Quand on est jeune on est fou. Et quand on est fou on ne s’intéresse pas à la ludothèque de sa machine de l’époque, à savoir l’Amstrad dans mon cas. Combien de temps j’ai passé avec mes trois arthritiques jeux, oubliés vaguement par des amis flous, dans des endroits désormais détruits… Je ne le sais. Et puis l’Amstrad c’était aussi la grosse époque de la copie sans limite, avec des disquettes dont on ne connaissait qu’à peine le contenu, qui cachaient des trésors. Ou des merdes. Et bien c’est typiquement ce genre de disquettes qui m’a fait découvrir Deflektor. Rien que le nom m’intriguait. Le « K » dans un nom a toujours frappé mon inconscient, me rappelant ces noms d’acteurs pornos des mauvais boulards allemands. Ou alors de vilains super-héros nuls, habillés comme des catcheurs. A l’époque j’ai donc lancé ce jeu lourd en images dans mon cerveau malade.
Dès l’écran titre on se rappelle que l’Amstrad dispose de trois modes d’affichage, dont le mode 0 ici utilisé, en 4 couleurs, mais très fin. Très beau. On est déjà dedans. On comprend vite fait que l’on va faire des… Déflections. Amusant, c’est étrangement le nom du jeu. Puis les différents choix. Notons immédiatement la possibilité de redéfinir les touches de jeu, chose extrêmement rare à l’époque. Maintenant tout est trop simple… A l’époque il fallait galérer des heures pour trouver la config utilisée par le développeur, qui marchait surement à merveille sur son clavier qwerty mais pas du tout sur notre azerty à nous… Combien de jeu nous n’avons pu terminer, nous les enfants bénis par les dieux des 80’s, à cause d’une vilaine configuration de touches ? Je bisque, j’enrage rien que d’y repenser.
Et paf l’action brute, qui sent ce fin trait de musc post entrainement intensif de lutte gréco romaine. On se retrouve face à ma foi un très fin plateau de jeu, où l’on décèle grâce à nos intelligences pré-tchernobyliennes que l’on dirige au joystick une case qui va faire tourner des miroirs, et qu’il va falloir diriger un laser vers une porte, à grands coups de réflexions. Wow, annoncé comme ça, le pitch de ce jeu offre du rêve non ? Non, je le concède aisément. Et pourtant, c’est follement excitant.
On va donc faire tourner des miroirs dans un temps imparti pour que le faisceau arrive à bon port. Il va de soi que les niveaux sont faits de telle manière qu’on va en baver des ronds de chapeaux. S’il suffisait de tourner 3 miroirs… On va donc avoir des obstacles. Des miroirs qui tournent tout seul, des ennemis infranchissables, des miroirs retournant le flux à la source, provoquant une surchauffe à endiguer d’urgence sous peine de mort, des trous de téléportation du faisceau… Tout cela n’offre t’il pas du rêve ? Non toujours pas ? Que vous êtes pénibles.
On va donc enchaîner 99 niveaux de casse tête sympathique. Pas de musique, pas de fioriture, pas d’objet contendant, pas de bras pas de chocolat, pas tibulaire mais presque. Ce jeu est simplement un chouette casse tête, et point barre, et c’est déjà énorme. On prend un malin plaisir à tourner ses miroirs, on stresse à mort quand le faisceau fait un retour, avec ce « SHHHHH » seul bruitage du jeu, qui vous indique que vous allez bientôt mourir si vous ne faites rien, le tout dans un environnement coloré et relativement fin. Oui, je vous rappelle que l’on est en 1987.
Deflektor est donc un bon jeu à la cool. Ce n’est pas le jeu du siècle qui vous réveillera en pleine nuit avec des caresses, mais ce n’est pas non plus l’étron qui pourrira la soirée de votre vie en laissant une œuvre d’art abstraite au fond de la cuvette, juste avant que la fille de votre cœur y aille. C’est l’ami sympa qu’on va voir de temps en temps et avec qui on se surprend à chaque fois à raconter sa vie, même après 2 ans sans se parler, parce que bon, il n’y a pas besoin. Et c’est aussi ça l’amitié.