Le phasme. Paris.
Ghost n'est pas comme vous et moi. Il est... autre, unique, dissemblable, nous dirons pudiquement "différent". Etre longiligne orné de lunettes de secrétaire salope (tendance agent immobilier partouzeuse) - mais avec un bon millier de sosies à travers la France - sa seule vraie tare originale et bien à lui est, au fond, d'être un Segamaniaque convaincu de la première heure.
Oui, convaincu. On peut être Segamaniaque primaire, tout comme il y a des Nintendophiles faciles, c'est dans l'ordre des choses, après tout nous avons tous été de jeunes idiots avant de vieillir. Mais Ghost, lui, est du concentré de tomate, le petit lait de la crême fraîche sortie du pis de la brebis auvergnate, l'Or de Maison du Café. Il aime la Megadrive, figurez-vous. D'ailleurs il en parlant de Megadrive et de café, il a eu le malheur un jour de mélanger les deux, ce qui nous éloigne de notre sujet, mais nous fait encore bien rire.
Ghost est donc un Segamaniaque convaincu, connaissant la moindre merde chiée du cul des développeurs sur les consoles oldies de cette marque. Et le pire c'est qu'il les aimerait presque, ces jeux obscurs, amassés patiemment sans trop savoir pourquoi ni comment, entre deux affiches de film expressionniste allemand (films qu'il qualifie tour à tour de "bluffant" ou "culte", selon qu'ils les a vus 1 ou 18 fois) et six pubs Aubade arrachées dans les aubettes de la ligne 82. Ghost est un sensible et un sentimental. On peut être un barbare tatoué et aimer les petites culottes à fleurs.
Ainsi, à la tête d'une collection impressionnante qu'il stocke dans des meubles fabriqués lui-même - le pauvre croit encore qu'être ébéniste sert à quelque chose au siècle d'IKEA - Ghost veille sur le monde du oldisme, binôme discret et silencieux à la tête du plus beau des sites de retrogaming. Torse nu, barbe hagarde, il vous entreprendra des heures, lyrique, sur ce putain de scrolling différentiel dans Sonic 3, ou sur les extérieurs nuits de Comix Zone, tandis que les Morning Musume chantent en boucle "Love Machine" et que sa 17ième Dreamcast custom aux couleurs d'un shoot-them-up obscur sèche soigneusement sur le rebord de sa fenêtre. Parfois, il fera une blague, parfois, il vous confiera un de ses lourds secrets, souvent, il éclatera d'un rire franc et clair, avec un sourire qui lui traverse la figure comme un passage pour piéton.
Homme de science et d'art, je suis fier de l'avoir comme infaillible camarade, notamment lors d'improbables traversées de Paris, ou devant un bon chocolat chaud à la terrasse d'un troquet dans la brise de l'automne, à reluquer les jeunes demoiselles qui viennent de faire les soldes rue de Rennes. Je suis également fier d'avoir un exemplaire dédicacé de son Manifeste du Oldies somptueux que le monde entier nous envie.
Mais quel bouc de mauvais goût, bordel.
PeteMul