Bonjour à vous, mes amis, et bienvenue au 1254ème congrès annuel des VRP. Durant ce séminaire nous allons vous apprendre à vendre tout et n’importe quoi, à commencer par l’invendable.
Déjà il faut avoir le mental : n’oubliez pas que vous êtres des Winners. Ceux qui sont ici ont gagné leur place, en étant les meilleurs vendeurs régionaux de sanibroyeurs. Applaudissez vous bien fort, les gars, vous le méritez.
Et maintenant commençons si vous le voulez bien. Aujourd’hui je vais vous apprendre à vendre un jeu de merde. Pour ce faire, j’ai besoin de deux choses : mon stagiaire, Kévin, et, évidement, un jeu de merde. Quelqu’un a un jeu pourri sur lui ? Monsieur, oui ? Truxton sur MD ? Oulà oui, gros morceau. Si vous arrivez à vendre ça en le faisant passer pour un bon jeu, alors vous arriverez à vendre le cadavre putréfié de votre grand même en le faisant passer pour une poupée gonflable à l’effigie d’Adriana Karembeu. Kévin, met le jeu dans la console, s’il te plait. Alors voyons ça. Pour rappel Truxton est un jeu de shoot à l’ancienne (comprenez : préhistorique), qui a fait les mauvais jours de la MD. Autant en Arcade il passait bien, autant sur MD…
Le jeu démarre direct. Pas d’histoire, ou d’introduction, rien. Juste un pauvre écran titre. Moche et sans musique. Hum… Il va falloir convaincre le client que cet écran est fait ainsi pour lui réserver la surprise de ce qui vient après. En aucun cas vous ne devez lui dire que la suite est pire. Kévin, appuie sur start. Oh putain, c’est moche. Disons que c’est fait exprès, car c’est le summum de la technologie sur Megadrive. Surtout ne parlez pas de Thunder Force, R-Type, et autres. On a donc un vaisseau laid qui se déplace sur un fond noir avec des pixels blancs. Pardon, un ciel infini piqueté d’étoiles lointaines. Des fois on survole une structure. Une structure vertes grise ou violette, mal dessinée et avec des couleurs à faire vomir un caillou. Le design des vaisseaux doit bien sauver l’ensemble. Obligé.
Ah non. Le vaisseau du joueur est potable, mais les ennemis sont carrément laids. Les boss sont tout aussi moches. Tiens, je vois que Kévin, qui est assis à moins d’un mettre de l’écran commence à pleurer. Hum. On peut peut-être recaser ce jeu dans un dépliant pour les collyres… Quoique non les ophtalmos vont nous coller des procès… Il reste le défilement. Pas spécialement rapide, il a au moins pour lui d’être fluide. C’est toujours ça de pris.
Kévin, monte le son, s’il te plait. Comment ça tu es mort ? Déjà ? La progression est à chier ? Oui c’est vrai. Pour nos amis qui ne connaissent pas Truxton, un rappel rapide : il existe 4 types de bonus : les « S » (SpeedUp), qui accélérer le vaisseau, les « B » (Bombes) qui défoncent tout ce qu’il y a à l’écran, les changements de couleur, pour changer d’arme, et enfin les « P » (PowerUp). Il suffit de collecter 5 « P » pour augmenter la puissance de son arme. Qui compte 3 niveaux de puissance. Oui, il faut bien 10 PowerUps pour arriver à la puissance maximale. Et sui on crève, comme Kévin, on retombe à l’arme de base… Les programmeurs ont prévu la possibilité de les stocker, une fois le niveau max de l’arme atteint. Malheureusement, le stock est trop restreint et les « P » trop rares pour que ça serve à quelque chose. Après un ou deux décès, on retourne à l’arme de base.
De plus il est impossible de stocker les « S ». Donc si on meurt, on revient avec un vaisseau désarmé ET hémiplégique… Autant dire qu’on ne tarde pas a recrever bien vite… On peut dire que la durée de vie est renforcée par cet aspect du jeu. La vie (la première, j’entends) est précieuse, il ne faut pas la perdre !
Les 3 types d’armes proposés sont somme toute classiques, ça fait toujours un bon argument de vente : on à le tir orange de base, avec une dispersion faible et une puissance moyenne ? Puis le vert : dispersion nulle mais force de frappe conséquente. Et enfin de bleu, qui arrose tout l’écran, permet de locker les ennemis, mais n’a pas du tout de patate. Et en plus le bruit de chaque tir est épouvantable. C’est éprouvant pour les nerfs. Regardez Kévin. Il commence à trembler, et à baver… Et tous les bruitages sont à l’avenant. Les ennemis explosent avec un « plop » totalement minable, par exemple, et les bruits des tirs couvrent la musique. Remarquez l’avantage c’est que du coup on entend moins la musique. Ce qui est bien parce que le chiptune Bontempi 4 notes, ça lasse, vite. C’est bon Kévin, baisse le son. De suite, merci. Vous remarquerez passage la transition subtile et discrète entre 2 thèmes : le première thème s’arrête net. 5 secondes de blanc. Début du second thème. Magnifique. Même à l’ORTF on n’osait pas faire des transitions comme ça. C’est totalement d’avant-garde, c’était le techno mix avant l’heure ! Kévin, pose ce crayon. Te crever les tympans avec n’est pas la solution. Quoique fait ce que tu veux, le client est roi, n’est-ce pas ? Mais continue de jouer quand même.
Que reste-t-il donc comme argument de vente ? La facilité du jeu ? Ah non, surement pas. Il est infâmement dur. Pas dans le sens ou il faut des réflexes de fou pour s’en sortir. Ça à la rigueur on a l’habitude. Mais parce qu’il est vicieux : par exemples de vaisseaux sortent par derrière nous pour nous culer avec du sable tuer. Et on ne dispose d’aucune arme qui tire en arrière. Agréable, n’est-ce pas ? Il va donc falloir apprendre les patterns par cœur. Allez Kévin, tu t’y mets. Tu as jusqu’à la fin du séminaire. Pose cette corde, de toute façon tu ne sais pas faire les nœuds de pendu. Je te rappelle que tu es stagiaire, donc tu vas te farcir le sale travail. Tu es là pour ça. Rajoutez au passage des ennemis Kamikaze, et un masque de collisions parfois foireux, et vois voilà avec une des plus belles bouses de l’année.
Bref, je ne sais même pas combien le jeu comporte de niveaux, je n’en ai jamais vu le bout. Au niveau 1-5 j’ai jeté l’éponge, dégouté à vie par la difficulté du machin.
Ça y est, je sais. Il suffira de dire que ce jeu est l’adaptation d’un grand hit d’arcade. Et que c’est du Toaplan. LA firme qui a fait Gynoug ! Oui ils l’ont fait bien plus tard, et Truxton n’était que le proto. C’est un détail, mais ça devrait le faire vendre. Quoiqu’on peut aussi s’en servir pour caler un meuble. Ou pas. Que quelqu’un commande une camisole pour Kévin, là. Il a commencé à manger les plantes en plastiques.
Décidément ce jeu est une merde. Invendable, injouable, inintéressant. Si vous arrivez à le caser ne serait-ce qu’à une seule personne dans votre vie, vous gagnerez le titre de Top Seller de la compagnie Poitou-Charentes. Un titre de gloire éternel, qui vaut bien tous les sacrifices. Merci a tous de votre attention, mon collègue Jean Qulle vous attend dans l’amphithéâtre voisin. Il va vous entrainer à vendre Shaq-Fu. Bonne vente, et soyez des winners.