La Megadrive était une console de rockeurs. Elle était black, elle était agressive, elle crachait sur votre tapis et s'essuyait dans vos rideaux. Rien à voir avec la Super Nintendo, blanche et roudoudou, qui arrosait vos plantes et rangeait elle-même vos CDs d'Indochine dans leur boîte après utilisation.
Serais-je frappé d'une forme de réminiscence du plan marketing foireux de l'époque qui voulait que Nintendo = Bisounours et Sega = Terminator ? Que nenni. Vous me sous-estimez. Je ne suis pas comme vous, non, vous voyez bien que je suis différent : je suis musicien.
Ne vous méprenez pas, la Super Nintendo reste la reine pour moi, à bien des égards. Mais il est un point sur lequel il faut reconnaître, la mort dans l'âme, qu'elle se fait proprement humilier à grands coups de savate par notre chère Megadrive : les musiques. Enfin non. Pas les musiques orchestrales, là, chez Nintendo, on en pleurerait. Ecoutez les orgues de Super Castlevania IV, le banjo de Final Fantasy VI ou les flûtes de Seiken Densetsu 3, et vous comprendrez. Par contre dès que ça devient à tendance plus rock, techno ou funk, la Megadrive se réveille. En face, il n'y a guère que quelques titres comme Megaman X qui fassent illusion, mais c'est bien peu au regard du truc en plus qui claque comme un élastique de fixe-chaussette : des basses en béton. Sega avait tout compris : un bon son, ce n'est pas un son réaliste, mais un son qui a la classe. Grave et sec, du chiptune qui fait vibrer le parquet. Chiptune Commodore pour la gagne.
Et chez Sega, ça a donc donné Road Rash, Street of Rage, que sais-je encore, et parmi tout ça, Sonic Spinball. Avec un stage 1 qui me colle des frissons à chaque écoute. Ecoutez cette ligne de basse, bon sang !! On tutoie le Ciel et on touche les dieux, à moins que ça ne soit l'inverse.
J'en vois deux qui me regardent avec des airs d'ahuris. Peut-être n'ont-ils pas compris que la musique est un élément important d'un jeu, certes, mais surtout un élément essentiel du oldisme. Les jeux n'étant ni olfactifs ni gustatifs, nos madeleines de Proust, à nous autres retrogamers, sont bien souvent composées en chiptunes. Faites le test : ce qui vous fait des guili partout, c'est le thême principal de Landstalker ou bien le sprite de la tête du héros ? C'est la tronche de Tails ou la mélodie du niveau 1 de Sonic 2 ? Hein ? Hein ? A l'occasion, vous vous passez une playlist des meilleurs thêmes de l'époque, ou bien vous vous faites un slide-show des plus beaux décors de Comix Zone ?
Voilà le pourquoi du comment de tout ceci. Sonic Spinball est avant tout un jeu contenant l'une des meilleurs musiques que j'aie entendu - et j'assume l'entière responsabilité et subjectivité de cette remarque - sur console 16-bits. Et pourtant c'est pas compliqué hein, il y la basse frappe et la guitare qui choque, la batterie qui s'éclate et toi qui tient le choc. Enrobez le tout avec des aigus bien gras, et hop. Dans mon top 10. Entraînant, rythmé, idéal pour se mettre en jambes le matin.
Le jeu lui-même en deviendrait secondaire, mais je suis magnanime et ai pitié de vos âmes. Sonic Spinball est un spin-off d'une killer-app. Le principe est lumineux : un jeu dans lequel on va envoyer des boules en l'air dans un parcours à l'aide de petites tablettes pivotantes. Une sorte de flipper, quoi, voire même carrément. Ah, on me signale dans l'oreillette que "spinball" est un jeu de mot mêlant "spin" et "pinball", ah, ok.
Donc ne vous attendez ni à un Sonic, ni à un jeu de flipper. C'est entre les deux. Sonic se roule en boule, vous envoyez cette boule dans tout un tas de tableaux à l'aide de bumpers, et hop. Vous pourrez un peu modiffier la trajectoire de la boule en cours de saut, et à l'occasion, Sonic retrouvera même ses jambes s'il accède à une zone "à plat", lui permettant d'aller jusqu'à la prochaine zone "en boule". 4 flippers vous attendent, tous sanctionnés à leur sommet par un boss robotnikien, jusqu'à Robotnik lui-même.
Ces 4 flippers sont longs et nécessitent une bonne représentation dans l'espace (enfin, en 2D, vous m'avez compris, un bon sens de l'orientation quoi) et des nerfs d'acier. Sonic Spinball n'est pas forcément difficile du point de vue purement "survie de flipper", je veux dire par là que la boule tombera rarement entre vos deux bumpers de départ. De même, les autres dangers sont assez limités (cuves d'acide ou quoi). Non, la difficulté sera tout simplement de progresser sans balancer votre pad (et je rappelle que les pads de megadrive sont fragiles) de rage contre votre petit frère, qui a la tête dure ne l'oublions pas. Sacré Norbert.
Sonic Spinball est en effet à la fois frustrant et jouissif. Jouissif parce que parfois ça va vite. Au son du bass-slapping de furieux, votre boule fuse d'écrans en écrans, on est dans la ligne du parti, parfait, ça saute de partout, mais si vous vouliez comprendre quelque chose vous ne joueries pas à Sonic mais à Alex Kidd, vous étiez prévenu. Donc de ce point de vue, banco. En plus on a, comme sur un vrai flipper, des petits commentaires en direct qui s'affichent en haut de l'écran. Ca va du nom du "coup" que vous venez de faire à des choses plus directes. "Air surfin' Dude !" ; "Sewer Loop" ; "Oh oh" ; "Too baaaaad"... Rigolo. Je ne sais pas vous mais j'ai l'impression d'être commenté par un type à moustache.
Mais par contre des fois c'est lent, ou plutôt, ça rame. Vous n'avancez pas. Vous n'avancez pas parce que déjà vous ne savez pas où aller, et ensuite parce que putain de bordel, vous n'arrivez jamais au bon moment à la porte de ce tuyau d'entrée, à chaque fois qu'il est ouvert il y a une bestiole devant, merde à la fin, obligé de refaire tout le tour maintenant pour la 36 ième fois, ah ça y est plus de bestiole et meeeerde la porte est refermée. AAAAAAAAAAAAH !!! Du vrai casse-tête bien prenant.
Ca sera donc long si vous n'avez pas la barraka propres aux héros de la voltige, les vrais, les tatoués, du genre qui finissent Ball Jacks d'une main sans jamais vraiment savoir pourquoi. Mais ça sera quand même avec un sourire narquois et fat, devant cette débauche de couleur et de basses fréquences que ne renierait pas un Amiga des grands jours. Sonic Spinball est un jeu un peu chiant mais court, qui ne se prend pas au sérieux, qui se la joue cool. Un peu comme votre pote qui a acheté une vieille Renault 12, l'a repeinte aux couleurs de la Torino de Starsky et Hutch, et qui y écoute les BO de Tarantino à fond en portant des chemises Hawaïennes. Un jeu qui est "comme ça", quoi.
Et qui rend fou, mais c'est accessoire, non ?