier, dame non.
Il faut cependant savoir qu’une manette de Vectrex c’est cocasse. En effet les vis sont sous le plastique imprimé. Il faut donc le soulever. Si vous êtes un peu léger intellectuellement vous pouvez l’arracher comme une grosse tanche. Mais les esprits fins se feront aider par un sèche-cheveux, qui aura le bon goût de décoller doucement l’ensemble sans tout casser. Une fois les vis dégagées, rien de plus simple. Quelques tours et le corps inerte de l’ancêtre s’offre à vous (là encore si vous avez vu autre chose dans votre cerveau malade, au risque de paraître insistant, ne prenez pas le volant et allez consulter en bus). Donner de votre souffle divin dans le stick analogique pour nettoyer toutes ses vieilles poussières qui font coincer la délicate mécanique. Nettoyez d’un coup de coton tige le plastique des contacteurs des boutons, le circuit imprimé, et une fois que tout cela est propre, remontez donc tout ça. Remettez-tout en place, et hop, logiquement si vous n’êtes pas trop cloche, vous avez un stick qui fonctionne comme au premier jour.
Mais cela ne nous avait pas encore apporté le jouet du bien, toujours perdu dans le cloud. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque 3 misérables jours après avoir commandé l’objet de mes rêves (le linker VecFlash bon sang, pas cette poupée gonflable à orifices titilleurs et bouche pompeuse. Me lisez-vous vraiment ?) j'avais dans les mains le carton tant attendu. Comme d’habitude, je l'ai arraché sauvagement et me suis retrouvé avec une cartouche misérable, seule, sans mot sans rien. Une cartouche vide.
Avide de tout, je sors de mon disque dur le pack des roms Vectrex qui dort dans mon disque dur depuis trop longtemps. Je sors un câble USB qui traine, et branche la cartouche à mon PC. Je ne saurais vous expliquer pourquoi, mais à cet instant précis je ne croyais en rien. Je m’attendais à ce qu’un illustre inconnu ce soit foutu de ma gueule à l’autre bout du monde, à base de « ah ah le frenchy il aime la vectrex ? Et bah il va voir ah ah ah » et autres vengeances mesquines autant que gratuites. La cartouche en USB est reconnue immédiatement et il n’y a rien à faire. Je lance alors le logiciel. Une fenêtre ayant l’air bien con, rien à faire. Sélectionner les jeux (maximum 32 sur la même cartouche. Le rêve) cliquer sur flash, et quelques secondes plus tard, le logiciel indique que la cartouche est gravée. Ca y est.
A ce stade précis de ma vie, il faut imaginer un état de fébrilité assez intense. Bah oui, il est tout de même question d’avoir dans les mains une cartouche vierge pour Vectrex, me permettant de découvrir tous ces vieux hits que je ne connais pas, cantonné que j’étais depuis maintenant plus de 20 ans. Je mets la cartouche dans le slot, allume la Vectrex et…
Et un menu apparaît. Bien fait, propre, cool. Je retrouve sur différentes pages tous les jeux que j’ai gravés quelques secondes auparavant. J’en sélectionne un au pif, et ça marche. CA MARCHE BORDEL ! Mon frère étant toujours là, nous débouchons une bouteille de vin blanc pour fêter ca. Et partons à la découverte de la ludothèque Vectrex.
Nous avons joué plusieurs heures à la chose, pour notre plus grande joie. On a testé de pures merdes, quelques vraies merveilles, dans une ambiance magique. C’était fou de découvrir tant de jeux en aussi peu de temps, et de voir la cartouche cracher tous ces traits sans broncher.
Alors toutefois un petit bémol, parfois pour une raison que je ne pourrais expliquer en l’état, le jeu ne veut pas se lancer. On a eu le cas sur une petite dizaine sur quasiment 200 tests. Ce qui reste très correct. Le produit est donc parfaitement abouti, et fonctionnel en moins d’une minute chrono. Une fois fait fi de la non communication du vendeur, le vrai bonheur est tacite, là, pouf.
Les esprits chafouins se poseront la question de l’intérêt de ce dossier. Non pas que mon style pénible soit remis en cause, sinon vous n’en seriez pas à ce niveau là de la lecture, mais le bien fondé même d’un linker Vectrex. Mine de rien 80$ c’est une petite somme, m’enfin une somme quand même. Le produit en vaut-il réellement le coup ? A mes petits yeux clos oui. Réellement. 80$ dans un mois vous n’y penserez plus, et disposerez toujours dans un coin de votre salle d’une Vectrex capable d’afficher n’importe quel jeu un peu original pour une partie-apéritif entre amis. Le fun à portée de clic finalement. Et c’est bien là le plus important…
Bonus :
Parce que rien n'est trop beau pour vous amis lecteurs, vous trouverez deux fichiers du bonheur :
- Le pack complet des jeux Vectrex
- Le logiciel de transfert du linker
Ne me remerciez pas. Je n'ai fait finalement que mon métier. Je le fais simplement bien...