Los Angeles – Paris. 9h50 d’avion. Le premier repas tiédasse est passé, et immédiatement après ce fut le début de l’enfer. L’avion, comme balayé par un vent malsain, s’est mis à être secoué comme tante Ursula en pleine crise de Parkinson, ou ma mère lorsque ses hémorroïdes la taquinent. Le silence se fait, plus personne n’ose triturer les petits pois crus de sa barquette en carton, et c’est une ambiance plombée qui s’installe, comme dans l’attente d’un crime.
Premier monstre du jeu, un poisson carnivore ridicule. Cette promenade de santé s’annonce un brin coriace
Pourtant j’en ai pris des avions dans ma vie, je sais ce que c’est qu’un bon vent de face ou une turbulence un peu coquine. Mais rien n’y fait, je suis au bord de me chier dessus, au dessus de Chicoutimi. Si j’étais James Bond, ce serait différent c’est sur. James Bond, c’est le héros masculin type. Il sait tout faire, de la réparation la plus complexe au truc le plus bénin que vous faites aussi. Oui, il sait aussi le faire, mais en mieux. C’en est presque rageant.
Il faut voir James se trémousser en montant une échelle ou une corde pour comprendre l’expression "il a bu du platre"
James Bond c’est l’homme qui récupère les chats des petites filles dans les arbres, avant de tringler leur maman dans une suite d’hôtel de grand luxe. Il est capable la soirée d’avant de s’en foutre une minable, de prendre sans faire exprès le verre de GHB qu’il avait destiné à la mère en question, et de se lever certes un peu patraque mais bien chaud pour s’en remettre une autre. James Bond à Venise c’est le type qui en descendant du train regarde le plan une fois, va tout droit à l’hôtel de grand luxe à l’autre bout de la ville en tirant tout droit. En ressortant avec son costume en alpaga quelques minutes après s’être apprêté, il oriente des touristes, puis, après quelques martinis-vodkas, il donne des raccourcis aux gondoliers, en leur tapotant l’épaule et en leur disant qu’il les prendra tous un par un aux prochaines régates, ce qui fait rire tout le monde.
James entretient sa forme en petite foulée, entre deux dossiers ramassées
On aimerait tous être James Bond à un moment donné.
Un des rares ennemis camouflé en poteau, oh oh c’est cocasse
Alors quand à 11 277m d’altitude mon oignon joue au yoyo, quoi de plus naturel que de sortir sa Game Gear et ce jeu plein de promesse qu’est James Bond : the duel ? Cela ne vous vient pas naturellement ? Oui, tout le monde ne peut être élu, c’est un fait. Mais moi si. Je saupoudre délicatement les restes de mon saumon/ratatouille sur mon petit voisin de 7 ans qui a enfin décidé de sombrer (le GHB américain a décidément son charme), sans n'avoir bien entendu oublié de me gonfler à base de « moi j’ai fait de la plongée à Papeete avec mes potes pendant 1 mois et demi mes parents ont plein de sous, t’es un minable ». Après avoir hésité à lui dire que sa sœur avait perdu son chat et que sa mère s’était faite poutrée par James Bond, j’ai agis. Maintenant le champ est libre, à moi la gloire.
Manuel du MI6, page 247, paragraphe 4 : « de l’art de détourner l’attention de l’adversaire par un saut grotesque »
Ecran titre moche. On reconnait ce que j’estime être le seul James Bond qui n’a marqué personne. Pas de Sean ou de Roger, non, Timothy Dalton, la pour vous. On sélectionne dans le menu moche quelques options, comme la difficulté ou les boutons, et hop, sans scénario aucun c’est parti. James, une plateforme, la solitude de l’instant. Que fait-il là en costume planté comme un clou ? Nul ne le sait, nul ne le saura jamais. Ou plutôt non, nul n’aurait finalement voulu le savoir.
L’un des paroxysmes d’action du jeu : 2 ennemis sur le même écran. C’est presque trop, james sent une goutte de sueur perler dans le col immaculé de sa chemise
Après avoir erré dans les 4 niveaux du jeu, on apprendra par nous même que Q, ce cerveau brillant qui a confectionné parmi les jouets les plus fantastiques du MI6 de sa gracieuse majesté, ce Q là, a oublié comme un abruti différents dossiers un peu partout dans des niveaux peuplés d’ennemis. Pourquoi pas. Une bonne soirée entre potes dans quelques pubs anglais du cœur de Londres, à savourer l’amour tendre de cocktails à l’eau de Celse, et pouf on se retrouve avec des dossiers aux quatre coins du monde. Pourquoi pas, je suis bon public j’accepte presque tout.
Trop de choses à l’écran pour la Game Gear : un ennemi frappé dans le dos, une balle, et l’ordinateur de Q n’est plus géré. Belle performance technique c’est sur…
Mais pourquoi ces abrutis de dossiers égarés se retrouvent dans des niveaux où il y a aussi des otages ? Je veux comprendre. Descartes, regarde moi droit dans les yeux, lâche ta bible deux minutes, explique moi de manière rationnelle ce que c’est que toute cette merde ? Il va de soit que je n’aurai aucune réponse, Descartes étant décédé depuis plusieurs centaines d’années. Si vous, amis lecteurs, avez attendu une réponse ne prenez pas le volant, oh que non.
J’ai bien fait de dézinguer cet adversaire inutile : il a fait apparaître cette jolie brune qui ne répond qu’au doux nom de Bite. Cocasse.
On va donc devoir diriger James dans des niveaux de plateformes pour récupérer les dossiers de Q avec son sac de glaçons sur la tête, ponctuant toutes ses damnées phrases par un classieux « oh putain on s’en est quand même foutu une bien bonne hier, pas vrai les gars ? », et récupérer de temps en temps un otage, représenté par une porte à défoncer à l’arme à feu, otage qui apparaîtra sous la forme d’une voluptueuse créature à la poitrine aux hormones, qui attend James les bras en l’air. Soit, je vous dis que je suis bon public.
James sait aussi se tenir à une échelle horizontale. Ca sert à quoi ? A rien, ca dure réellement 7 secondes du jeu. Encore quelque chose d’inexploité…
Et James doit trouver ce beau monde. Tout du moins en théorie. Car il s’avère à l’usage qu’en fait on s’en cogne des dossiers de Q. Comme des otages aux gros tétés. Oui, il suffit à James de trouver la sortie du niveau, et c’est gagné. Bon, je ne vous cache pas qu’au dernier niveau le temps compté qui vous sera accordé sera déduit du nombre d’otages et de dossiers libérés au cours du jeu. Mais comme vous n’irez jamais au dernier niveau, n’y pensez pas.
Concours de danse rythmique entre poissons. James est aux anges.
Car James est… Comme vieilli. Des les premiers coups de croix on est surpris du maniement. Il est un peu pataud, réagit relativement mal, et est atteint du syndrôme « monsieur a soif, débouchez l’amidon ». En bref il est rigide comme un piquet.
"Jaws mon vieux, m’est qu’est ce que tu fais là, tu n’étais pas déjà mort ?!"
Mais le jeu va plus loin. Il est rigide, soit, mais il saute comme un ninja. Des années d’études taoïstes lui ont appris à maitriser son corps dans les limites que dame nature a pour clouer les 6 milliards d’homme de cette morne planète au sol. James fait un saut à galipette tout à fait extraordinaire qu’on ne lui avait jamais vu faire. En tout cas pour le commun des mortels, car on m’a raconté qu’on avait vu Pierce Brosnan faire un saut à galipette dans la banlieue de Londres un soir de blues et de brouillard en sortant d’un pub, avec un chat sous le bras. Enfin les « on dit »…
Ah rien de tel qu’un bon password de ce type sur l’écran bien baveux de la Game Gear pour profiter à fond du jeu, bien joué les gars !
Donc James bouge comme une merde, et saute comme un ninja, dans des niveaux où il doit ramasser des dossiers égarés et des femmes aux gros seins. Avouez, qu’en lisant cette phrase, le souffle chaud de l’aventure parcourt votre peau ridée par trop d’années de luxure sur des femmes pleines de maladies dans des pays austraux hmm ? Non ? Vous avez perdu votre âme d’enfant.
Depuis l’aube de l’humanité l’homme se confronte au serpent. James n’échappe pas à l’adage populaire.
Car moi ca me fait rêver. Et c’est parti pour l’aventure. Une fois qu’on a compris que James a bu du plâtre et que c’est du au fait que la Game Gear rame à mort, le jeu est facile à prendre en main. Comme tout rame, on a largement le temps de se faire traverser par deux ou trois balles d’ennemis avant de dégainer, vu que le jeu rame, il ne gère pas la collision, c’est bien commode. On zigouile donc 4 misérables types d’ennemis. Ah oui, visuellement là on se fait bien chier, il faut le dire. Les décors sont tout ce qu’il y a de plus laid, et comme un malheur ne va jamais seul, la simple lecture du nom des développeurs provoque l’ennui.
James sourit niaisement sur sa liane, se rappelant les longues heures d’entrainement au MI6 et les petits doigts dans le cul de ses collègues sur la corde. Ah ah on savait rire à Londres.
Non, c’est faux. Mais ils ont poussé le vice beaucoup plus loin : en plus d’être moche, les niveaux sont relativement longs, avec un fait technique assez amusant : ils sont copiés collés ! Vous déambulez lentement au rythme de l’homme espion le plus classe du monde, vous vous faites traverser de quelques balles sans souci, vous tuez quelques zigues, et vous vous arrêtez deux secondes. « Suis-je moi aussi à 3 grammes où bien j’étais réellement là il y a 4 minutes ? ». Et bien la réponse et que vous pouvez être à 3 grammes, mais qu’en plus vous étiez effectivement là il y a 4 minutes. Par esprit de flemme, les développeurs ont pris des bouts de niveaux pour les remettre plus loin. La grande classe, qui donne énormément l’envie de découvrir d’autres horizons qui n’arriveront jamais.
Un vrai boss ? Non ce n’est rien, cela dure une fois de plus deux minutes à tout casser.
Alors que reste-t-il à ce jeu finalement ? Sa musique ? Ah ah blague. Il n’y en a pas. La solitude de James est absolument totale, et est seulement mise à mal par quelques « poum » malvenus du pistolet, avec un bruitage ridicule. Les 3 armes différentes ? Non, elles n’apportent absolument rien, et j’ai du m’en apercevoir par erreur à l’écran de pause. Le scénario ? Il n’y en a pas, vous me lisez ou quoi ? Bon, à la fin de chaque niveau on doit bien descendre un des méchants légendaires de James, comme Jaws, ou Oddjob. Mais qu’est ce qu’ils foutent là bon Dieu ? Il ne ferait pas mieux d’aller chez le dentiste ou le chapelier ? Non, il ne reste rien.
Ah tu est maintenant dans la jungle toi ? Intéressant.
J’ai du temps étant en pleine tempête en altitude. Alors j’ai terminé ce jeu, pour toi, NES Pas. La monotonie n’a pas eu de prise sur moi, les ennemis prévisibles et inoffensifs non plus, je me suis forcé à rire à chaque bond tournoyant de James, et ses quelques morts un peu virulentes que j’ai eues en tombant du 5ème étage provoquèrent hilarité et pets tonitruants. Mais rien pour attiser la flamme du joueur qui est en moi. J’ai traversé les décors copiés collés et vides, franchis des plateformes sans intérêt, le tout dans un silence digne des plus grands moments de l’équipe Cousteau, et rien de rien de rien, le néant, l’abyme de mon âme.
Rien de telle qu’une bonne plateforme arthritique pour calmer le rythme extrêmement soutenu du jeu, oh oui !
L’écran de fin est à ce titre grandement évocateur. On y apprend que voila, c’est terminé, et que James est reparti. Quelques lignes sans charme, et c’est terminé. Comme tout le jeu, on éteint la cartouche, que l’on hésite à jeter par la fenêtre tant en bon oldies la médiocrité n’a pas place dans notre vie, mais on se rappelle d’un coup que l’on est 11 277m d’altitude. Alors on renferme le jeu dans son sachet de voyage, et l’on soupire, à James, au gâchis, et aux gondoliers rieurs.
"Bah Oddjob mon cochon, qu’est ce que tu fiches dans cette mine ? On est quand même à -1200m maintenant ?!"
Les joies d’abattre froidement un scientifique en blouse qui court. Dans le dos.
Heureusement qu’il y a ces plateformes pour se rappeler que l’on peut s’ennuyer dans un jeu. Je plaisante.
Tous les dossiers cumulés avant vous donne du temps pour trouver les otages. Ou pas, peut-être que vous vous en foutez et que vous craquerez avant...
Tout cela pour ça. Fuck.