Un mois de novembre en Anjou. Après la traditionnelle balade dans la forêt aux feuilles dorées et lourdes d’humidité, c’est le retour à la maison. Le feu crépite, les marrons chauffent, je retourne devant l’âtre avec mon plaid sur les genoux. Le feu crépite. Le tic tac de l’horloge s’égraine à mes oreilles comme une mécanique bien rodée. Je me sers une tasse de earl grey, doucement, pour ne pas briser le silence absolu qui m’entoure. Le feu crépite, mollement. Qu’est ce que je fous là bordel.
Au soir de ma vie, ou plus justement de ma journée, je me remémore mes jeux passés. Oui, j’aurais pu penser à toutes les femmes qui m’ont aimé, mais non, trop cliché. Alors je pense à mes jeux, au temps incommensurable que j’ai pu passer dessus. Comme les femmes en fait, tout se recoupe. Une vie à travers le monde ça laisse des traces. On teste des centaines de machines, des milliers de jeux, pour au final jouer des années. Et qu’en reste-t-il ? Des bribes, des limbes arthritiques, des riens.
Des riens ? Non, sinon je serais déjà mort. Et puis un flash. Je jette mon plaid par terre, et il prend le feu. L’oubli de l’âtre sera fatal à ma couverture en mohair. Mais un souvenir coloré frappe à ma porte. Je remonte en trombe dans la mezzanine du premier, le trésor oldies de ma vie, la collection GM. J’allume l’Amstrad, et fouille dans la masse incroyable de disquettes pour en retirer une seule : Jack the nipper 2 : in coconut capers. Un « CAT » plus tard, c’est le flashback.
Un écran titre coloré, une douce musiquette nouille, et une animation qui frappe l’esprit même le plus faible (je le précise pour vous dédouaner, ami lecteur). On y voit un enfant en train de se triturer la lèvre inférieur entouré de deux sorciers invoquant les cargos de la nuit (toute référence à un opéra rock parmi les plus merveilleux au monde n’est pas fortuite). Un appui sur la touche 0 plus tard, c’est le jeu.
On y dirige Jack the nipper dans le deuxième épisode de sa vie. Pas de chance pour vous ami lecteur, je ne suis pas totalement parfait et ne connais pas le premier, et ne pourrais par conséquent en parler. De toute façon c’est la critique du 2 alors ce n’est pas l’endroit… Jack, c’est l’enfant cool. Il est en lange, dans la jungle, pour sauver le monde de la barbarie, et sa vie des griffes des cannibales. Le manuel nous apprend que l’histoire était apparemment identique dans le 1, à peu de choses prêt. Et oui, les années 80 virent l’apparition des drogues chimiquement impactantes au fin fond du cerveau, et il n’était pas rare en cette époque faste que les développeurs en abusent pour être créatif. Pari réussi chez Gremlin.
On va donc diriger le marmot dans la jungle, au travers des fourrés, à la recherche de différents objets qui nous ouvriront les voies de la liberté. Il faudra bien évidemment s’armer, car l’enfant n’a pas de devises locales, et la noix de coco est chère, et surtout limitée en nombre. On va donc se balader dans ce jeu de plateforme, à chercher la sortie. Et on ne va pas se promener comme moi quelques heures plus tôt. Car malgré son apparente naïveté, Jack est un ouf, un pur sang. Dans ses couches se cache malgré son jeune âge un sexe énorme. C’est un ouf. La jungle c’est son domaine. Il a même bouffé ses parents, avant de partir en radeau en Amazonie. Un ouf je vous dis.
On va donc en baver. Les ennemis sont aussi nombreux qu’abstraits. Qui se douterait que cet éléphant à lunettes à l’air bonace et sympathique est en fait un monstre de la pire espèce ? Qui se douterait qu’il ne faut pas taper dans la ruche sous peur de libérer les abeilles ? Là encore, je vous dédouane, car si ça vous arrive, vous ne vous sentirez pas seul. Cependant sachez que cela n’est arrivé qu’à vous. En tout cas pas à moi. Le jeu est donc très difficile.
En soi ce n’est pas tant les ennemis, c’est la longueur. Le monde est très vaste, et les moments où fauter par conséquent nombreux. Un ennemi isolé vous fera rire, et vous frétillerez dans vos langes. Mais 10 écrans donc 10 ennemis d’affilée, c’est une autre paire de couche. Il va falloir optimiser la gestion de la noix de coco, avec science et discernement. Sous peine de mourir comme un looser, seul au fond de la jungle.
Graphiquement, c’est beau. Enfin il faut aimer, je rappelle que nous sommes en 1987… C’est très fin, l’Amstrad donne tout ce qu’il peut. Les palettes ne sont pas toujours les plus heureuses, mais on oubliera vite ces couleurs parfois un peu abstraites, vu que le reste est au top. Pas de musique, comme très souvent sur Amstrad, mais réellement un visuel léché, sur l’intégralité de la carte.
On va donc passer des heures à arpenter le monde de la jungle et ses soupiraux. Réellement des heures, car il faudra enchaîner quelques allers-retours bien pénibles, mais terriblement pleins de challenge. Et on en redemande. La mayonnaise ne peut que prendre. L’enfant se maniant à l’ancienne, avec un saut un peu difficile à pleinement maîtriser, les vrais oldies se sentiront pousser des ailes à vouloir avancer. Ah oui, à l’époque on savait sauter…
Et le résultat est un succès sympathique. Jack the nipper 2 est un jeu de plateforme réellement sympathique. Son ambiance propre, son héros abstrait, ses graphismes d’un autre âge font qu’encore aujourd’hui il accrochera sans trop de difficulté le cœur sensible aux jeux d’un autre âge. Enfin en tout cas le mien.