Parce que le présent est l'avenir de notre passé.
Samurai Shodown
SNK - 1993
Le Bushido est notre Nindo. par POYO

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
“Mais mon cher POYO, j'entends bien que vous soyez fan de la série, mais auriez-vous laissé votre bon sens de côté au moment de faire cette critique ?”, me direz-vous. En effet, le jeu dont on va parler aujourd'hui a déjà été chroniqué sur ce site par l'ami Kazend, qui a su décrocher quelques minutes de sa monomanie pour les adaptations de Dragon Ball Z. Vu sous cet angle, l'intérêt de cette critique peut éventuellement vous sembler minime, mais je m'en vais vous montrer qu'on peut toujours faire du bien avec du déja bien. En plus, il a fait la version Megadrive, parce qu'il manque de goût, même si le port en question est bien meilleur que chez la concurrence.



Entendons-nous bien : Samurai Shodown (ou Samurai Spirit, selon la localisation) est à mon sens une des pierres angulaires du jeu de baston. Culte par bien des aspects, novateur sur un paquet d'autres, le jeu est un énorme pas en avant dans le domaine, et pas forcément pour les raisons qu'on pense. Contextualisons.

1993. La belgique vient de rejoindre l'Eurocorps, votre serviteur voit le jour, et dans le marasme politique ambiant, on prépare tranquillement les accords d'Oslo. Evidemment, une seule des informations sus-mentionnées a une quelconque importance pour cette critique (je vous laisse juge). Mais ce qui nous intéresse, c'est la situation économique de SNK en cette année 1993.



Tout fier de sa Neo Geo et des chiffres plus que corrects des licences Fatal Fury et Art Of Fighting (arcade et Neo geo confondus), SNK décide d'aller talonner d'un peu plus près le gros poisson du jeu de baston, à savoir Capcom. Autant vous dire que pour aller s'opposer frontalement contre une licence comme Street Fighter (dont la deuxième itération cartonne dans les salles d'arcade), il faut en avoir un bon paquet dans le bénouze. Et comme ça, tranquille, les mecs décident “simplement” de lancer une nouvelle licence. Mais comme relancer un énième clone de Fatal Fury ça commencerait à se voir, les mecs de chez SNK décident de dévier un tant soit peu de la recette classique du jeu de baston. Je vous laisse apprécier une seconde le vent de fraîcheur que représente le concept même d'aller faire chier Capcom sur son terrain sans tenter de copier bêtement les mécaniques de Street Figther 2.



En bref, autant vous dire que les mecs de chez SNK on enfilé un falzar blindé, et ont décidé de se mettre à l'eau dans le plus grand des calmes. Et ils ont pondu la première itération d'un jeu qui intrigue encore pas mal aujourd'hui, Samurai Spirit, renommé Samurai Shodown en occident (la localisation de la licence est une source de fou rires assez incroyable, on y reviendra).

En 1993 sort donc Samurai Shodown, qui prend à contre pied le genre, en proposant un système de combat plutôt éloigné de tout ce qui se faisait à l'époque. Ici, point de combos à rallonge, point de tournoi, poing de points (ou l'inverse), juste l'essence même du Bushido. On pourrait commencer à évoquer le jeu en lui-même, mais ce serait manquer de déontologie, Kazend l'a déjà très bien fait.



SamSho (ouaip, j'abrège, ça m'évite de faire la faute en écrivant correctement “Showdown”) est une petite pépite du jeu de baston. Du moins sur papier. Jugez plutôt : un système de jeu radicalement opposé aux canons du genre qui propose d'incarner divers pratiquants de l'arme blanche. Un jeu techniquement au top de ce qui se faisait à l'époque. Un jeu qui propose une nouvelle alternative au système de barres de super que Capcom a imposé au marché. Aujourd'hui, la réponse est un peu plus évidente, mais à l'époque, la question pouvait se poser. Comment ce jeu pourrait-il un jour n'être plus qu'un “petit” de la scène versus ?

La réponse tient en peu de choses. Le fait est que déboulonner un concurrent qui fait l'unanimité dans le milieu depuis deux ans n'est pas chose facile. Effectivement, les joueurs sont habitués à la prise en main et au gameplay de Street Fighter. Tout le monde ou presque sait sortir un hadoken, tout le monde connaît Ryu le grand maître du karaté, et surtout, tout le monde reconnaît la maîtrise technique de Capcom.



Parce qu'au final, qu'est-ce que SamSho a de réellement différent ? Tout d'abord sa maniabilité. Vous le savez, Capcom tient à son gameplay six boutons, tandis que SNK tient à son quatre boutons. On pourrait se dire que c'est trivial, mais ça fait une grosse différence. Même si on peut aujourd'hui reprocher une certaine raideur à Street Fighter 2, ce n'est rien comparé à l'austérité de SamSho, qui décide de son côté de mettre en exergue l'ambiance et retranscrit assez bien le combat de bretteur tel que l'ont peut se l'imaginer.

Les quatre boutons sont comme suit : A pour le petit slash, B pour le slash moyen, AB pour le gros slash, C et D fonctionnant de la même manière pour les coups de pieds. Vous me direz, pour le moment ça casse pas trois pattes à un chien mort.

Si on y retrouve des classiques du genre (coups de près / de loin, choppe, spéciaux), c'est réellement dans son approche du combat en lui même que le jeu se permet d'innover. Plus que votre capacité à enchaîner les combos, le jeu vous propose de jouer sur votre capacité à lire le jeu. Presque chaque attaque ou coup spécial prend un temps conséquent à sortir, vous laissant totalement à la merci du zozo d'en face. Essayer de frapper l'adversaire est déjà d'une tension assez rare sur le papier, ajoutez à ça la maniabilité très rigide et assez peu permissive du jeu, et on se retrouve plus souvent à espérer avoir bien lu son adversaire que d'effectivement avoir réussi sa manip'. Le jeu prend aussi le parti d'octroyer un ENORME bonus de dégats en cas de counter hit, bien lire et décider rapidement de la marche à suivre a donc de forte chances de provoquer de très lourds dégâts à l'adversaire.



On note aussi la présence d'une barre “POW”, qui se remplit en prenant des coups. Une fois celle-ci pleine, le personnage se prend l'équivalent d'une grosse dose d'EPO en intraveineuse, qui transforment même la petite Nakoruru en bulldozer berzerk capable de vous torcher une barre de vie en 3 contres bien placés. Le système encourage donc la prudence, un adversaire que vous avez maltraité peut à tout moment vous coller quelques coups qui vous feront tout bizarre à la barre de vie. L'offense certes, mais l'offense intelligente. Dans un jeu où tout se joue en quelques coups, je vous laisse imaginer les gouttes de sueur couler le long de votre nuque.

On se retrouve donc avec un jeu très rapide (oui, étonnamment), bien plus à même de plonger le joueur dans une ambiance plus tendue que ses concurrents.

Parce que ce qui fait réellement le plus du jeu, c'est bel et bien son ambiance qui tranche nettement avec celle d'un Ken VS Ryu sur fond de flamenco. La majorité des stages sont rythmés par un silence ou une discrète mélodie pentatonique qui contribue encore plus à happer le joueur. Si le jeu ne brille pas spécialement par la créativité de ses compositions musicales, il brille cependant par ses graphismes. Dieu que c'est BEAU, malgré quelques sprites un peu gauches par moment. Le jeu reprend un gimmick de Art of Fighting, celui de zoomer et dézoomer en fonction de la position des deux adversaires, ce qui rend l'affrontement d'autant plus cinématographique.



Certes, le jeu est monumentalement bon, mais j'ai quand même quelques petits trucs qui m'ont frustré. Vous savez ce que c'est qu'un Boss SNK ? Si oui, vous avez déjà joué au mode arcade d'un jeu de baston SNK. Un Boss SNK, c'est ce comportement immonde que le CPU adopte dès que vous arrivez un tant soit peu proche de la fin du jeu. Si il vous est déjà arrivé d'atteindre Geese Howard sur Fatal Fury, vous voyez EXACTEMENT de quoi je parle. Et dans ce jeu, c'est la FOLIE. Le CPU vous colle des mandales monstrueuses tout en parant 99% de vos attaques, sait exactement comment vous contrer et ne s'en prive pas. C'est limite si le jeu ne vous crache pas à la gueule en vous disant que c'est inutile, qu'il sait déjà ce que vous allez faire, et qui vous signale en plus que quelqu'un se glisse dans votre dos pour vous faire un “Coucou qui c'est ?”. Il ne fait simplement AUCUNE erreur, et ce comportement infaillible me donne envie de lancer mon stick par la fenêtre.

On pourra aussi reprocher au jeu de mettre des morceaux de décor destructibles à l'avant plan, ce qui crée parfois des situations absurdes, et l'ajout de ce foutu clodo qui largue bonus et malus sur l'aire de combat (cherchez pas, la vie c'est pour les adversaires, vous aurez les points et les bombes ), mais rien de tout cela n'est réellement handicapant, simplement un coup à prendre.



J'ai parlé de la localisation au début du test, et je dois dire que rarement la traduction d'un jeu m'a autant fait rire. Regardez quelques screens de ce test pour vous faire une idée. Entre le bon vieil engrish des familles, les erreurs de traduction et les improvisations de répliques qui sont parfois absolument vides de sens, le jeu est une pépite absolue, et les petits gars de chez SNK s'en moqueront eux-mêmes dans les épisodes suivants.



Je vais le dire clairement : ce jeu est une réussite totale. Il est techniquement à la pointe de ce qui se faisait à l'époque, et les gars de chez SNK ont réussi à donner au jeu ce que beaucoup d'autres n'ont pas réussi à faire : ils lui ont donné une âme. À une époque ou le genre s'entérine à essayer d'imiter Street Fighter 2 sans en comprendre l'essence, c'est un vrai cadeau qu'ils nous on offert. EGM l'a propulsé comme meilleur jeu de 1993 (et on parle de l'époque où la presse JV était encore un tant soit peu intègre). Le jeu a inspiré beaucoup l'industrie (ouais, j'aime à penser que Soul Blade et Soul Calibur sont méchamment inspirés), et même des gens issus d'autres médias. Nobuhiro Watsuki, mangaka à l'origine de Kenshin le vagabond a longtemps parlé de la licence dans ses éditos, ce qui lui a valu de chara designer un personnage pour l'opus suivant.

En bref, Samurai Shodown est une bombe qui a subtilement réussi à radicalement changer le Versus Fighting en apportant un bon bol d'air à un genre qui se contentait jusqu'alors de bêtement copier ce qui marchait. Malheureusement, l'histoire aura retenu Street Fighter, et ça, ça fait partie de mes déceptions de la vie. Rendez-vous service, essayez-le.

Le point de vue de César Ramos :
Neo geo, vous connaissez le topo.