*regard qui en dit long *
L'Affaire (MSX2)
Infogrames - 1986
Raymond ne pardonne pas par Pixxell

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Six ans que j'attends ce moment. Six ans derrière des murs gris, bronzage réduit à ce que laissent passer les barreaux, nourriture pire qu'au réfectoire de l'école publique, pourtant réputé pour son taux d'intoxications alimentaires élevé. Des choses bien futiles comparées à l'état de choc dans lequel j'étais lorsqu'on m'a pris pour quelqu'un d’autre. Et dure fut la chute quand, en devenant cet homme, je devrais abandonner Mylène.

Oui, le jour où on m'a accusé de ce hold-up, la justice a commis une double erreur. Celle de m'avoir enfermé pour les méfaits d'un autre. Celle de m'avoir choisi, moi.


Je suis un chic type. Vraiment. Ou du moins, je l'étais. Mais retirez sa raison de vivre à un homme éperdument amoureux, volez-lui simplement sa vie, et vous verrez son visage peu à peu se fermer jusqu'à devenir marqué par le sceau de la colère. Ou de la dépression, c'est selon.

J'ai toujours été un brave gars. Vraiment. Mais je suis devenu, à force de temps, un chien fou. Si je fais ce que j’ai en tête, je risque ma peau. Mais qu’est-ce comparé à l'espoir de retrouver Mylène. C'était à la fois mon amour d’alors, mais aussi mon seul lien tangible avec cette Affaire. C'est la clé. Et, pourquoi pas, pourrais-je retrouver ces trois types qui ont témoigné à mon procès en ma défaveur. Pourquoi, comment. Je veux savoir. Je veux me venger.


Que dire de mon parcours depuis cette décision pas si difficile à prendre, presque naturelle ? J’ai pourtant longtemps hésité sur ma façon de procéder. Deviendrai-je un simple curieux, simili-journaliste collé à son calepin à la recherche du moindre mot convainquant ? Déciderai-je d’employer la manière forte ? Ou peut-être devrais-je rester moi-même... Ce choix ne fut pas simple, si bien que durant mon aventure, j’ai du oscillé entre tous ces comportements.

Qui sait si jouer au caïd n’était pas la meilleure solution pour faire parler ce témoin, tandis qu’un autre demandait juste à rencontrer un petit indiscret pour s'exprimer, comme on confie à sa coiffeuse ses plus terribles secrets. J'ai vraiment dû devenir un vrai caméléon et me faire un peu psychologue pour savoir ce que les gens voulaient entendre.


En attendant, j’ai dû épier le moindre des environnements que j’ai pu visiter, soulever chaque pavé de chaque route que j’ai foulée. A la recherche d’indices, d’objets ou de personnes que je pensais utiles à l’avancement de mon enquête. Des explications sur cette méprise que j’ai payée. Des informations sur ce qu’est devenue Mylène, aussi.


J’ai discuté. Beaucoup. Pas toujours avec des gens intéressants. Rarement avec des bavards. Parfois interpellé par des officiers qui souhaitaient simplement se rassurer en voyant mon visa. Trop souvent avec des personnes peu scrupuleuses qui n’échangeront le moindre mot que contre une poignée de billets ou contre un flingue sur la tempe. Je dois avoir une tête qui n’inspire pas confiance, finalement.


Les rencontres capitales ne se font fréquemment qu’après avoir longuement scruté les moindres recoins de la ville, et fait monter l’intérêt chez l'interrogé. Le plus souvent, elles ne sont d’abord que des silhouettes insondables, minuscules, lointaines, cachées, dans l'ombre. J’ai lutté pour les débusquer, et après les déceptions nécessaires et les échanges de bons procédés, mon enquête avançait, lentement mais sûrement.


Pourtant, quand j’étais accoudé à la table de ce bar parisien, je n’étais pas encore bien décidé à me lancer. Un dernier verre me convainquit presque de prendre mon courage à deux mains et d’en finir avec tout ça. La boisson ne me fera pas avancer. J’ai récupéré mon argent, même si mes quelques milliers ne me tiendront pas longtemps au vu de mes voyages incessants. Je devrais trouver un moyen de récupérer du liquide plus tard. Je n’oublie pas non plus ma carte d’identité, et mon petit calepin. Il me sert d’agenda, et c’est mon dernier contact avec le monde réel. Celui d’avant, et peut-être celui d’après.


Un coup de fil envoyé au premier nom de mon répertoire me confirma que rien ne me retenait. Je n'avais rien à répondre à cette personne qui était devenue pour moi un illustre inconnu. « Qu’est-ce que tu deviens ? » Plus grand chose, je cherche juste la solution à l’équation qui m’a ramené à zéro sans que je le veuille.


Je n’ai pas beaucoup de choix. Commencer ma quête à Pigalle me semble alors une bonne option. Si j’avais pu demander à retrouver une simple voiture noire, les choses auraient été sans doute plus faciles. J’étais pourtant convaincu de découvrir des réponses à mes questions dans cet endroit si peu romantique : c'est là d’où vient Mylène. Je suis dans mon nouvel élément, au milieu de tous ces petits truands à la petite semaine. Les filles ici connaissent tout Paris, jusque dans les pantalons de ses hommes. Elles ont forcément des informations sur cette affaire.


Cette femme là, bien que peu commode, se souvient de mon ancienne amie. Elle serait partie il y a de cela quelques années, à Londres, avec un anglais qui était devenu son fiancé. Depuis, plus la moindre nouvelle... Lui laisser de l’argent ne la rendra pas plus bavarde, tant pis. Je pousse ma recherche plus loin dans ce fabuleux univers de la nuit et des néons, mais grande fut ma déconvenue dans le quartier du Moulin Rouge… Je suis visiblement bien trop marqué par mes années à l’ombre, et seul un costume me rendra sympathique aux yeux des videurs, tandis qu’une mystérieuse dame à lunettes, se tient, immobile et muette, sur le parking. J’aurai sûrement affaire à elle par la suite...


Je me souviens des mots de cette prostituée, et décide de me rendre à Londres. Pas de témoin là-bas, mais sûrement une trace de Mylène, une pièce du puzzle. La ville est animée, et la musique aussi belle et présente qu’à Paris. Une des rares choses qui me font du bien. Encore une fois, une autre femme de petite vertu me met sur une piste contre l’échange de quelques billets : celle que je cherche était bien à Londres, avec un dénommé Ed. Une enflure qui la battait. Elle est partie après cinq semaines de sévices, disparue on ne sait où. Une seule chose est sûre : elle est loin, très loin, tentant d’échapper à cette ordure qui veut maintenant sa peau. Je désespère de la retrouver...


J’avais eu quelques informations sur la localisation des différents témoins qui auraient joué en ma défaveur. L’un d’eux se trouve à Amsterdam. Après avoir justifié de mon identité auprès d’un policier en patrouille qui me prenait pour un terroriste, j’ai eu la chance de croiser cette fameuse personne. Elle m’affirme ne pas avoir témoigné contre moi, mais a des informations intéressantes sur l’homme qui était le véritable responsable. Ce serait un flambeur, un joueur, au point qu’il aurait joué à la roulette russe avec une détermination et une chance insolente. Personne ne semble d’accord sur le nombre de truands impliqués dans cette affaire, mais l’homme me suggère intelligemment de demander des explications à ce caissier qui a donné sa recette du jour sans rechigner... Encore faudrait-il que je le retrouve. Et puis, finalement, cette ville se révèle plutôt magique, et la Fortune me sourit encore une fois : une armurerie clandestine se cache dans les ruelles. Un Colt 45. ne sera jamais de trop, c'est certain.


Autre destination sur ma liste : Cannes. J’ai le malheur d’arriver en plein Festival, et, durant quelques instants, ne tombe que sur des théoriciens de la pellicule qui me semblent bien loin de mes préoccupations. Je préfère les laisser à leurs divagations sur le parvis de la Croisette, pour me rendre là où un des témoins est devenu un habitué. L’homme parait sympathique, mais bien naïf, pensant qu’un simple pastis suffira à apaiser ma peine et ma colère. La pétoire que j’ai récupérée va me servir plus tôt que prévu.


S’il m’affirme qu’il a bien témoigné contre moi en échange d’argent, il se dit également désolé. C’est ça, j’y crois... Furieux de voir cet homme s’en sortir, je bouscule un journaliste attablé à la terrasse du bar. Celui-ci me fait part d’une étrange histoire : un cinéaste italien se serait marié avec une prostituée rencontrée... A Londres. Coïncidence ? Pire que ça, l’homme me présente une photographie, que je me permets d’empocher. C’est un souvenir de leur mariage. C’est Mylène !


Ni une ni deux, je me rends là où le réalisateur tourne en ce moment un film. Studio Gollo, Rome. Il aura fallu que je le trouve, puis que j’insiste pour que le grand Jacko Macco ne daigne me communiquer quelques informations, ne parlant pas en bien de celle qui fut sa première femme. Il a divorcé, elle serait schizophrène, détraquée... S’est-il passé tant de choses en six ans pour qu’elle change du tout au tout ?


Et maintenant ? Ma vie n’est plus qu’une série d’écrans fixes, des jolies cartes postales sur lesquelles je me ruine les yeux et dans lesquelles j’espère rattraper ma vie. Est-ce le fait de chercher sans cesse à discerner la moindre allusion à cette femme ou cette affaire qui me rend fou ? Je n’ai jamais eu l’impression de contrôler ma vie, pourtant très peu animée, depuis ce fameux jour. Il y a moi, et il y a un autre. J’ai presque cru un instant que j’étais maître de mon destin, mais il y a quelque chose au dessus de tout ça. La vengeance me guide, comme un pion, jouant avec moi, visant littéralement à me faire avancer. « Montre-lui cet objet, ça le fera peut-être réagir ». C’est bien, mais finalement, y arriverons-nous ? Tout ceci n’est-il pas trop difficile ? Ma peine sera-t-elle un jour apaisée ? Je doute pouvoir parvenir à mes fins, même avec son aide. Mais qui ne tente rien n’a rien.


Ah, au fait. Je m’appelle Raymond Pardon. Drôle de nom pour quelqu’un qui cherche revanche...
Le point de vue de César Ramos :
Largement diffusé en France, ce jeu est plus difficile à finir qu'à trouver à petit prix. Pensez peut-être également à investir dans une souris, le jeu au clavier pouvant se révéler un poil lent et fastidieux.