Le site qui a gagné Marignan en 1514.
Pornic III - 3rd strike

Fight for the past par EcstazY
Les mots vont et viennent. Je suis assis, malade. Le téléphone sonne, le chat dort. Caroline passe l’aspirateur. J’attends de vivre, j’attends de mourir. J’eus aimé pouvoir montrer un peu de bravoure. Maigre consolation. Mais l’arbre dehors ne le sait pas. Je le regarde bouger par la fenêtre, dans le soleil dorée d’une fin d’après-midi. Rien à déclarer. Juste attendre.

Oh, j’étais jeune. Oh, j’étais incroyablement jeune !

Et puis la Cosmic mobile arrive, armée d’un foutraque de sacs, de mon frère, de dizaines de paquets de clopes et de musiques d’Eminem. Un au revoir à ma femme et à mon fils plus tard, et c’est le grand départ vers Pornic 2015. Mais qu’est-ce que je fous là nom de nom ?

On se raconte nos vies en 10 minutes. L’idée pendant ces trois jours n’est pas de pleurer sur l’épaule de son voisin, ou bien de refaire le monde. Juste ouvrir ce qui est pour moi la plus improbable parenthèse de l’année. L’ouvrir en grand, très grand, ENORME, et en profiter à mort.

Dans notre Cosmic mobile, cela consiste au bout de 7 minutes de route à s’arrêter à Super U, à attendre 6 minutes que les deux compères reviennent avec un vilain casier de Kronenbourg, et une vilaine bouteille de rosé d’Anjou, celle qui vous regarde d’un œil torve sur la plage arrière pendant des heures, comme criant « hin hin hin, je suis jolie en rose hein, bois, boiiiiiis, boiiiiiiiiiiiiis. Je ne suis pas bon non plus hein ? ». Pas encore déconnecté de la civilisation, je taquine (un peu inquiet) notre pilote, estimant que bon, 3 heures de route sur l’autoroute en buvant des bières, ce n’est pas non plus ce qu’il y a de plus intelligent.

Nous avons vieilli. Julien m’explique alors qu’il ne boira pas une goutte d’alcool. Je regarde alors mon frère, vautré à l’arrière, avec en moyenne une cigarette nouvelle toutes les 3 minutes. Dans la famille on a compris un truc : boire ou conduire nous avons choisi : nous n’avons pas le permis. Et c’est parti.

Entre le Super U et l’autoroute, soit 11km, nous avons dû couler 10 bières, et 6 cigarettes. On ne parle plus que par borborygme dans cette voiture. Eminem hurle sur les enceintes 2 * 1 watt de la Cosmic Mobile. Puis magie de la technologie, c’est au tour des IAM de la grande époque de remplacer le gars de Detroit, la ville de Robocop. Sad Hill, l’Ecole du Micro d’argent, un peu de Francis Cabrel pour assurer les transitions. Comme un miracle n’arrive jamais seul, c’est le tour du CD Pirate, la légende de nos précédentes rencontres NES Pas qui tombe sur les enceintes. Anarchie Vaincra.

Qui ne connait pas Anarchie Vaincra ne connait pas la vie. Une chanson beuglée par « les amis de ta femme », des paroles allumées, un mec qui veut aller changer le monde tout seul, avec « ses petits cocktails », l’attaque du commissariat, la loose, le final. Tout est parfait. Nous beuglons comme un seul homme. La voiture n’est plus une voiture, c’est un tank lancé à l’assaut de la Fontaine aux Bretons, où nous attendent tous nos camarades. Et nous hurlons. 20 bières, 20 clopes, la fenêtre ouverte, il fait 7°, nous sommes partis depuis 40 minutes et le mal de gorge est déjà là. J’ai oublié comment je ne me nomme, ce que je fais là, mais nous hurlons de la voix chaude des types qui ont des convictions.

Chaque passage de péage est contrôlé par la douane volante. Des types à l’air patibulaire mais presque nous dévisage lorsque nous passons au ralenti, couverts de bières, avec les 10 cartouches de l’habitacle, où l’un de nous hurle délicatement « L’Uniforme fait l’assassin ! ». Nous ne sommes pas encore en état d’urgence dans notre beau pays, ça passe, « Je chie devant leurs portes ! »

Quasiment 3 heures plus tard, quelques arrêts WC obligatoires, les bières coulées, nous sommes à 1000m de la fontaine aux bretons. Le souffle frais de l’hiver qui arrive lèche nos visages, mais celui de l’aventure plus proche rosi nos joues. Fier de notre pilote sobre, nous lui offrons une bière, celle de la victoire. Nous y sommes, tout peut arriver.

La magie d’un trajet vers un événement NES Pas est qu’à chaque fois le flottement est là. En faisant mon sac, ça n’a jamais manqué : mais bon sang, pourquoi je suis en train de mettre des fringues qui ne craignent rien dans un vilain sac pour aller me pinter en jouant à des vieux jeux et en buvant plein d’alcool ? Ne suis-je pas un peu trop vieux pour ça ? La magie du trajet est donc d’immédiatement remettre l’église au milieu du village : je fais mon sac car ce trajet-là est merveilleux. Et ce n’est qu’un début.

Lorsque nous ouvrons nos portières, c’est en conquérant. L’endroit est connu, depuis 3 ans que nous y allons. Nous posons nos bottes comme après 7000km de désert, usés mais fiers. Bienvenus à la maison les gars.

Et puis ce sont les retrouvailles. Il va de soi que mon frère et moi-même commençons un peu à être fatigués, mais non : revoir ces visages familiers, ces bouilles connues, ces amis-là réchauffe tellement le cœur que d’un coup ça va mieux. Et puis re-bière, installation de matos, prise de position dans une chambre, et c’est parti pour le show.

Décrire ce qu’il se passe dans une soirée NES Pas de manière exhaustive est totalement impossible. Trop de choses. De la bière, des jeux vidéo obscurs, des discussions cryptiques, des WC, de la bière, des clopes, de la bière de la bière de la bière, certains qui cuvent leurs bières adossées à un pilier pour n’en plus bouger que lorsque la glace les enveloppe, les autres bricolent un diner, une véritable ruche. L’ambiance par contre est extraordinaire. On papillonne de personne en personne pour rigoler 2 minutes, se raconter une tranche de vie, apprendre à se connaître, et tout se passe le plus simplement du monde. C’est normal, on se connait plus ou moins tous un peu non ?

Et la soirée s’enchaîne. Un peu éméché, ce sont des bribes de souvenirs qui remontent difficilement à ma mémoire. Je vois ces Tetris en coopératif joués avec quasiment tout le monde. Ces hurlements à base de « Mais bordel, mais passe en dessous de moi avec ta barre ! Non ! AH ! » et autres « moi d’abord, MOI D’ABORD PUTAIN » suivi de l’échec de la partie. J’ai aussi le souvenir difficile et flou d’une partie de Tic et Tac avec mon cher frère. Probablement le jeu auquel on a le plus joué de toute notre vie. On le connait par cœur, on le termine les yeux fermés. Easy.

Pas de chance, lorsque l’on est à 12 grammes, on est nettement moins bon. C’est-à-dire qu’au lieu de torcher le jeu en 20 minutes comme le veut la tradition, on a perdu l’intégralité de nos vies en 10 minutes, probablement au niveau 2. Et bien sûr dans ces moments-là, on a un public. Difficile moment pour l’égo…

Puis ce fut au tour de Metalish et sa tendre amie (une fille ! Vous avez bien lu ! Une fille !!) d’affronter mon coaching sur Tic et Tac 2. Si je ne pouvais pas le terminer normalement, aucun problème, j’allais les aider à triompher. Je me vois, trouble, sauvegardant chaque saut, chaque boss, chaque situation, pour les faire refaire à l’infini le saut, le boss, la situation, et ainsi effectuer « le beau jeu, la belle partie ». J’ai dû être PARTICULIEREMENT saoulant. Je pense que mes deux compères écureuils ont dû faire grâce à mes sauvegardes à répétition le jeu 3 fois, refaisant tous les sauts, tout le jeu. C’est simple : les gens passant naïvement au-dessus de notre partie croyaient que nous étions sur une partie du fameux « Savestate 0 ». C’est dire… Et puis bière bière bière bière…

Arrivé 3h30, bon, mon vieux corps m’a rappelé à l’ordre. Un petit ange d’épaule s’accrochait à moi en susurrant des « Mecs, c’est simplement le premier soir, soit cool, pense à l’avenir, n’oublie pas que tu n’as qu’un foie… ». Et ce fut l’effondrement. Le matelas en mousse, les lits superposés, la fenêtre ouverte pour entendre la mer (je fais la même erreur chaque année. Le poète qui est en moi ouvre la fenêtre parce qu’il est merveilleux d’entendre les vagues. Mais le poète n’écoute pas le météorologue qui lui hurle que dehors, il fait tout de même 5°). Dodo.

Le réveil fut en étape. Nous avons d’abord eu une sorte de chose cherchant délibérément sa chambre. « Hey les mecs, vous savez où est ma chambre ? ». Wonderpanzer (qui d’autre ?) qui ne s’était pas couché, faisait le tour des chambres dans un état de zombi, à la recherche de la sienne. Je me levais d’un bon, frais et dispo comme au premier jour. Mon frère était déjà parti, pour bosser quelques minutes lors d’une de ses fameuses conf call en allemand qui font toujours rire lorsque l’on est à 12g. L’impression d’être à la Gestapo l’emportant sur tout le reste, c’est vraiment un bon moment. J’étais donc tout sourire quand mon cerveau lâcha.

J’étais en effet frappé du plus beau de tous les maux de crâne de la planète. Impossible de bouger tant j’avais mal. Horrible. Des idées floues tourbillonnaient « merde, mais de quand date mon premier verre d’eau ? En même temps je n’en ai pas pris depuis hier matin. ». Puis je vis passer toutes ces bières, ce cubi de rosé, la vie qui défilait devant moi. L’angoisse. L’anarchie, cette fois, avait bien vaincu.

Je me traînais jusqu’à la douche, la fameuse douche. Cosmic m’attendait d’un bon pied, solidement campé dans sa serviette. L’impression diffuse d’être dans les douches d’une prison de haute sécurité avec un homme bavant, les gardiens quittant délicatement l’endroit pour nous laisser tous les deux me fit un peu peur. L’ambiance colonie de vacances des douches a quelque chose d’assez attachant. L’homme mis en place un peu de gros son, et entre deux blagues bien senties c’était parti pour entamer la journée. Au plus mal, mais au plus propre.

Le matin à Pornic, ce sont les retrouvailles. Certains ne se couchent pas (des jeunes, probablement), d’autres sont partis à minuit (des parents, indubitablement), d’autres sont échoués plus bas dans le jardin écrasés face contre terre, le slip roulé aux genoux, avec une bouteille plantée dans le derrière, mais, eh, ça peut arriver à n’importe qui non ?

Café, bière, bière, bière, café. La bière passe étonnamment moins bien le matin, c’est disons… Moins fluide. Les gens continuent d’arriver au compte-goutte, de toute la France et même d’ailleurs. Des visages connus, des nouveaux, qui arrivent avec leurs pelletées de jeux, de consoles, de jeux de société, d’alcool maison. Voir Spoz gêné de n’avoir pu prendre « que » du vin sur la route m’a ému de gentillesse. Attention, pas deux petites bouteilles pour la route non, vraiment pleins. Cette saine émulation réchauffe les cœurs les plus froids, à commencer par le mien.

Puis comme d’habitude, la journée s’installe. On papillonne toujours comme ça vient. Du groupe bière, aux groupes dedans, aux groupes qui jouent en mode hardcore, au mode simple, à Pandémie.
Ah oui, Pornic pour moi c’est aussi le plaisir de jouer à Pandémie avec une équipe de Johnson surmotivés. Sauver le monde ? Pas de problème. Jamais d’ailleurs nous n’avions autant gagné de parties. D’habitude, bon, après 4 milliards de morts sur la planète c’est foutu, et penaud nous allons prendre quelques bières avant la fin du monde. Là, frappé par la grâce, nous avons gagné plusieurs fois. Chose sympathique : Ok on ne peut jouer qu’à 4, mais comme toute le monde papote, on peut-être 8 autour de la table sans aucun problème, le fait de jouer étant « presque » accessoire. Grands bons moments. Ce fut aussi l’occasion de découvrir un Johnson d’exception, à savoir Ika, ou encore Lynou, ou NICOSMOS. Sympa de tourner des classiques Cosmic, Bros, Nola, Wong et autres. J’ai aimé le monde à peine sauvé, le plateau encore en place l’éternel « Bon, on r’met ça les gars ? ». Les véritables drogués.

Cette année fut aussi l’apparition de Jean Michel, du CDC d’Agen. Jean Michel est sur sa fiche de paie « Contingency Planner ». Il est vrai que lorsqu’il a été embauché, sa femme gérante de la boutique de chaussures de la rue des papillons à Agen était super fière. Jean Michel ne parlant pas vraiment anglais trouva ça aussi plutôt sympa. Rapidement néanmoins, les équipes de Pandémie disséminée un peu partout dans le monde, baignant jusqu’au coude dans les boyaux, les corps d’enfants meurtris exterminés par la maladie, eux-mêmes pas très en formes, se rendirent compte que non, Jean Michel ne pouvait pas réellement être l’un des leurs. Non. Son job dans la réalité ? Garder une action déjà jouée, et pouvoir la ressortir de temps en temps. C’est-à-dire le job d’un stagiaire quand le monde brûle. Alors il anima nos parties avec d’incroyables fous-rires francs et massifs, grâce à son décalage. Le journal de bord de Pornic relate ces conversations, retranscrites sans l’accent :

« JEAN MICHEL IL FAUT QUE TU ME SORTES DE LA, JE SUIS A SANTIAGO C’EST LA MERDE IL FAUT QUE TU M’ENVOIES TON PONT AERIEN, SAUVE MOI PUTAIN »
« Allo ? Tu me captes là eh ? Ah putaing de téléphone à la con, on entend rien eh. Bon, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Ça va toi ? Il fait quel temps là-bas ? C’est sympa Santiago ? Attends, le système se log, c’est long putain »
« JE CROIS QUE TU N’AS PAS COMPRIS MEC, C’EST LA MORT SI TU M’AIDES PAS »
« Putaing attends j'ai Windows 10 qui a plan'té là, je t'envoie le pont aérien demaing ok? Sinon la petite famille, comment elle va ? A propos de pont, tu le fais toi le pont de vendredi té ? »

Puis ce fut l’apparition de Rock Band. Je ne connaitrais jamais lequel, et pire que ça je m’en fous, mais retrouver la joie des * ploc ploc ploc * de la basse en plastique, de la guitare, la voix chaleureuse des participants, ah quel fond sonore ! Tout autour des télévisions, des game boy, des kilomètres de câble, et de la bière, plein de bière. On perd totalement la notion du temps dans ce type de week end, c’est aussi l’une des forces des moments NES Pas. Prosnie assisté de Petemul, l’homme de l’ombre, gère tellement bien leur organisation quelle en est invisible. Et ça c’est une autre des forces de Pornic. Une petite dalle arrive ? Bim, vous ne savez pas trop comment mais une fine équipe de héros a concocté un truc dingue, un plat bien bourratif, bon, qui calmera les ardeurs pour les prochaines heures, et éclusera les bières, les bières, toujours les bières.

La nouveauté de l’année en plus du t shirt grandiose a été de fournir en goodies une ENORME pinte de bière. Pas le verre pour les ravioles, non, le vrai, l’objet qui pèse à lui seul deux bons gros kilos. La pinte quoi. Alors se promener pendant 3 jours à peu près toujours accompagné de son monstre, son pokemon alcoolique, c’est merveilleux. Pour vous donner un ordre de grandeur de l’organisation : les héros ont même prévu des petites gommettes à mettre sur nos pintes, pour les différencier. Si ça ce n’est pas de l’amour, je ne sais pas ce que c’est…
Petemul avait un concert ce vendredi. Quasiment tout le monde est sur le pont, prêt à en découdre pour le fil conducteur de ce week end : le concours. Oui, en plus du reste, les zigotos ont même planifié un concours complet. Au menu : jeux obscurs, jeux classiques mais déformés dans leurs usages, quizz, du bon temps, de la mauvaise foi à ne plus savoir où la mettre, et une grosse dose de tout ce qui nous réunit finalement au fond de la campagne nantaise. Petemul revient, il est quasiment une heure du matin. C’est fort tard, mais on s’en fout. Gagner. Le reste est accessoire.

Les équipes sont tirées. Le ton est donné : je suis membre des Nabille Morano, aux côtés des terribles Jacques Facial, des Heil et Fines Herbes, et les Gregorie's & The Vologne. Tous, malgré nos différences, nos forces nos faiblesses, sommes concentrés sur l’objectif. Un seul. Simple. Gagner.
Que gagnons-nous à ce concours ? Rien. Le fait de gagner. Et c’est largement suffisant pour lancer une guerre ouverte sur tous les points possibles. Les règles, les résultats, les réponses, tout sera sujet à caution si la victoire n’est pas pour votre équipe. Et ça c’est quelque chose à voir au moins une fois dans sa vie. Notre gentil GO tirait parfois des têtes incroyablement fascinées face à la mauvaise foi absolue régnant lors du concours. Lorsque l’on sait qu’il est professeur sur des élèves extrêmement compliqués, c’est d’abord le mot respect qui vient à la bouche face à notre gagne à tous.

Le concours a débuté par une belle épreuve de blind test musical. On joue un bout de musique de jeux, et il faut deviner quel jeu ET quelle console. Chacun sort ce qu’il peut, toutes les équipes s’espionnent discrètement. Notre équipe ne fut pas dramatique. Tout est dit. On a bien eu quelques classiques, Poyo a sorti quelques tripes pour arriver à flotter. Mais rien de bien fou. Bon. A cet instant précis j’ai réalisé que nous n’allions pas gagner. Non, le score nous donnerait tort, mais l’ambiance, ah ça oui, on l’aurait !

Deuxième épreuve : mime. Facile, du mime quoi, sur fond de jeux vidéo. Facile, mais non, car comme Prosnie est parfois un vil fripon, il a laissé des carences monstrueuses de niveau dans les questions, le gredin. Une équipe se retrouve donc avec Mario puis Tetris puis Megaman à mimer, quand l’autre se tape Z80, Bayou Billy et autres truc infaisable.

Nola a dans cette partie de mime eu un moment de grâce. De ceux dont parle les légendes, de ceux chantés par les anciens au coin d’un bon feu de bois sous la hutte. Je suis toujours très admiratif des gens qui sont capables à la volée de mimer n’importe quoi, en deux petites secondes. Mettant de côté tout leur amour propre, toutes leurs conventions, ces gens-là abordent le grand théâtre de la vie totalement à poil, sans inhibition. Nola est de ceux-là. Il commence par tirer « Rampage ». L’échec frappa à sa porte dans un vacarme assourdissant. Mais il ne se démonte pas. Alors quand il tire la carte « Wipeout », il y va à fond. Mais à fond. Peu importe s’il sait parfaitement que son équipe ne trouvera pas, il donne tout, se trémousse, se tortille, le regard vide tendu vers l’objectif. Son interprétation brillante du rapace volant sur sa proie résonne encore dans nos cœurs, même si elle n’a pas trouvé l’écho qu’il fallait dans la réponse… Pas une seule fois il ne lâchera le morceau, dans un silence de plus en plus pesant, dans une vide de réponse de plus en plus abyssal. Cela n’a pas fonctionné, mais quel sens du jeu nom de nom !

Vint ensuite l’épreuve terrible du Pyramide. Tout le monde connait, on est sur du classique. C’est parti. Tout se passe très bien pour l’équipe des XXXXX, Ugluck survole le jeu, et utilise un minimum de cubes. Le fail injuste de Nola est déjà bien loin pour l’équipe. La flambe, la gagne, l’autoroute de la réussite. Arrive son dernier mot : « Cartouche ». Mais ça, son équipe ne le sait pas encore. Silence de morts dans la salle. La pression est palpable, presque trop forte. Les femmes s’évanouissent, les hommes sirotent des bières. L’homme, sourire goguenard au coin des lèvres, regarde son équipe. « C’est gagné les gars, ne vous inquiétez pas pour ça » semble dire son visage impassible.

« En un. » (des « oooh ! » admiratifs résonnent dans la salle.) « Chasseur. ». Le mot est lâché. Rien ne se passe. L’équipe qui avait tant survolé l’épreuve se ramasse comme un vieux sac poubelle sur cette dernière fanfaronnade de l’ami Ugluck. Une tentative avec « Euh…. Duck Hunt ? » et c’était perdu. Puis c’est le terrible moment d’éternité lors de l’annonce de la réponse.

Prosnie explique ensuite qu’il ne faut pas trouver le plus de mots possibles, mais économiser ses points pour gagner. Que n’avait-il pas lâché là le malheureux ! Une fronde semblable à la Terreur de la Révolution se met alors en place. Jamais la fontaine aux bretons n’avait entendu tant de hurlements affolés, tant de cris d’orfraies, tant d’esprit de liberté dans une si petite pièce. Quoi, il ne suffirait donc que d’économiser ses points pour gagner ? Mais c’est une insulte à Pépita, tête de tigre ! C’est Laffont qui se retourne dans sa tombe ! Quoi il n’est pas mort ? C’est sûr que cela l’a tué !

Les arbitres ayant tous les pouvoirs, c’est la mort dans l’âme que le jeu repris de l’avant, dans un grondement d’injustice à peine masqué. « Mort aux traîtres ! » « La vertu produit le bonheur comme le soleil la lumière » « Quand l’intérêt des riches sera-t-il confondu avec celui du peuple ? Jamais ! » « La première maxime de votre politique doit être qu’on conduit le peuple par la raison, et les ennemis du peuple par la terreur. » « Va te faire enculer ». Ce genre de trucs.

Et on enchaîna sur un « question pour un champion ». Un buzzer humain dans chaque équipe, et un leader charismatique qui lui tape sur le crâne pour répondre. Face à un vent d’abattement dans mon équipe, j’y vais, avec Akpatok en buzzer. Nous ne pouvions pas perdre. Merde, c’est quand même mon site, j’ai un peu de répondant quoi. En compétiteurs, c’est Bazart et Spoz qui prennent la manche.

Je ne peux pas vous raconter ce qu’il s’est passé. Dans des grands hurlements de buzzers humains, ce fut un déchaînement de réponses brillantes. Mes camarades hurlaient, la salle les accompagnait de plus belle, la fontaine aux bretons était en liesse c’était totalement incroyable. Mais pas moi, oh non. J’ai tellement pas répondu que pour simplement savoir si je savais encore parler mon buzzer hurlait à tout va, comme ça, simplement pour savoir si on arriverait à répondre, au moins une fois. Et effectivement j’ai offert au monde un timide « Dr Robotnik ? » qui nous offrit un point. Le point de la honte. Le point de la défaite.

Dans l’intervalle nous avons encore eu le droit à quelques surprises de la part des arbitres, avec des réponses d’une précision totale et infinie, nous laissant vaguement dubitatifs :
- Vous dites ? Pansement sur le ventre ? Hé non, perdu, c'était pansement au NOMBRIL Monsieur.
- Vous dites ? Des nains ? Des gobelins ? Des Leprechauns ? Non, des Elfes Monsieur.
En partant, Fungus me regarda dans le blanc des yeux pour me glisser un formidable « Tu sais, si le jeu rétro t’intéresse, je connais un site sympa, NES Pas, je ne sais pas si tu connais ». Je ravalais mes larmes, m’effondrais sur une chaise, et bu, et bu et bu et bu. La honte ce soir-là se buvait bien serrée et sans faux col.

La deuxième manche consistait à choisir un thème, avec un leader par équipe, seul face à une foule coite. Arrive alors le tour de Fungus. Sa légendaire mémoire encyclopédique du jeu laissait présager un GRAND TOUR. Serein, placide presque, assis l’œil concentré. Les choix : XX, YY, et les moteurs de jeu. Le monde est pendu à ses lèvres. Toujours aussi calme, l’homme, la légende, s’exprime haut et fort : « Je vais prendre les moteurs de jeux ».

Prenons un instant de lucidité sur cette décision. Qu’elle est mauvaise ! Fungus ne décida pas à cet instant de se tirer une balle dans le pied, non, il décida tout de go de se couper le pied, de le jeter aux orties, et vu qu’il tenait encore debout de s’arracher quelques molaires au nom de l’humour. Le sport l’a perdu.

Qu’il fut seul pendant ces longues minutes de jeux. Entre deux « Jacques ? Jacques ! » et autres fanfaronnades, c’est la tristesse qui suintait par tous les pores de sa peau. Rien, rien ne vint l’aider. Pas même les arbitres, tellement fiers de leur questionnaire qu’ils n’arrivaient pas toujours à lire les réponses tant elles étaient complexes. Triste moment d’effroi pour un beau geste, pour la beauté du jeu…

C’est sur ces merveilleux souvenirs que le concours jour 1 s’acheva. Il était prêt de 3h du matin. Les équipes s’éparpillèrent, quand couru tout à coup une rumeur, d’abord discrète, secrète, s’enflant délicatement, devenant un bruit sourd omniprésent : wonderpanzer va projeter un boulard en Super 8 ! Nom de nom, un boulard, vite vite en salle Algue pour regarder tous ensembles un bon vieux film de cul à l’image délavée et tremblotante ! Wouhou !
La salle Algue pour se la représenter est une salle de classe d’une autre époque. A l’étage, face à la mer, aux murs des panneaux didactiques sur l’océan, et au tableau des centaines de bites, de croix gammées et de paires de seins. Non, rassurez-vous, ce n’est pas l’Education Nationale qui a mis ça au programme. C’est avec une joie non dissimulée que je découvris les talents artistiques du tout NES Pas, qui avait œuvré pendant l’après-midi.

Pendant ce temps wonder ménageait son effet. Devant une salle en rut, n’attendant que LE BOULARD, l’homme mis d’abord une autre bobine, pour nous préparer. Et dans la pénombre, vers 3h30 du matin, nous regardâmes Airport 80, 1979.

Les minutes semblèrent bien longues au démarrage. Un son inaudible, des images d’aéroport, une histoire qui forcément nous échappe, c’est un impeccable sans faute : ce film sera une merde. Puis insidieusement le mythe se met en place. Alain Delon copilote d’un concorde, ce fier fleuron français, fait un looping à Mach 2 pour éviter un missile. Les vues des voyageurs sens dessus dessous ont commencé à créer des sourires. Un looping, deux loopings, une petite vrille, et merde. Le missile les suit toujours. Qu’à cela ne tienne : ouvrons les hublots et jetons un leurre (en l’état une clope allumée) dans le ciel pour tromper le vil missile. Ah ah on l’aura ! Et c’est un Alain Delon en pleine forme qui jette sa cigarette. Yes, un missile d’éviter, mon Dieu mais il y en a un autre !

Je ne veux pas vous spoiler le reste, non non, chacun doit faire son expérience. L’hilarité était à son comble lorsque l’avion, enfin posé, offrait un plan des pilotes rajustant leur casquette à la cool, fiers du devoir accompli, avec en arrière-plan les passagers descendant comme si de rien n’était. Après une bonne douzaine de loopings à Mach 2, c’est sûr qu’il devait être en pleine forme.

Et devant nos yeux émerveillés, Wonder venait naïvement de nous faire découvrir les films suédés, ces films d’une heure trente réduits à 20 minutes pour tenir sur une bobine de Super 8. Et ça c’est merveilleux.

La salle néanmoins s’impatientait. Pendant toutes les vrilles du Concorde, un grondement « LE BOULARD LE BOULARD ! » Son heure arrivait enfin.

Le film démarra enfin. Chacun assis derrière son petit bureau d’écolier à encrier, fasciné par l’image, le son perturbé par un Super8 qui passait dans les rangs en ouvreuse prévenante, proposant à qui le souhaitait « UN MOUCHOIR, QUI N’A PAS SON MOUCHOIR , MOUCHOIRMOUCHOIRMOUCHOIR ! », un Konino à 18 grammes qui - las de regarder virevolter l’avion – arracha tous ses vêtements en hurlant "pUTAIN LE bOuUlLArRd" jusqu'à s’ effondrer sur son banc, usé.

L’histoire ? Insignifiante. Une sombre histoire de badminton, un grand black, une fille, quelques phrases échangées à la va-vite, et c’est parti son kiki. Un boulard quoi. Une fois encore l’émotion fut à son comble grâce à la qualité des doublages. Il est probable que la doubleuse devait tricoter pendant son boulot. L’homme était plus convaincant. C’est son traducteur qui lui devait avoir bu. Lorsque pendant une bonne pipe il s’exclama sans aucune intensité « Hmmm… Tu as la langue bien rêche. » Il y eut une minute d’éternité dans l’assemblée. Quoi ? Cet homme pourtant si viril n’avait donc jamais fait l’amour avec autre chose que son chien ? Jamais nous ne le saurons.

Il était 4h30, et c’est en me traînant comme un myopathe en fin de Telethon que je remontais m’effondrer. La même fenêtre ouverte par -5° m’attendait, je souffrirai immanquablement du même mal de gorge le lendemain, mais qu’à cela ne tienne. Bonne nuit.

Le lendemain la traditionnelle pâteuse. Assez traditionnelle pour un samedi, elle n’en prend pas moins des proportions délirantes. En bas, après mon café je réalise que MrBlueSky est là. Comme Nola, qui a bravé les éléments seuls pendant des heures dans sa voiture, MrBlueSky sort d’un mariage, à dormir 30min, puis a choppé un covoiturage à Paris, pour être 5h plus tard à Pornic. Et ça c’est totalement l’esprit. Prenant deux secondes de recul je réalise alors à quel point ces meetings sont des merveilles. C’est vrai quoi, qu’est-ce qui pousse un homme à faire ça à part la passion ? C’est formidable !

Toutes les têtes émergent doucement, je profiter du soleil et m’installe à l’extérieur, dont je ne bougerais pas pendant des heures. Je suis en quelque sorte DEVENU le banc. Les gens défilent autour de moi, on rigole, on échange, on apprend à se découvrir, c’est merveilleux, nous sommes le 1er novembre je suis en polo dehors, tout. Va. Bien.

Wonderpanzer lui aussi est réveillé. On le repère à 100m car lorsque l’on est dans le sens du vent c’est une odeur à mi-chemin entre l’urine de chat et le rhum-orange qui vient chatouiller vos narines. L’homme, qui n’est plus à présenter, est de la race des puristes, des vrais. S’il avait été viking, il aurait quatre cornes à son casque, il boirait sa bière dans deux crânes d’ennemis abattus, et aurait douze femmes. Une sorte de Leviathan de l’orgie. Alors quand l’homme propose comme si de rien n’était d’aller faire du kayak, c’est assez surnaturel.

Imaginez un type en slip, vraisemblablement à 12 grammes depuis maintenant 48h, avec une cape et un masque de luchador mexicain, proposer naïvement d’aller faire un tour de Kayak.
La première pensée est que le boulard l’a UN PEU travaillé. Un peu trop peut-être, et que c’est un traquenard. La deuxième est de réaliser qu’il est tout à fait sérieux, et que le Kayak gonflable qui fait la joie de ses filles est prêt. Ne lui manque qu’un petit Magellan pour l’envoyer voguer sur les flots.

Poyo arrive, en slip, rangers, la barbe fraîchement en pétard, et c’est parti. L’équipage s’en va dans un lointain de soleil naissant, vers l’aventure, les alizées, et qui sait, peut-être le nouveau monde. L’image est irréelle, presque trop belle.

Bien sûr nous sommes raisonnables. On leur demande de prendre quelques nourritures, des fois que le courant soit un peu plus fort que prévu, et qu’ils doivent tenir quelques semaines en mer. On leur explique qu’il leur faut adopter une mouette, qu’ils appelleront « Skwik » pour ne pas sombrer dans la démence en voyant se profiler New York dans un lointain brumeux d’après tempête. Ils partent, beaux comme l’antique.

L’équipe de la plage a vendu du rêve. De ce type de rêve dont le quotidien ne fait pas partie, l’antichambre de la folie. Lorsque nos deux compètes revinrent à terre, la surprise sur les visages des familles très classiques de Nantes était totale. Ugluck rampant sur la plagen, hurlant dans un syrien naissant « Terrrrre, terrre, maiiis dans quel pays souis-je ? », tout était absolument parfait. Vous avez été merveilleux les gars.

La journée fut des plus douces. Baskets d’impotents, où chaque lancer termine à côté, sandwiches bricolés, jeux de société, jeux vidéo, blagues, fous rires, francs rires, massifs humour, dose de poilade et joie à tous les étages. Et puis la bière, la bière la bière. Bast et Parkingboy partant dans les sapins au loin, armés de leurs 3DS pour dixit "s'échanger des navets" restera aussi l'une de mes images du week end. J'ai vu Broke Back Mountain, je sais... Nicolas, sourire radieux aux lèvres, partageant la douceur de son intérieur à Animal Crossing, comme un malade partage avec le psychologue ses sculptures en babybel, simplement heureux. C'est tout simplement... Beau.

Et dans la poésie l'idée fixe subsistait : la soirée annonçait le must. Tout d’abord le repas : cette excellente patiflette. Vous prenez des pâtes, vous mettez du fromage, des oignons, et bam. Ah la gastronomie à Pornic, la vie ! Et une fois bien calé, on peut entamer la fin du concours, qui départagera les meilleurs, les gladiateurs du jeu des temps modernes.

Première épreuve, une course sur Sonic 2, par équipe de 2 joueurs : une qui gère la croix, un autre les sauts. Synchronisation, communication, esprit d’équipe, de corps, le jeu quoi. Le jeu se passe. Dire que mon équipe n’a une nouvelle fois pas été au niveau est un faible mot. Vous savez, ce genre de course à pied où une équipe s’envole vers la victoire, et l’autre refait son lacet, puis pour une raison inconnue part mais dans la mauvaise direction. C’est ce que j’ai ressenti à ce moment-là. Une sorte de lassitude gagne l’équipe, mais solide et serein, nous n’en laissions rien paraître. Dernier au classement c’est bien aussi, c’est premier mais dans l’autre sens.

Une fois l’épreuve passée, après un magnifique run de Super8 aux commandes, combat en 1 to 1 sur Double Dragon 1. Le truc que personne n’a jamais lancé, l’occasion de rire un peu. Le jeu n’est pas en soit un jeu de combat. Non. C’est un beat them all, dont les gars ont tiré comme ils sont pu un truc à deux joueurs, difficilement. Alors voir un peu tout le monde découvrir l’ensemble avait quelque chose de jouissif. « Oh regardez, trop marrant, mon personnage peut traverser tout l’écran la tête la première ah ah c’est trop marrant, ah ah, Ah ? Ah oui il se prend les murs aussi, et ça prend un peu de vie. Bon »

Les combats furent épiques, avec en clef de voute de l’ensemble un duel POYO / Racletteman totalement légendaire. POYO accusait un peu d’alcoolémie au compteur. Il mangeait une sorte de dérouillée ultime, en tout cas en apparence. Armel, très en forme, l’humilie. Arrive le coup final, le corps meurtri du héros de POYO s’effondre, Armel se lève en hurlant comme seul au milieu d’une arène de morts, le corps enduit d’huile. C’est la victoire, la vraie, celle des tablettes de pierre, celle des livres d’histoire. LA WIN.

A part que le jeu avait décidé autre chose. Non, Armel n’avait pas gagné. Et sa fanfaronnade laissa a Wonder les 10 secondes supplémentaires pour gagner la partie. Dire que la frayeur envahit les visages rieurs quelques secondes avant est un bien grand mot. L’humiliation fut terrible. Raclette, les bras encore en l’air, la bouche crispée d’interrogation venait de perdre comme une merde. Epique.

Prosnie nous offrit alors sur un plateau un grand classique de Pornic. Le jeu avec l’image, les commandes, tout inversé : Micro Machines. On connait tous à peu près ce jeu, mais avec les commandes à l’envers, c’est un tout autre registre. Je décide de prendre le tour, tandis que les GO modifient toutes les commandes. Et c’est le grand départ.

Moment de flottement : au premier virage mon cerveau tique, quelque chose ne va pas. Ah oui, les organisateurs ont tellement tout inversé qu’en fait c’est le jeu normal que l’on a. Bon, ça arrange tout le monde, c’est quand même très rigolo. J’effectue un bon départ, on y croit, et comme un soufflé d’optimisme, c’est la dégonflade. Pfuuuuuuuit, ce n’est pas non plus pour cette fois. Merde, c’est à se demander si on a compris les règles…

Fort de notre esprit d’équipe certain, vaguement découragé au fond de nos cœurs usés, nous affrontons tous ensembles un autre classique du rire : Bomberman 2. Du classique, mais là encore avec une surprise : le joueur est dos à l’écran, et un type de l’équipe lui dit ce qu’il doit faire. On assiste alors à un pantomime absurde de petits bombermen qui se font sauter seuls, à cause d’une erreur d’aiguillage par son camarade. C’est assez fendard, sauf quand on a 10932034 de points de retard au classement.

Camille, l’amie de Konino, parachutée là dans ce monde de brute releva le défi brillamment grâce aux conseils avisés de Grumly. Je vous coupe tout de suite dans vos interrogations : non, nous n’avons strictement rien gagné. L’arbitre ne releva pas que certaines équipes regardaient discrètement dans le reflet des vitres pour gagner, non. Le jeu valait mieux que ça.
Puis la finale. Un Mario Kart Double Dash en relais. Tout le monde d’impliqué. Tout. Le. Monde. Un tour, et on passe la manette. Easy.

A part que dans la réalité, quand on est quasiment 30, c’est le chaos. Passer la manette quand on a 10 personnes autour de soi, c’est l’anarchie. « MAIS C’EST A QUI PUTAIN WOW LES GARS ON SE CONCENTRE MAIS ARRETE J’AI LE PIED DANS LE FIL PLUS QU’UN TOUR ».

Nous étions plutôt très bons, premier même, chose tellement rare que l’on n’y croyait plus. La pauvre et chère enfant prend la manette, et se laisse humilier. Pas simplement dépassée afin de terminer second, non, humilier salement, pour terminer dernier avec 10 minutes de retard, genre quand on passe la ligne tout le monde est à la tireuse à bières. Ce genre-là. Mais comme nous ne sommes pas que des chiens, mais parfois des gentlemen, nous avons tous pris sur nous cette perte. Non, ce n’était pas ta faute Camille, c’est notre faute à tous, ne t’inquiète pas. Les sportsmen. Arrive la deuxième manche, avec ses moments d’anthologie.

Chaque équipe disposait d'un bonus, un truc en plus qui apportait des pouvoirs à l'équipe. Je ne me souviens plus des autres, mais le notre à nous était merveilleux : une fois qu'une équipe adverse a sélectionné son joueur sur une épreuve, on leur demande simplement d'en trouver un autre, pour le changer. Ca n'a l'air de rien comme ça, ah non. Mais il faut savoir que dans l'équipe des Jacques Facial, il y avait Ika.

Enfin Ika, ce qui en restait. Car depuis deux bonnes heures, le pauvre homme dormait, la tête sur les genoux, immobile comme un jouet cassé. Ikassé. La fatigue, l'alcool, le même gène des puristes que celui de Wonder, off. Alors dans le cerveau fatigué de notre équipe perdante le plan était simple : "Oui oui, sympa de mettre Racletteman sur Mario Kart, c'est vrai il connait le jeu par coeur. Notre bonus nous autorise : prenez plutôt Ika hin hin hin"

Flottement. Rien, les arbitres se regardent, se demandant si tout cela est bien légal. Discrètement l'équipe tente de réveiller le principal concerné, qui au bout de 10 minutes de réanimation cardiaque prend son air le plus naturel du monde "moi bourré, boh eh les gars, à d'autres", avec un oeil qui tombe comme un clochard tentant de cacher son alcoolisme en tombant dans une flaque de pisse, le plastron couvert de gerbe. On a perdu pas mal de temps sur cette connerie, mais tout était parfait.

De notre côté, dans un souci constant de stratégie, Poyo est mis en avant. Il est bon, il est chaud, il n’a plus de voix depuis quasiment 48h, mais on compte sur lui. Fort. Très fort. Il boucle son tour brillamment, les étoiles le tutoient, et l’heure de passer la manette est arrivée. Personne autour de lui ne prend ladite manette, la confusion règne, « mais c’est à qui bordel ?! ». Sport jusqu’au bout, l’homme ne voit qu’une solution : tomber en arrière avec la manette en l’air dans l’espoir de ne gêner personne quand on saura enfin qui doit prendre cette damnée manette.

Il faut se représenter un homme décidant comme ça, à minuit et à 12 grammes de faire un pont en arrière. C’est formidable. Poyo s’écrase au sol dans un bruit d’œufs brisés, probablement une vertèbre ou quelque chose de fragile qui vient de se casser à jamais, et a toujours les bras en l’air avec une manette dans les mains. Quelqu’un prend la manette et prend le relais. Poyo est toujours par terre, quand arrive Wonderpanzer. Quelques minutes avant, il vient de renverser son épouvantable verre de rhum orange alcools interdits sur mon pantalon, je puerais la vinasse jusqu’à la fin du séjour, mais on s'en fiche. Wonder voit Poyo. Un éclair alcoolisé de génie lui vient alors lentement au cerveau : « mince, Poyo a l’air tellement mal, je dois le sortir de là ».

Si l’idée est noble la réalisation est dramatique. Wonder met alors sa tongue sur les cheveux fort longs de Poyo, histoire de bien le coller au sol crasseux de la salle, ou de laver les carreaux pour gagner du temps sur le nettoyage du lendemain, puis lui accroche sévèrement les boules, d’une main ferme et virile de travailleur de champs, et d’un geste auguste et ample lui arrache le bras pour tenter de le relever, achevant de crisper ce qu’il restait de Poyo, qui du fond de sa petite voix éraillée et sans vie n’arrive qu’à hurler un tout petit « putaiiiiiin mais ça fait suuuuuuper maaaaaaal ! ». Les deux s’effondrent dans un BOUM sonore, puis sont évacués par le reste de l'équipe, qui n'a rien vu, concentrée sur l'objectif.

J’ai vu cette scène, devant moi. J’en suis encore médusé de rire. L’incongruité de la chorégraphie, la minivoix, l’odeur épouvantable d’alcool, absolument tout. Etait. Magique. Alors merci les gars, nous avons perdu avec brio, soit, mais bon sang ce que l’on a ri. On a perdu haut la main. Ok c’était moche. Mais on a eu l'esprit.

Alors c’est totalement ravagé par la fatigue, la bière, la gorge en feu, que je remontais vers 2h dans la chambrée. Me traînant comme un escargot sur une traînée de sel, je lâchais prise et m’effondrais. Le lendemain matin, le départ dans la Bast mobile étant fort tôt, il ne fallait trop traîner.

La nuit fut bonne, trop courte bien entendu, et le réveil des plus douloureux. Mais il le fallait. Un café plus tard, c’était parti. En avançant silencieusement dans les couloirs pour ne réveiller personne, entre deux odeurs de vieux pieds, dans l’humidité des douches collectives, nageant dans la transpi, les déodorants qui puent, un sourire totalement niais m’a gagné. J’étais seul, hilare dans le couloir des dortoirs.

Ok je partais tôt, et coupais au terrible « au revoir » de chaque fin de teuf NES Pas. Ok je n’ai servi strictement à RIEN dans l’organisation, rien de rien de rien, un ficus aurait plus apporté que moi. Ok cela fait longtemps que le site n’est plus spécialement mon jouet solitaire à moi, mais au fond de mon petit cœur gelé, une petite voix me disait « eh mec, tu réalises quand même que ce tas brillant de joyeux cinglés est d’une certaine façon réunit ici grâce à cette idée folle que tu as eue un jour avec Romain ? N’est-ce pas trop marrant ? » Et si, ça l’était vraiment.

Depuis maintenant plus de 11 ans, NES Pas berce mon quotidien, parfois de très loin, parfois carrément directement, parfois pas du tout, mais ce site, ces gens, ce grain de folie de passion qui nous anime tous à quelque chose de totalement réconfortant. Alors si je m’interrogeais comme à chaque fois sur le pourquoi de ma venue au moment du départ, je savais parfaitement en partant ce que j’y avais trouvé. Une cirrhose ? Probablement. Mais surtout une atmosphère saturée de plaisirs simples, et la joie de regagner - l’espace de 72h - un bon pas, et une joie féroce dans le ventre, une envie de tout dévorer.

J’ai remercié Prosnie pour son génie d’organisation. On s’est regardé, on a rigolé doucement et sans dire un mot, on est parti chacun de notre côté. Il y avait tout à faire, à rêver, à construire. Mais maintenant c’était plus facile, je revenais de Pornic.