L’ami Ghost a lancé le sujet : « Et si chacun d’entre nous se chargeait de rédiger un dossier sur la machine de son cœur ? ». Oui, surprenant chez ce garçon habituellement peu enclin à la réflexion au delà de celle nécessaire aux jeux Sega, c’est à dire superficielle. Un tel trait d’esprit ne pouvait donc être que l’œuvre du divin. Et quand le divin formule le verbe, l’humble serviteur poilu que je suis obéit.
Et quelle machine peut se vanter de se hisser à la hauteur de la Super Nintendo dans le référentiel de mes satisfactions émotionnelles d’adolescent attardé ? Seule la NES peut jouer les outsiders crédibles à ce niveau de la compétition. Les Master System, N64, Gameboy et autres cubes ont été éliminées au cours des tours précédents, non sans une belle combativité (sauf pour la SMS, mais bon c’est une Sega, c’est déjà beau d’être parvenu à se qualifier).
C’est donc tout naturellement que mon choix s’est porté sur la reine du bal. Quitte à être obligé d’en baiser une, autant culbuter la plus belle, non ? Et pas de souci, c’est bien la plus belle. Analyse d’une légende vivante…
Nom : Nintendo.
Prénom : Super.
Pays d’origine : Japon.
Parents biologiques : Nintendo et Western Digital (pour le processeur).
Noms d’emprunt : Super Nintendo Entertainment System (SNES), Super Famicom.
Date de naissance : 21 novembre 1990.
Le pedigree de la reine est imposant, comme tous les pedigrees royaux. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de frissonner lors de sa naissance. En effet nous sommes en pleine guerre froide du vidéoludisme : Sega rattrape peu à peu son retard sur Nintendo ; la megadrive est déjà disponible depuis plus de deux ans, et Mario est en réanimation suite à une mauvaise infection contractée consécutivement à un contact brutal avec des épines venimeuses dorsales de hérisson bleu… Les joueurs se sont donc progressivement détournés du saint chemin pour aller s’abîmer dans la facilité tentatrice d’une machine qui compense son vide technique par une apparence esthétique diabolique. Oui la Megadrive est la sale blondasse du bal avec son cul rebondi, ses nichons abracadabrants et ses deux neurones maladifs.
Et quand l’héritière du trône voit enfin le jour stupeur ! Ses caractéristiques techniques sont loin d’écraser la blondasse, qui accuse pourtant le poids de ses années. Horreur ! Pour ceux qui aiment se masturber sur les chiffres voici le best-of : Processeur Western Digital 65c816 à 3.58MHz (contre 2 processeurs pour la Megadrive à 8MHz et 4MHz !!), résolution de 256x224 à 512x448 (320x240 pour la MD, niquée !), 128Ko de RAM + 64Ko de mémoire vidéo (MD re-niquée avec sa seule mémoire vidéo de 64Ko), palette de 32767 couleurs (512 pour la MD) dont 256 affichables simultanément (64 pour la MD). Oui je cite la MD systématiquement, car en ces temps reculés la seule évaluation valable est celle qui compare les deux machines ennemies à la vie à la mort. Vous pouvez vous imaginer la guerre Atari ST / Amiga comme exemple. En pire. Sur le papier donc avantage à la MD et ses gros processeurs. Seulement voilà, le papier dans la vie ça sert pas à grand chose… si, à se torcher. Et ben Nintendo va justement se torcher avec les pronostics qui les donnent perdants. Car un petit caillou s’est glissé dans les rouages. Un petit co-processeur uniquement dédié aux effets graphiques dans les jeux, dont le fantastique « mode 7 » dont Nintendo va abuser et rabuser jusqu’à l’écoeurement des joueurs. Le mode 7 c’est cet effet qui permet à vos graphismes de tourner sur eux même tout en zoomant et en dézoomant,créant ainsi de saisissants effets de rotation variables, très utiles dans les courses, mais aussi dans les shmup ou autres jeux de plateforme.
Ajoutez à ça que la SNIN est foutue de contrôler quasiment deux fois plus de sprites que la MD (et deux fois plus gros, na !), et qu’elle a un processeur Sony entièrement dédié à la gestion du son, et vous arrivez à un équilibrage des forces en présence.
Heureusement pour la marque au plombier mycophile, la balance va exploser en faveur de Nintendo grâce à la ludothèque fantastique dont va se parer la Snin.
Imaginez donc une petite princesse promise au plus radieux des avenirs possibles mais qui finalement naît tardivement et avec un retard certain sur ses rivales à l’accession au trône. Une armée de précepteurs va donc se succéder pour en faire une machine de guerre, prête à chier sur la gueule de toutes les salopes qui oseront rêver à son héritage. Vous avez le concept, il ne vous reste qu’à remplacer les précepteurs par les développeurs.
En effet Nintendo a avant tout pensé sa bestiole pour ces gens merveilleux. Eux ont vite compris que sans leur appui la bataille risquait de tourner court, quoi qu’en disent les chiffres sur le papier (papier dont vous connaissez désormais l’utilité). Et c’est donc muni d’un kit de développement enfantin que les pontes de la société lance la chose fin 1990 en s’étant au préalable refait une beauté tout en glissant de gros billets dans les dossiers de presse. Cette dernière épargnera d’ailleurs la dernière née de big N. La popularité de la NES est telle, le savoir faire de Nintendo si réputé que les journalistes restent réservés, tout en admettant lécher les rarissimes photos lâchées par Nintendo espérant ainsi calmer leur tremblements neurovégétatifs provoqués par l’envie compulsive de toucher à la chose. Bien leur en a pris. Le jeu livré en bundle sera la nouvelle version de super mario, baptisée pour l’occasion Super Mario World. Moi je trouve que ça sonne super bien. Ça sonnera tellement que les mecs de chez Sega en ont encore des bourdonnement dans les oreilles…
L’envol sera pourtant timide. Les ventes commencent de manière traditionnelle au japon : queues de 870 mètres devant les points de ventes dès la veille de la sortie. Ce ne sont pas des gens comme nous. Par contre en Europe et aux USA c’est vraiment plus mitigé. Nombreux sont les sales traîtres à avoir vendu leur âme au hérisson syphilitique (ah, vous ne le saviez pas ? Il avait la gale aussi), et la pauvreté du parc de jeux disponibles au moment du lancement de la SNIN tempèrent les ardeurs du consommateur lambda. Ca tombe bien, je suis un beta moi (oui hein ? moi aussi je la trouve nulle). Quelques déconvenues commerciales à vite oublier, et me voilà en possession de ce trophée. Je ne vous referai pas la description de ces moments lourds d’émotions puisqu’ils sont consignés dans mon article sur Super Mario World.
Mais les faits sont là. Cela fait plus de deux heures que je joue à SMW et je me dis que je vais crever de faim devant l’écran si personne ne vient m’en dessouder… Le jeu est totalement addictif. Une œuvre d’un perfectionnisme démentiel, pensé pour le joueur et sa jouissance, au mépris de tout le reste. Et ça marche : ON JOUIT ! Les nouveaux concepts pleuvent, et on se sent fier comme Christophe Colomb découvrant Cuba (et pas l’Amérique, bande d’incultes !) quand on explique à ses copains à la récrée qu’on a réussi à dénicher tel ou tel passage secret. Les automatismes des joueurs sont en train de se former à cette nouvelle façon de jouer, et très objectivement je peux dire aujourd’hui que c’est une époque merveilleuse que nous avons alors vécue. Les développeurs retors ont visiblement bien compris comment maîtriser au mieux le kit de développement mis au point par Nintendo, et sont en train de jeter des pelles de terre sur le cercueil de Sega.
Comme je l’ai dis plus haut, malgré des débuts timides, la somptueuse machine grise va pourtant s’écouler à 45 millions d’exemplaire (ndr : il n’est donc pas nécessaire de la payer plus de 10€ sur eBay…). Pourquoi ? L’essentiel des ventes va tenir en 3 titres qui vont marquer l’esprit des joueurs au fer rouge : Zelda a Link to the Past, Super Mario Kart, Street Fighter 2.
Le premier est l’un des meilleurs jeux de tous les temps, et beaucoup (dont moi) le considère toujours comme le meilleur opus de la série des Zelda. Mais il n’a pas conquis les allergiques à Nintendo.
Le second est une humiliation à toute la production de l’époque en matière de course automobile. Le réalisme emmerde beaucoup plus de joueurs qu’il n’en satisfait pas vrai ? Nintendo le supprime donc, et recolle une grande louche de jouissance dedans. Y’a pas à dire ils savent tripoter là où ça fait du bien. Une course de karting totalement délirante, avec pour background le monde désormais très riche de Super Mario World. Maniabilité et fun sont bien évidemment présent, et le succès est fulgurant, surtout en multi. Les concours du meilleur temps se multiplient dans les magasines et les cours de récré (photos d’écran à l’appui ! Oui, j’ai dit photo et pas capture…. Encore un truc que les jeunes ne connaîtront jamais…). Mais là encore les plus enthousiastes restent les adeptes de Big N.
On pourrait en rester là. Nintendo a récupéré ses brebis avec deux monuments du jeu, Sega garde les siennes avec quelques titres accrocheurs et l’arrivée salvatrice du Hérisson cancéreux (ah, vous saviez pas ? Il avait la chaude-pisse aussi), et tout va pour le mieux. On continue la sempiternelle guerre pour le bonheur des joueurs (oui, on n’avait pas encore entendu parler de la Saturn à l’époque, hi hi hi).
Oui mais voilà dans la vie des joueurs de 1992 il n’y a pas que les consoles. Les bornes d’arcades des cafés enfumés proches du lycée comptent énormément. Et justement cette année là, un mythe est né…
Street Fighter 2 est un jeu de Capcom. A l’époque, presque personne ne connaît ce nom. Ceux qui ont un peu joué à Megaman s’en rappelle vaguement, mais les joueurs sont loin de se douter que cet éditeur va pulvériser les records des parties jouées sur un jeu d’arcade, de même que la longévité en terme de présence d’un tel jeu. Rares sont les esprits qui se rappellent de Street Fighter premier du nom. Et heureusement. Sans être une daube, ce jeu est plutôt passé inaperçu dans la masse des beat’em up de l’époque. Mais le miracle va se produire. Jamais aucun jeu d’arcade avant lui, ni aucun depuis, n’a enflammé les passions autant que Street Fighter 2. C’est le sujet de conversation privilégié de toutes les cours de récré de France (enfin au collège des petits pénitents de Jouilly-sur-membre c’est pas sûr…). Ceux qui y ont déjà joué (les salles ne sont pas encore équipé de 5 exemplaires du jeu, ce qui viendra… et là aussi ce sera une première) récoltent la gloire et l’attention de tous quand ils en parlent. Forcément ce sont aussi eux qui emballent les gonzesses… Ce jeu est tellement beau, tellement maniable, tellement impressionnant dans la quantité comme dans la qualité des coups disponible qu’il carbonise instantanément tout ce qui a pu exister dans le registre. Il reste encore en 2004 le jeu le plus vendu en salle d’arcade et celui qui a généré le plus de recettes de très très loin. Seul ou à deux on ne pouvait pas se lasser d’y jouer. Sa longévité exceptionnelle, et le fait que les machines d’arcades étaient beaucoup plus puissantes que les consoles de salon disponibles ont retardé son portage de plusieurs longs mois. Puis la bénédiction illumina les croyants du N : « Street Fighter 2 sera adapté en exclusivité sur Super Nintendo ». Alleluïa, gloriam in excelsis deo, repasse moi du boudin blanc ! La nouvelle fait un bruit exceptionnel. Toute la presse spécialisée en parle. Le coup sera fatal à Sega. Les ventes de la super nes s’envolent littéralement en Europe comme aux USA, uniquement pour pouvoir profiter de ce titre. Et nintendo d’en rajouter une couche en sortant pour l’occasion un pack spécial incluant Street Fighter 2. Exit la plomberie, bienvenue aux électriciens verdâtres et autres yogis élastiques.
Là encore comme pour Zelda, la pression est trop forte, et je craque dès réception du jeu en import US. Ouille, 750 Frs la cartouche. Aujourd’hui encore ma marge anale a du mal à cicatriser. Mais Dieu que ce titre est bon… Le portage est absolument parfait, et seuls les graphismes ont fait les frais de l’opération, mais la sacro-sainte maniabilité n’a pas bougé d’un iota ! Le carton est mondial.
La suite on la connaît. Elle est malheureuse. Sonic se met à boire, fréquente les putes et sombre dans la drogue. C’est à cette occasion qu’il contracte le VIH, les hépatites B et C et un claquage des fessiers alors qu’il tente de violer Tail. Sega fait tout pour cacher la descente aux enfers de sa star, mais le public a compris. Tel un maradona revenant pour un Mondial ’94, Sonic tentera une réapparition sur Dreamcast, mais la magie n’opèrera plus. Une époque est révolue. Et comme Prost manquait à Senna, Sega me manque terriblement (d’autant plus que Sony/Schumacher pointe son nez pour tout pulvériser sur son passage…).
Quoi qu’il en soit aujourd’hui, la bataille fut terrible, mais Nintendo la remporta donc sur un ultime Hadoken alors que Sega avait calculé son saut un peu juste.
La belle en robe grise ne sera plus jamais rejointe. Son impressionnante ludothèque fait aujourd’hui encore rêver bien des jeunes (en manque d’argent) avec des titres mythiques comme :
- Super Mario World
- Super Mario Kart
- Zelda 3
- Street Fighter 2
- Secret of Mana
- Castlevania 4
- Super bomberman
- F-Zero
- Starfox
- Contra 3
- Donkey kong Country
et j’en passe...
Sa somptueuse carrière s’est brisé net avec l’arrivée de la playstation de sony en 1994. Quelques titres ont encore pu la maintenir à flots et donner l’illusion d’un semblant de résistance, mais c’est surtout dû à une baisse agressive des tarifs officiels. La console est moribonde et Nintendo ne tardera pas à l’abandonner au profit du….hem… Virtual Boy. Hem. Bref.
S’en suivra une traversée du désert propre à chaque console. La période entre la gloire et le regain d’intérêt nostalgique à la mode. C’est dur à dire mais pendant près de 10 ans la console est devenue ringarde. Aujourd’hui tout ceci est bien loin vous le savez puisque vous êtes sur un site d’ardents défenseurs du patrimoine vidéoludique mondial ! La belle en robe grise fait encore la joie (et la richesse) des négociateurs de tout poil, tantôt escrocs, tantôt pigeons, mais vrais amoureux de la bestiole, même s’ils s’en défendent corps et âme.
Vous n’en avez pas une ? Ah… bizarre ça… Vous ai-je dis qu’elle rendait la vue ? Qu’elle fait fuir les supporters du PSG ? Qu’elle prépare les omelettes aux truffes comme personne ? Elle permet également de gagner au loto, de faire revenir les amours perdus, de trouver du travail, d’agrandir le sexe, de tuer les chats rien que par la pensée et de filer la diarrhée aux concepteurs de real TV. Promis !
Cette machine est un don du ciel. Elle est belle, performante, recèle des heures de plaisir ininterrompus, et est d’une robustesse a faire pâlir un bloc d’acier galvanisé.
Terminons par un tour d’horizon des petits détails qui achèveront de vous convaincre : des pads réellement ergonomiques quoique peu résistants, mais si beaux, un quintupleur de manettes pour jouer à Bomberman à 5 (JOIE), un bazooka de merde pour « jouer » (rien que le nom m’amuse) à des jeux de la même matière, un adaptateur pour jouer aux jeux Game Boy sur votre télé, et une souris pour dessiner et faire de la musique grâce à Mario Paint.
La Super Nes a innové dans de nombreux domaines, certes pas toujours adroitement, mais il faut au moins lui reconnaître ce mérite.
Ses musiques sont époustouflantes pour une machine aussi ancienne. Vous en rêverez.
Je crois que j’ai terminé. La NES m’avait montré la voie, la Super Nes m’a appris la patience (dans l’attente interminable de la machine puis de certains jeux…), l’émerveillement et la plénitude qu’on peut attendre d’un jeu vidéo. Elle restera LA console à mes yeux de joueur né en 1977. Elle est la reine pour l’éternité.