L’ambiance moite des nuits d’été dans une ville crasseuse. Des mégalopoles anonymes, une industrie du crime lovée au creux de costumes-cravates, et notre héros, chargé une fois de plus de montrer à la face du monde le visage laid et boursouflé de cette société gangrenée. Un classique finalement. Soit, mais pas tant que cela sur Game Gear. En effet, Arena – Maze of Death est une rareté, et autant le dire tout de suite l’un des meilleurs jeux de la console.
Dans Arena, on va jouer un héros fait de muscles saillants, de cervelles aiguisée au couteau, et de reflexes de guerrier. Ce genre de type qui était de toutes les sauteries explosives de cette morne planète, qui sait énucléer une jeune fille de 12 sans qu’elle sente le viol en cours sur son corps plein de scotch, qui d’ailleurs ne fait plus trop de différences entre une chèvres du nord du Yémen et un amanite tue-mouche lorsqu’il s’agit de sexualité, et ne dort plus que d’un œil depuis 1984 date à laquelle son ongle incarné l’a fait se réveiller en pleine nuit pour s’apercevoir qu’il avait planté toute sa famille sur des clous. Mais depuis il se soigne, et c’est dans le cadre de cette guérison que vous intervenez.
Bob (c’est surement son nom) est enfermé dans le hangar d’une multinationale du mal. Ce genre de sociétés abjectes qui testent les produits sur des personnes âgées forcées de regarder des matchs de curling, pour ensuite jeter en pâture aux gens de ce monde des médicaments qui rendent fous, aveugles, et donne envie de manger du tofu, comme ça, sans ciller.
Le gouvernement envoie donc Bob lutter contre le végétal venu d’Asie. Pour cela Bob va devoir errer comme une âme en peine dans des kilomètres de couloirs, d’égouts, cavernes, armé de sa gourde de schnaps, de son courage, et d’une petite boite de tricosteril. Car Bob a beau être une brute, il n’en oublie pas les conditions d’hygiène élémentaires. NES Pas est aussi le site oldies roi dans l’art du « product placement ».
On va donc diriger Bob dans un univers en 3D isométrique extrêmement original pour la Game Gear. La 3D isométrique, on connait, mais rarement sur portable, en tout cas rarement avec brio. Là, au bout de quelques moulinets de pad, on voit immédiatement que l’on est dans du lourd. Bob réagit au doigt et à l’œil (souvenez-vous de la jeune fille énuclée évoquée au dessus), et on se déplace avec une aisance et une précision rarement atteinte dans la ludothèque de la portable couleur. C’est vraiment agréable.
Et cela tombe bien, car on va avoir besoin d’un brin de précision. Bob va donc s’enfiler l’intégralité des locaux de la firme, pour faire de classiques activation d’interrupteurs, qui ouvriront des portes, derrière lesquelles se cacheront au bout de tunnels obscurs d’autres interrupteurs, qui eux-mêmes ouvriront des portes, derrières lesquelles on devra danser la gigue en hurlant « tirilipinpon les potos, ouistiti ! ». Je plaisante. Cette fin de phrase n’avait pour but que de réveiller ceux qui commençait à soupirer.
Mais ces interminables couloirs et autres salles ne sont bien sur pas uniquement pleins de bonne humeur et d’amour. Il règne en leur sein des méchants d’une dizaine de types différents qui n’attendant que votre passage pour réduire au néant votre courte existence de viols et de défonce dans des pays à maladie. Le mal rôde à chaque pas, et de la fumerolle toxique à la tourelle automatique camouflée, le spectre est large. Mais Bob en a vu d’autres, et est habitué aux cas extrêmes, il n’a pas pris que son couteau suisse.
Il dispose d’un certain nombre d’armes avec chacune leurs qualités et leurs défauts. Lance flammes, laser, grenades, mitraillettes, l’attirail est incroyable ! Rarement encore une fois on n’a pu avoir tant d’armes dans les mains sur Game Gear. Alors au début on est comme un fou, et l’on tire partout parce que c’est drôle de faire défiler les couloirs en hurlant « le dernier arrivé dans le bureau du DG paye l’apéro ! » en espérant faire se déclencher un mouvement trivial de joie d’équipe, et en tirant partout. Ce qui nous amène à la principale difficulté du jeu.
Les munitions sont en nombre ultra limité. Paf. La tentative de soulèvement des masses laborantines pour prendre l’apéritif prend alors des airs de tirs de foire, s’achevant dans le silence opprimant d’un couloir, et la désagréable sensation d’être nu dans un four. Enfin on peut le supposer. On va donc s’interdire les massacres à la chaîne et autres boucheries sanguinolentes. Place à l’esquive la plus crasse, veule, lâche. Bob n’aime guère cela, oh non, mais pas le choix. Il y a bien des recharges une fois de temps en temps, mais rien qui ne puisse permettre le joyeux massacre en courant. Juste de quoi faire le nécessaire.
Le jeu n’est donc pas particulièrement difficile. Un peu de sens de l’orientation, et le tour est joué. Mais avec la limitation des armes, il faudra en plus beaucoup de précision pour esquiver les hordes ennemies au plus juste. Par chance la difficulté est ultra progressive. Si les premiers niveaux sont des promenades de routine, la fin est réservée aux couillus et autres masses musculaires dégraissées du cerveau.
Le jeu se compose d’une vingtaine de niveaux, ce qui fait encore une fois de ce jeu l’un des plus longs de la console. Le jeu se termine en 3 bonnes heures pour quelqu’un qui connaitrait tous les tuyaux, et en 5h pour un bleu bite de l’exploration. Oubliez donc vos jeux de piles, là c’est transformateur only… Les développeurs ont eu le bon goût de placer des mots de passe aux 3 étapes charnières du jeu, ce qui évite de monopoliser sa console fétiche tout un après midi de déprime pour terminer le jeu. L’idée si elle part d’un bon sentiment se retrouve néanmoins plombée par les qualités techniques de la machine. Car ce qui s’affiche sur émulateur est beau, propre, il n’y a plus qu’a retranscrire cela :
Mais la réalité sur console est toute autre, car l’écran est parfaitement baveux, et on est plus proche finalement en réel de ceci :
Dommage. A part cela, graphiquement les niveaux sont relativement peu variés. On compte 7 environnements différents, qui bouclent un peu aléatoirement pour renouveler le paysage. Par chance, c’est graphiquement vraiment fin pour la console, et l’animation est parfaite. A aucun moment, même avec un maximum d’ennemis à l’écran le jeu ne rame. C’est fluide, fin et coloré, grâce à l’utilisation d’une palette de la grande époque.
A la fin de chaque niveau notre centrale nous contactera pour nous donner des tuyaux pour le niveau suivant. Pourquoi pas. Dans un anglais approximatif, une voix anonyme dira que jusqu’à maintenant c’était amusant, mais que là ça allait vraiment chier dans la colle, et que je vais devoir me démerder seul. Ce qui est cocasse car de tout le jeu Bob sera seul. Les commentaires sont donc toujours à la ramasse, ce qui est presque comique « ouep Bob, ça va toi en bas ? Oui, alors on a une mauvaise nouvelle pour toi, on vient de capter la radio, et ils redoublent d’intensité de protection. En fait on pense avec les gars qu’ils t’ont repéré. Je ne veux pas te foutre la pression, mais tu vas en chier grave », ou encore « Ahem… Ne le prends pas mal mais Maurice (tu connais Maurice ?) s’est planté dans le sens de lecture de la carte, donc euh ahem… On t’a un peu perdu. Mais rassure toi, ah ah on a retrouvé le chemin est ça devrait coller, pas vrai les gars ah ah. (avec une voix plus basse) Putain mais pourquoi tu as renversé ta tasse sur la carte, t’es vraiment une burne ». Sans compter les recommandations chaleureuses à base de « Wow, tu es arrivé jusque là ?! Et bah écoute avec les collègues on avait parié que tu n’y arriverais pas, j’ai beau avoir perdu 20$ ca me fascine, bravo mon gars ! » qui n’apporte rien, mais qui pour l’homme au cerveau bourré de second degré apportera une note humoristique assez jouissive.
On enchaîne donc les niveaux avec une vraie envie d’aller plus loin. Rarement dans un jeu en apparence aussi répétitif je ne me suis autant accroché. La réalisation hors pair, la qualité de l’ensemble et de l’univers, la difficulté juste comme il faut ou le pitch nul ne m’ont autant attiré. L’homme éclairé en bavera sévèrement vers la fin, mais voudra toujours aller plus loin.
La seule fausse note concerne la musique, qui du début à la fin est la même. A la première écoute, je me félicitais d’être tombé sur ce jeu. La musique est du chiptune de bon goût, quasiment niveau amiga, ce qui est assez rare sur Game Gear. Mais au bout de 2 niveaux on rêve d’autre chose, et voir Bob se taper la tête contre un mur en hurlant « ASSEZ BORDEL, J’AI DEJA DU MAL A SORTIR LAISSEZ MOI TRANQUILLE ! » fait beaucoup de peine. Mais le reste est un sans faute.
Bob a donc beaucoup de chance. Il habite un univers soyeux, coloré, beau et sait être très maniable. Il sert une noble cause, et même s’il a préféré se crever les tympans plutôt que de supporter la seule musique du jeu (qui le pire est très bonne) il a surtout le privilège de nous avoir comme maître, et dans un jeu de cet ordre, c’est tout simplement du bonheur. Bob habite une perle rose du plus bel effet, qui fait honneur à la portable maudite.