Il y a de ces jeux comme ça, sans payer de mine, qui changent l'horizon de milliers de joueurs. A une époque où la production de jeux est encore fertile et amateure, l'adoption d'un petit jeu venu de nulle part par les masses est peu évidente. C'est pourtant ce qu'à fait Fruity Frank. Tous les possesseurs d'Amstrad ou quasiment le connaissent, tous ont déja achevé au moins un stick de hargne, tous ont déjà ébauché les blockhaus les plus traîtres pour tuer la fraise... Des sensations universellement reconnues comme parfaites. Analyse d'un phénomène.
Fruity Frank, c'est d'abord un concept à la con. Oui, les plus grands jeux sont ceux que l'on prend en main instantanément, sans passer des heures dans le manuel, la calculatrice à la main, l'alka seltzer dans l'autre. Là, un principe enfantin : ramasser des fruits en évitant les méchants. Simple et de bon goût. Pour cela, des niveaux en style "Boulder Dash", une vue "de profil 3/4". Oui, ça ne veut rien dire, mais pas de chichi, l'idée est là. Notre héros, Frank, doit donc faire des galeries pour remplir son panier de cerises. Chemin faisant, on va rencontrer des monstres qui se baladent eux aussi dans ces mêmes galeries. Et la progression est stoppée par des pommes, qui obstruent les voies. On passe au tableau suivant après avoir ramassé tous les fruits du tableau. C'est véritablement compréhensible par tous. Si vous n'avez pas compris, pensez quand même à consulter, mieux vaut prévenir... Comment ça cela voudrait aussi dire que mon explication est vaseuse ? "Ah ah, jeune prétentieux", vous rétorquerai-je en vous tapotant le lobe de l'oreille.
A l'amorce de la disquette, le désormais célèbre logo de la pomme en fil de fer Amstrad avec des milliers de couleurs (Des dizaines, hein ? C'est un Amstrad....). Les fans vous le diront : bon sang ce que l'attente de cette pomme est longue... On perd au moins 5 secondes de jeux ! Oui, même en 1984 l'attente était difficile. Puis c'est l'écran titre. On choisit la vitesse du jeu et c'est parti. Le premier niveau, que j'assimilerai à un champ est superbe. Les couleurs sont assez contrastées, et du plus bel effet. Frank est là. Le panier armé à la main. On regarde l'écran. Oui, c'est un simple tableau, ce qui permet de donner toute la sauce, niveau graphisme. Oui, on a pas à attendre le scrolling, en bloquant la palette, en supprimant des couleurs. On a donc droit à des sprites relativement beaux, vraiment colorés. Bien sur, c'est de l'animation Amstrad, donc 2 sprites. Mais c'est bien réalisé. Le décor est lui composé d'une mosaïque du plus bel effet. Un même sprite répété à l'infini, comme les mosaïques d'Escher (oui, qui a dit que l'on apprenait rien sur ce site). Les différents décors sont au nombre de 10, puis c'est la classique boucle. Oui, nous sommes sur Amstrad en 1984, il ne fallait pas s'attendre à...
On dirige donc notre petit bonhomme avec le stick. Personnellement je n'ai jamais pu jouer au clavier, vu que l'on ne peut pas choisir ses touches. Et celles par défaut ne me conviennent pas. Mais c'est une autre histoire. Notre petit héros se déplace avec aisance, au doigt et à l'oeil. Avec le bouton d'action, il lance la noisette contenue dans son sac. Elle ricoche dans les galeries, au mieux jusqu'à un ennemi, au pire jusqu'à l'infini, car sur Amstrad les calculs sont plutôt étonnants. Ainsi une noisette peut partir droit sur un hamburger (our moi c'est l'ennemi de base, celui qui sort du trou, mais j'en parlerais au paragraphe du dessous) mais le froler dans la galerie à un pixel près. La noisette va donc continuer sa route, et se bloquer en rebondissant à un même endroit. Et on n'a pas de nouvelles noisettes tant que l'ancienne est à l'écran. Mais le pire, c'est que j'ai découvert la possibilité de la noisette très tard, et que personnellement elle ne m'a donc rien apporté au niveau tactique, loin de là. Donc notre petit Frank se bouge bien, voila une bonne nouvelle.
Les ennemis sont de plusieurs types. Ainsi dès le départ sur le tableau, un trou. De ce trou sortent des hamburgers (oui, le nom trivial est significatif de mon humour glacial et sophistiqué. Personnellement vous les appelez comme vous le voulez hein ?), les ennemis de base. On peut en passant sur le trou arrêter leur pullulement. Ce qui provoque cependant l'apparition d'un nouvel ennemi, le BONUS. Il est un peu plus malin que le hamburger de base, et saura creuser pour optimiser le trajet pour vous tuer. Mais il rapporte plus de point, cruel dilemme. Vient ensuite l'aubergine (là encore, c'est purement personnel). C'est l'ennemi de base violent. Elle tombe du ciel au bout de quelques instants sur le tableau. Doté d'une vitesse accrue par rapport au hamburger, l'aubergine est l'ennemi à abattre. Plus on avance dans les niveaux, plus nombreuses elles seront. Ces trois là forment donc le trio de base infernal. Rien de bien violent, avec l'habitude on en vient vraiment à bout sans trop de difficulté. Enfin au début. Il y a encore un ennemi, qui à mes yeux est l'élite, le plus qui fait la différence, j'ai nommé la fraise. L'infâme fraise.
Oui, la fraise n'est pas évidente, je connais des joueurs qui ne connaissaient pas son existence, même 15 ans après ! En effet, il faut attendre un bon bout de temps avant qu'elle n'apparaisse. Mais une fois là, le lieu devient invivable. La fraise sait tout creuser, vraiment très très rapidement pour vous tuer. Impossible de lui échapper en terrain vide. Mais c'est là où la tactique devient passionnante. Surtout envisageable dans les premiers niveaux (car on a le temps et l'on est pas emmerdé par les millions de hamburgers à l'écran) la technique du blockhaus. On se forme un petit échafaudage de pommes, où Frank s'enfermera tranquillement en attendant la fraise, l'infâme. Les bunkers demandent donc un savant assemblage de pommes. Une fois en place, la fraise vous sautera au cou. Mais se heurtera à votre bunker. C'est alors le moment de lui balancer un des murs du bunker sur la tronche. Et ainsi rafler le gros lot. Oui, les ennemis coriaces savaient donner des points à l'époque...
Et les niveaux s'enchaînent, dans cette ambiance bon enfant. Je dois dire que la tronche de la fraise, de l'aubergine, des hamburgers, forme une joyeuse bande de fous-fous. Le nombre de niveaux est infini, comme beaucoup de jeux de l'époque. Personnellement j'ai du craquer nerveusement au niveau 42. A ce stade, les hamburgers sont partout à l'écran, une pomme qui balaye l'écran en choppe au minimum 10... Les aubergines tombent de partout, et la fraise achève généralement le tableau. Mais là n'est pas la question, on ne joue pas à Fruity Frank pour gagner, mais pour s'amuser. Voila une sainte quête, trop souvent oubliée...
C'est quand je joue à Fruity Frank que je comprends pourquoi le oldisme. Si, si, je vous assure. De nos jours, les jeux infinissables ne sont plus légions. Ici, pas de fioriture. 4 monstres, en tout et pour tout. 10 tableaux qui tournent en boucle, des musiques complètement bidons (mais folles), et c'est tout. Un gameplay parfait, et le tour est joué. Bravo Kuma Computers ! Toi qui a du développer ce jeu sur ton trône (pas celui du royaume, celui des gogues) je te félicite. Te doutais-tu à l'époque que quelqu'un parlerait encore de ton jeu en 2004 ? En tous cas merci pour tes 192 Ko de bonheur. Longue vie à Frank le fruité.