1987. Ce jeu date de 1987. Oh oui je sais, la plupart d'entre vous était à peine né à cette époque, et mes propos gavés de nostalgie, vous n'en n'avez que faire.
Mais je m'en moque. Si si. Et ça risque d'être long.
1987 donc. J'ai 7-8 ans, je dévore les Mickey Parade, je commence le foot en club, je suis en CE1, je n'aime pas les filles, l'été est diffusé "Croque vacances" sur TF1, mais surtout, je viens de vivre quelque mois plus tôt un de mes plus beaux souvenirs : la coupe du monde 1986 au Mexique à travers la TV et mes petits yeux chafouinés d'enfants.
L'Argentine de Maradona, le France-Brésil en Quart avec le but victorieux de L. Fernandez lors de la séance de tir au but...hein ? Quoi ? Je ne suis pas en train de rédiger un article sur lequipe.fr ? Ah ben on ne me dit jamais rien à moi.
Une question me taraude à cette époque : j'ai aimé ce mois passé à regarder le foot sur le petit écran. Je possède une Intellivision me permettant de recréer ces matchs moi même, mais bon, le jeu est NASL Soccer, la ligue US de football, bouarf.
Et surtout, c'est limité, même si j'aime ce jeu d'amour.
**Dring Dring**
A ce moment, la porte sonne (effet spécial de l'article, vous avez vu, c'est merveilleux la technologie). C'est un ami de mon père qui arrive. Il vient d'acheter le cadeau d'anniversaire de son fils. Il veut paraît-il l'essayer avant de lui donner. Chez nous. Sur notre TV. Mon dieu qu'est-ce ? Oui, ami lecteur, je te sens frémir devant tant de suspens....(bon sauf si tu sais dans quelle section du site tu te trouves, tu connais forcément déjà la chute.. mais ne brise pas les rêves de ceux qui n'ont pas encore compris, merci).
Il pose devant moi, comme ça, pouf pouf, sans se douter du mal qu'il pouvait me faire, une Master System en boite **mint** **rare** accompagné du jeu World Soccer.
Le Graal
Je veux le nom du responsable maquette de chez Sega
Donc je récapitule: en 5 centièmes de seconde, cet homme vient de poser devant moi : une nouvelle console qui vient de sortir, un jeu de foot, et il va la brancher là maintenant, tout de suite. C'est fou, me faire ça à moi, sans prendre de précaution. (Matelas suite à mon évanouissement, bassine suite à mon vomi de joie etc etc)
Réflexe, je prends la boite du jeu, je la retourne (oui non ce n'est pas ma mère qui heu bref....), et je regarde les illustrations.
« yeaaah, c’est cool, on peut faire des dribbeln et des abgeben ! »
**Zlash**
(2eme effet spécial, j'en ferai plus, c'est médiocre et peu utile, on se croirait dans la série « Batman et Robin » des années 50)
J'en prends plein les mirettes (copyright « Sacré Robin des Bois » de Mel Brooks) : des millions de couleurs, des personnages réalistes, un terrain qui ressemble à la pelouse du Stade de Guadalajara...Oui enfin c'est ce que j'ai vu avec mes yeux d'enfant. En vérité, c'est 16 couleurs simultanées pour une palette de 64, sur une résolution de 240x226. Mais cela suffit largement pour que le bonheur prenne forme. Mais ne perdons pas de temps en palabre (très belle région d'Italie, d'ailleurs. AHAHah...kof kof..hem oui bon passons.....)
La console est maintenant branchée, le jeu inséré, mon candy up fraise débouché, il est temps de vivre ce moment unique : appuyons sur power et lançons le jeu.
OUAAAAAH mais mon dieu, c'est une véritable photo prise et digitalisée d'un affrontement balle au pied entre Maradona et Karl Heinz Rumenige (à prononcer en criant, vous sentirez ainsi toute la beauté et puissance de l'Allemagne résumées dans cette simple association Prénom-Nom).
Ce jeu est identique à la version sortie sur Sega Mark 3, se nommant Great Soccer.
Y'a pas à dire, ça en jette un max « World Soccer » par rapport au nom précédent de lépreux. (Excuse-moi ami lépreux si tu lis ce test, je n'ai rien contre toi...ah fais attention un bout de ton doigt est resté entre la touche J et K du clavier. Non me remercie pas, je suis là pour t'aider.)
« Press start button » qu'il nous dit ! Mais oui ! Je veux ! Je suis près de l'extase ! Quel bonheur m'attend après toute ces émotions??
Et bien, rien. Un écran noir, sans musique, insipide. 4 options.
« Tiens revoilà mon Intellivision... » me dis-je dans ma tête.
Les modes de jeu proposés sont donc:
* Une Ligue Master,
* un mode Carrière où on doit faire évoluer un joueur à travers de multiples exercices,
* un mode scénario pour revivre les plus beaux matchs de l'Histoire du Football...
Ah ben non en fait tiens...
On a: « 1 player or 2 players soccer game », ou bien « 1 player or 2 players penalty contest game »
C'est peu. Pas même un ch'ti mode de rien du tout de coupe du monde ou championnat. Que des « matchs amicaux », à enchainer. Cela dit, pour l'époque, ce n'est pas le plus important. Débutons avec un simple match, histoire de faire monter la température sur le bord du terrain.
On choisit son équipe parmi 8 pays possibles. Que des grands pays de football : France Italie Allemage (de l’Ouest hein, et oui le jeu n’est pas jeune, le communisme était encore là.**verse une larme**) Brésil Argentine URSS....et puis 2 grands pays du marketing pour vendre ce jeu quand même un peu sur leur territoire : Japon et USA.
Nous choisissons Argentine et Royaume Uni au pif. Et là le miracle s'accomplit. God bless Sega : L'hymne du pays sélectionné retentit. Choc. Idée magique pour se plonger dans le match et ressentir tout un peuple derrière son équipe. Idée malheureusement souvent oubliée dans les jeux de football actuels. L'hymne est réalisée à la perfection avec le processeur sonore de la Master. On reconnaît par exemple parfaitement « la Marseillaise », on la chante devant la TV, main sur le coeur, la tête tournée vers l'horizon et l'océan (A droite quoi, et c'est pas facile, j'habite Saint-Etienne, mais bon, à peu de chose près, c'est la bonne direction).
Le plaisir est immense, pour tout fan de football et de jeux vidéo. Ce jeu m'a permis d'apprendre les hymnes des 8 pays cités précédemment, ce qui ne m'a été d'aucune utilité dans mes études et ma vie professionnelle, mais quelle joie de pouvoir fredonner, à l'age de 8 ans, l'hymne russe devant ses grands parents communistes...
Le coup de sifflet d'engagement retentit, le match débute. Nous distinguons parfaitement les 2 équipes sur le terrain, les graphismes étant fins et colorés. Ils ne sont pas sans rappeler ceux de Kick N' Run en arcade, aussi nommé Mexico 86, produit à la même époque.
L'animation est d'assez bonne facture, malgré quelques clignotements de sprites, et des mouvements de la part de nos joueurs quelque peu saccadés / décomposés. La palette d'actions proposée est en outre assez étoffée :
* la passe: simple pression sur le bouton 2, qui envoie le ballon sur le joueur de l'équipe ayant une flèche au dessus de lui.
* le tir: pression sur le bouton 1, la précision du tir devant la cage étant déterminée par le placement à l'aide des directions du pad d'une flèche sur la ligne de but.
* le tacle: il suffit de passer devant l'adversaire afin de lui subtiliser le ballon par un superbe tacle les 2 pieds en avant digne de Di Meco – Leboeuf – Rool (que chacun trouve son bonheur dans ces diverses générations de footballeurs aussi calmes que Sami Nacéri et Joey Starr dans un avion)
* le retourné acrobatique : 2 boutons en même temps lorsque le ballon arrive de derrière.
Les joueurs se déplacent assez lentement, ce qui donne des matchs assez peu dynamiques. De plus, il est assez aisé de prendre la balle à l'adversaire, si ce dernier ne maîtrise pas véritablement l'art du dribble.
La bande son est quant à elle composée de bruitages assez fades (« Prouuutch » lors d'un tacle, « Pchh » lors d'une frappe..), mais d'une musique tout bonnement ensorcelante. Oui, vous avez bien lu, ensorcelante. De celles qui restent dans la tête pendant des heures, des années ! En clair, cela signifie qu'elle est super chiante et lassante au bout d'un moment hein. Mais son coté parfaitement oldies à base de mélodie rapide et aigüe fait qu'elle est à inscrire au panthéon des meilleures musiques de jeu 8 bits.
Malgré tout cela, les matchs ont un coté arcade accrocheur, les frappes se multiplient, le goal ne lâche rien (au sens propre comme au figuré: il est assez doué et ne relâche jamais les ballons), les actions à base de passes multipliées sont légions... La pression monte... Jusqu'au soulagement lors du but en pleine lucarne !
GOAL ! Le public se déchaîne, les joueurs sautent de joie face à nous, le gardien adverse traverse la pelouse pour aller insulter sa défense de véritable passoire (un peu comme l'ASSE cette année, enfin c'est une autre histoire). D'ailleurs, je me suis toujours demandé si le fait que le gardien sorte de l'écran était un bug du jeu ou pas.
Que d'émotions...mais de courte durée.
En effet, égalisation rapide de l'équipe adverse. Chienne de vie. Ch'uis mal. Plus rien ne se passe. On arrive donc aux prolongations. Ou pas. En effet, le jeu ne propose pas cette option, pas de chichi, et nous envoie directement vers le Jugement Suprême, plus communément appelé les tirs au but.
[Interlude Histoire]
La première séance de tirs au but de l'histoire eut lieu en 1970 entre Hull City et Manchester United pendant la Watney Cup. Le premier tireur était George Best, et le premier à manquer son tir Denis Law.
[/ Interlude Histoire]
Et pour tous ceux qui ont connu ce jeu lors à la fin des années 80, me comprendront : c'est la claque graphique, l'hiroshima de jouissance.
« L'angoisse du gardien de but au moment du penalty » de Peter Handke, aux Editions Plomb.
La représentation graphique est classique de nos jours, (joueur de dos, au loin la cage et le gardien) mais pour l'époque, c'est du grand art sur console de salon.
La séance se déroule dans un silence assourdissant (et c'est pas facile qu'un silence rende sourd, sont forts chez Sega). Le coup de sifflet strident déchire l'espace, le ballon s'envole, le gardien le rate de quelques centimètres, et ... C'est le but. Le but dans une ambiance indescriptible. Un bruit de foule ressemblant à un cri de bête sauvage / grand mère malade / lion sur lequel on a marché sur la queue tout en lui coupant les couilles pour qu'il ait une voix un peu moins grave. Le tout saturé. Je résume, ça fait : Brouiiiiiiiccccchhhhhgraaaaaooooooo. Et vous vous représentez ainsi l'émotion qui peut passer par votre corps à l'écoute de ce peuple qui vous adule.
« Yé té l'ai mise bien profond hijo!
- ta geule, drogué. »
Vous pouvez ainsi soulevez la coupe, fier comme un Waker, le sentiment du devoir accompli. Je maintiens par ailleurs que c'est le saint Diego Armando Maradona qui a été pris en modèle pour le sprite portant la coupe. Ou bien toute autre personne ayant la fameuse coupe bouclée des années 80, rendu notamment célèbre par David Hasselof.
Pour information, dans le top des jeux SMS publié dans Mégaforce de septembre 1990, ce jeu était classé dans les 10 premiers. Bonne performance pour un jeu sorti en 1987 qui devait faire face aux arrivées de Castle Of Illusion et autres Golden Axe sur le même support.
En clair, ce jeu de foot est un monument pour moi, même s'il a été dépassé niveau intérêt sur la Master par d'autres jeux plus récents (Super Kick Off, Champions of Europe 1992, Tecmo World Cup pour ne citer qu'eux).
Mais pour tout nouveau possesseur de cette console, vous vous devez de tester au minimum la séance de tir au but. Oui c'est dépassé face à un PES, oui c'est plus moche qu'un Fifa, mais bordel, vous aimez bien mater et remater Gremlins / Les Goonies avec joie ? Regarder les photos de vous quand vous étiez petit avec un peu d'émotion au fond de votre cœur ? Alors hop hop, on se lève et on se dépêche de me trouver cette cartouche, mortellement commune.
Rideau.