En 1992, en pleine âge d'or des consoles portables, le Game Boy règne en maître, indétrônable. Pourquoi? Tout simplement parce que c'est le meilleur rapport qualité/prix du marché. Nintendo est un pro de "l'entertainment ludique", la réalisation de ses jeux est efficace, bon nombre de prestataires et de programmeurs ont une confiance aveugle en la marque au plombier, et la console cumule les qualités: compacte, légère, lisible, dotée d'une grande autonomie et d'un panel d'accessoires impressionnant, ainsi que d'une ludothèque qui prolifère telle une nuée de sauterelles dans un champs de maïs. Bref, la concurrence est rude, pour ne pas dire inutile. Devant ce combat perdu d'avance s'efforcent, tant bien que mal, de persister les autres prétendantes que sont la Game Gear, la Linx et la PC Engine GT Turbo. Bref, le royaume est déjà bien occupé.
Un jour, sorti de nulle part, apparaît une console étrange et pleine d'ambition, sorte de clone misérable du Game Boy, avec l'espoir de mériter sa part du gâteau (enfin, du marché...) : la Supervision.
PORTRAIT-ROBOT:
Si ça c'est pas du packaging kitsch...
Au premier coup d'oeil, la Supervision ressemble à un Game Boy oublié dans une mine de charbon: même forme, (presque) même proportion, même écran verdâtre... Ça sent le clone du peuple à des kilomètres. Petites différences: déjà, la taille de la bête, légèrement plus ample que son modèle, à la finition douteuse et peu esthétique, donnant à la console un faux air de brique charbonneuse. Ensuite, les boutons, A et B (comme c'est étrange!), d'une jolie couleur turquoise et d'une taille non négligeable, inversés par rapport au Game Boy (pour pas que le plagiat soit trop honteux...); on retrouve également les boutons Start et Select (quelle originalité), placés ici juste sous l'écran, d'où une ergonomie vraiment limite. Mais son plus gros défaut est l'absence de croix directionnelle, juste 4 boutons (un par direction), disposés maladroitement et à la souplesse coupable. Inutile de vous dire que la jouabilité de n'importe quel jeu s'en ressent grandement, tant les mouvements
deviennent saccadés.
Par contre, le gros plus de la console, c'est-à-dire ce qui aurait joué dans la balance face au "Jeu Garçon" (traduction Google), c'est son écran. Le bestiau affiche des mensurations impressionnante qui justifient alors sa taille imposante à déformer les poches: un monstre de 6,1cm de coté qui avait de quoi faire baver, 8,5 cm de diagonale (environ 3,4"), soit presque 1,5 fois la taille de l'écran du Game Boy et de sa résolution de 160x144. . Seulement, il y a un hic: la résolution était médiocre (160x160, soit presque pareil que celle du Game Boy; pour simplifier: les pixels étaient bien plus gros) et la lisibilité bien pire que le Game Boy premier du nom (4 nuances de gris pourtant, comme sa cousine de chez Nintendo, mais bon...), un peu comme si son écran avait copulé avec celui de la Game Gear pour donner comme progéniture le jumbo-screen de la Supervision. Dommage!
Autre point non-négligeable: son prix. Le bundle de base de la Supervision (la console, le jeu "Crystball", 4 piles et une paire d'écouteurs) était vendu dans les 200FF (environ 30€) et les jeux étaient compris entre 100FF et 150FF (15€ à 23€). C'est d'ailleurs ce qui a fait connaître la console et a été son principal argument de vente auprès du public qui trouvait que le Game Boy et ses jeux étaient encore trop chers (suprématie oblige). Malheureusement, on s'est vite rendu compte que son prix était à la hauteur de sa qualité et que, à débourser du fric dans une console portable, autant le faire dans une valeur sûre, quitte à la payer un peu plus cher.
PERFORMANCES:
La Supervision est équipée d'un processeur M65C02 8-bit VLSI cadencé à 4 MHz, soit un peu moins que le Game Boy (4,194304 MHz), mais à ce stade, la différence n'est vraiment pas flagrante. En revanche, la Supervision était dotée d'un équipement sonore bien plus intéressant, capable de gérer 8 canaux en synthèse FM + 7 canaux numériques en stéréo (PSG & PCM), contre les 4 canaux du Game Boy. Hélas, ces capacités n'ont absolument pas été exploitées. Dans l'ensemble, à y regarder de plus près, on peut dire que la Supervision aurait pu valoir la concurrence avec le Game Boy si les développeurs avaient crus en la console et avaient pris le risque de développer de jeux de qualité. Mais il faut bien reconnaître que le pari était vraiment risqué, d'où le développement en interne par le constructeur Watara.
DES SUPERVISIONS A LA PELLE:
Chose étrange, il existe au minimum 11 versions de la Supervision, variant selon les pays de distribution et les modèles proposés. Car, tout comme la plupart des consoles Sega, la Supervision originelle a évolué (... et elle en avait bien besoin!) en design et en ergonomie. Pour simplifier, il existe trois modèles généraux de Supervision, déclinés chacun selon les pays de distribution, d'où certaines variantes de couleurs principalement:
- la "classique" (grise, carrée, moche etc...) , connue sous le "nom" de GB-2000 (Mwaahahah!! Celle-là, fallait oser ^^) pour le modèle distribué en France et en Italie par Audiosonic, ainsi que sous un autre nom pour le modèle Danois qui, d'après ce que j'ai cru comprendre lors de mes investigations, est extrêmement rare. La coque serait plus foncée (gris-noir) , les boutons A et B bleus, comme l'écran d'ailleurs (à confirmer.) Distribué par Vini Games/Vini Toys/Vini Spil (faites le tri)
Un modèle GB-2000 lambda
- la version inclinable, quant à elle, semble porter plusieurs noms (GB-1000 pour la France et l'Italie, sans nom dans le coin inférieur-gauche de l'écran; 9205 pour les Etats Unis, le Canada, l'Espagne, l'Angleterre, la Chine, Hong-Kong, le Danemark, la Pologne et l'Italie également, selon les modèles; SV-100 pour l'Allemagne et les Pays-Bas.) Ce modèle était distribué par Goldnation aux Etats Unis, QuickShot au Royaume Uni (célèbre fabricant de manettes qui a fait les beaux jours de l'Atari 2600, de la NES et de la Megadrive) , Vini Machintruc au Danemark, Hartung pour l'Allemagne (étonnant, non? ^^) et les Pays Bas, Sherion en Pologne et Watara pour la plupart des autres.
Comparaison entre un modèle 9205 (ici une Sherion) et un modèle "classique": la différence de taille est éloquente, non? On admirera l'évolution de taille (c'est le cas de le dire ^^.) Un comble pour une console portable
Outre la gamme de base (gris légèrement plus clair que la GB-2000, avec boutons turquoises) , la SV-100 (Hartung et Vini) possédaient une croix directionnelle rouge et des boutons A et B bleus (+ un liseret rouge autour de l'écran pour la Hartung.) Mais la vraie curiosité provient de Chine, avec un modèle gris clair, tous les boutons violets (y compris la croix) et un nom imprononçable, avec juste un "BOY" significatif à la fin (et ça continue! ^^)
Exemple d'un modèle Hartung, avec son liseret rouge caractéristique, digne d'un épisode de Derrick
Certains modèles (comme la Sherion) possèdent même deux petit "pieds" rabatables sous l'écran, qui permettaient à celui-ci de tenir tout seul une fois incliné et posé sur un bureau par exemple:
Ces machins-là
- la version "design" enfin (le modèle 9600) , certainement le modèle plus rare, apparu en fin de vie de la console dans un dernier élan combatif. Distribué en France par Videojet et dans le reste de l'Europe et aux Etats Unis par Magnum (oui, le mec avec une grosse moustache et une chemise Hawaïenne, là...) , ce modèle ressemble énormément à un Game Boy Pocket (sortit à la même époque) : plus fine, moins grosse, aux courbes plus arrondies et à la bouille plus sympathique. L'écran inclinable est abandonné (trop volumineux semble-t-il, et pas vraiment pratique) mais on conserve toutefois la meilleur idée du modèle, à savoir sa croix directionnelle (qui, au passage, devient ronde.) Les boutons Start et Select changent de place et atterrissent dans la partie inférieure de la console, soit exactement au même endroit que sur le Game Boy. La comparaison ne s'arrête pas là puisque le haut-parleur prend un coup de jeune également et ressemble à s'y méprendre à celui de la console de Big N. Les bouton varient de turquoise claire à violet selon les modèles, et la console prend enfin un peu de couleurs (blanche pour la Videojet, tandis que la Magnum s'offre carrément 3 coloris: jaune, gris très
clair et l'éternel turquoise)
Ici un modèle Magnum
Voici donc la famille Supervision apparemment au grand complet. Maintenant, la console n'ayant pas eu beaucoup de succès, peu de personnes en ont fait suffisamment un objet de culte au point de collectionner toutes les versions, et les différentes sources du net s'emmêlent un peu les pinceaux sur les différents modèles. Perso, je pense avoir réussi à synthétiser les différentes informations auxquelles j'ai eu accès, mais l'erreur étant humaine, je n'ai pas la prétention de vous présenter ceci comme vérité universelle. Si quelqu'un parmi vous, ami(e)s internautes, possède d'autres références à me communiquer pour éclairer ma lanterne (et, par la même, corriger d'éventuelles erreurs de ma part) , merci d'écrire à la rédac' ;-)
SPONSORS:
Ne riez pas: la compagnie Watara a trouvé comme sponsor l'émission du "Juste Prix" national pour essayer de refourguer son stock de Supervision et ainsi se faire connaître (on imagine bien la scène: "Venez! Vous ètes le prochain participant à gagner une Supervision!" et le participant en question de s'adresser à la camera d'une voix monocorde: "Cool. J'ai gagné une Supervision. Que du bonheur.")
JOUJOUX:
Et les jeux dans tout ça? Ben... en fait... pas grand chose à dire, si ce n'est qu'il sont dans l'ensemble assez médiocre et à peine plus évolués que des jeux tournant sur Amstrad. Bon, soit, j'exagère un peu mais l'idée y est, et c'est en partie une des causes de l'échec de cette console. Watara n'est pas Nintendo, et cela se ressent dans la réalisation générale de la console et de ses jeux. En fait, ce qui a manqué à Watara, c'est bel et bien des firmes importantes, genre IREM ou NAMCO, pour donner un peu d'aplomb à cette console qui avait les capacités de faire mieux.
Voici une liste non-exhaustive des jeux sorti sur la Supervision:
2-in-1 A: Hash Block / Eagle Plan
2-in-1 B: Police Bust / Magincross
4-in-1: Hash Block / Jacky Lucky / Challenger Tank / Brain Power
Alien
B-52 Battle
Balloon Fight
Block Buster
Brain Power
Bubble World
Carrier
Challenger Tank
Chimera
Chinese
Checkers
Classic Casino
Climber
Crystball
Dancing Block
Delta Hero
Eagle Plan
Earth Defender
Fatal Craft
Final Combat
Galactic Crusader
Galaxy Fighter
Grand Prix
Happy Pairs
Happy Race
Hash Block
Hero Hawk
Hero Kid
Honey Bee
Jade Legend
Jaguar Bomber
John Adventure
Journey To The West
Juggler
Kabi-Island
Kitchen War
Kung-Fu Street
Linear Racing
Ma Jong
MagincrossMatta Blatta
Olympic Trials
P-52 Sea Battle
Pac-Boy And Mouse
Pacific Battle
Penguin Hideout
Police Bust
PoPo Team
Pyramid
Recycle Design
Scaffolder
Soccer Champ
Sonny X'Press
Space Battle
Space Fighter
Sssnake!
Super Block
Super Kong
Super Pang
Tasac 2010
Tennis Pro '92
Thunder Shooting
Treasure Hunter
Untouchable
USA Sea Battle
Witty Kitty
GADGETS:
Pas grand chose à dire non plus ici, à part les inévitables accessoires, comme les écouteurs stéréo tout pourris fournis avec la console. Selon la légende, il existerais un câble Link pour les jeux à deux, sous la forme d'un connecteur DB-9 similaire aux vieux joystick d'Atari. Par contre, chose curieuse, on ne semble trouver ce connecteur que sur les modèles inclinables (en tout cas, c'est le cas sur les exemplaires que je possède, mais bon, il y a tellement de modèles qui se baladent qu'il ne serait pas étonnant de trouver un modèle classique avec ce genre de connectique)
Par contre, il existe un autre accessoire plus intéressant nommé "TV-Link" et qui permet de jouer à la Supervision sur sa télé, en en 4 couleurs (un peu comme le Super Game Boy) mais pas en plein écran (on se doute que c'est à cause de la résolution médiocre d'origine). Un autre adaptateur permettant de jouer tout en couleur était en développement , ainsi que deux jeux "fais exprès" ("Rambo" et "Terminator" selon certaines sources) , mais les résultats décevants de la console mirent fin à tous les projets possibles sur cette bécane.
L'engin de la mort qui tue...
L'engin se branchait sur la télé par un câble AV et se connectait à la console par un autre cable via le port cartouche.
Ensuite, il n'y avait plus qu'a insérer la cartouche du jeu auquel on voulait jouer dans le TV-Link directement, et roulez jeunesse!
Le fameux câble chelou
Sinon, pour la forme, il existait également une petite sacoche de transport noire estampillée d'un patch en simili-cuir griffé du logo "SUPERVISION", avec un strap jaune pour tenir la console.
Belle bête, non?
LE MOT DE LA FIN:
Vite sortie et trop vite oubliée (la production s'est arrêtée en 1996, soit 4 ans après sa sortie), la Supervision est une console hélas! méconnue qui mérite qu'on s'y attarde. Son échec commercial n'étant pas dû à son manque d'ambition (au contraire, elle en avait à revendre) mais plutôt à son manque de moyens et son arrivée un peu tardive sur un marché déjà monopolisé et face à une concurrence très rude. Malgré tout, elle reste le symbole vivant (et gris) de l'ambition d'une petite société à vouloir s'attaquer au géant Nintendo. Et ça, c'est admirable.
Sources principales:
Wikipedia,
The Supervision Museum ,
Syd Bolton's Supervision Home Page,
Silicium.org