Veuillez éteindre vos Bibop et vos Tam-Tam.
Double Dragon
Tradewest & Technos Japan - 1988
Viens faire des CHTUCK ! Ou bien BOMP ! ou HUMPF ! parfois même PFFF ! par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Y'a pas à dire, on savait vivre, à cette époque où le sommet de la coolitude était de porter une veste en jean aux manches arrachées, une paire de docks, et une batte de base-ball négligemment posée sur l'épaule, pour fracasser les ghetto blaster qui nous tombaient sous le coude. On savait vivre à fond les ballons, même ; et les combats d'alors n'étaient pas des affrontements complètement codifiés, dans une arène aux limites qui n'ont d'égales que celles de notre cerveau, dans des tenues improbables et des visages de metrosexuels mal dégrossis. Non, en ces temps, temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, on montrait du muscle, de la sueur, des tessons de bouteille, et on montrait tout ça dans les ruelles sales, les entrepôts crasseux, où on avançait avec sa bite, son couteau et son fouet SM en avoinant à la pelle.



Et ne venez pas me parler de Sho-ryu-blaster-rolling, de boule de feu Psycho Drive Power combotée, non, ne me parlez pas non plus de Justice Vendetta Kick, je vous parle du vrai combat : uppercut, coup de coude arrière, prise par les cheveux, coup de genou dans ta gueule, et va voir dans le trou si j'y suis. Du vrai, du solide, à l'ancienne.

Double Dragon n'est clairement pas un jeu pour les ravioles.



C'est même l'archétype du beat-them-up. Mettez ensemble une histoire pipeau ("sauvez la gonzesse"), des bad boys qui avancent dans la ville en distribuant une pléthore de coups, un peu de plate-forme pour faire joli, des ennemis retors, des pelletées d'objets, et des musiques dynamiquement rétro, et vous avez le milk-shake gagnant de la fin des années 90. Dieu que c'était bon toute cette violence. Et pas la peine de coller des gerbes de sang sur des sprites digitalisés ou de lancer des kaméhaméhas pour se défouler, non, rien ne vaut un petit sprite d'un punk qui se plie en deux de douleurs sous l'effet d'un coup de genou dans les valseuses.



Double Dragon est un mythe. S'il n'a pas défini le beat-them-up à lui tout seul, il y a largement contribué. Ses déclinaisons ne se comptent plus, parfois supérieures à l'original, mais à l'époque, un seul nom résonne : Double Dragon, Double Dragon, Double Dragon. Ici, là-bas, partout.



Oui, partout. En borne d'arcade pour commencer, puis sur quasiment toutes les consoles de l'époque. Il existe même une version pour Atari 2600, oui madame. Porté, donc sur plusieurs supports, et décliné en plusieurs versions, dont vous pouvez avoir un aperçu sur notre site, notamment les 3 épisodes Game Boy et les 3 épisodes NES. Episodes NES dont je vais vous décrire le numéro 1 aujourd'hui. Parce que je l'aime bien, ce jeu. Pour toutes les raisons évoquées jusqu'ici : c'est pour moi LE jeu emblématique de ma jeunesse vidéoludique, LA synthétisation de cet univers pseudo MadMaxien, dans une espèce de Bronx en carton-pâte, le tout servi par une lumière du plus bel effet "téléfilm de la Cinq". C'est bien simple, je joue à Double Dragon, et je revois "Bad" de Michael Jackson, les pubs pour Zelda 1, les clips d'Indochine, Chips sur la 5 et Maguy sur Antenne 2 le dimanche soir. Le tout au travers d'un filtre qui me fait penser que le monde, à cette époque, était en couleurs saturées et baveuses. Un monde en VHS, un peu. Ah, on me dit que c'est le composite de merde de la NES, ça fera illusion.



Accessoirement, je me revois aussi avec mon copain du collège, suant et peinant des après-midi entières sur son Atari 1040 STF, à stresser comme des porcs dans le dernier niveau, zig-zaguant entre les lances qui sortent du mur, les pierres qui nous poussent dans les trous, et une cohorte d'Abobos (les gros tas de muscles qui vous font chier dans le jeu, cherchez pas) pour vainement s'approcher du boss final et de sa putain de mitraillette de fasciste sodomite. Et jouer à Double Dragon au joystick, je peux vous dire que ça vous fait pousser les poils.



Donc bon, voilà. Sur NES, je ne le connais que depuis peu. Les épisodes 2 et 3 ont déjà été couverts dans ces pages, et ce n'est pas un hasard. Le 2 est une bombe, le 3 est largement répandu. Le 1, déjà, moins. Pour les deux critères sus-cités. Moins répandu, moins bombesque. Allons-y gaiement.



Les limitations de la NES ne nous font pas peur. Oui, certes, ça va être laid à chier, mais Tortues Ninja 2 est bien rigolo, alors nous sommes confiants. On lance le jeu. On passe l'écran-titre sans sourciller, on y va. Scène d'intro : un sprite de poufiasse siliconnée se prend une tatane bien grasse dans l'estomac de la part de mecs pas beaux du tout, et s'effondre avant de se faire emmener sur l'épaule du plus moche. Ok, dans la série "je vous résume l'intégralité du concept du jeu en deux secondes", je crois qu'on tient le record.



Tout de suite, et malgré notre foi oldie inébranlable, on se dit : "Heureusement que les mythiques musiques, qui m'arrachent toujours un frisson oldie, sont là, et bien là". Parce que graphiquement, c'est un peu ardu. Heureusement aussi, l'animation est très correcte, nette, et c'est pas dommage, vu le gras qui a été taillé : deux ennemis à la fois, hein, pas plus, et pas d'objets à trimballer sur 15 combats, non non, holàlà jeune chien fou, faudrait pas nous griller la mémoire de notre console favorite, non, il faudrait être Mad, ou très con (les deux même !) pour espérer une avalanche de sprites à la seconde. Soit.



On a donc un jeu propre. Très laid si l'on compare à l'arcade, ceci dit je ne vous parle pas de la Neo Geo, je vous parle de la NES, espèces d'ignares. Donc, laid mais propre. On avance, on satonne. On suit à peu près la trame de la version arcade, un peu de plate-forme par-ci, des niveaux du même genre par là, oui, bon, une conversion d'époque. J'avoue quand même que je me sens moins dans l'ambiance que sur Game Boy, parce que les couleurs pètent vraiment trop, et pour du combat de rue sale et moite, avec la belle palette de la NES, on est plus proche du parc Walibi Schtroumpf que de Blade Runner. C'est bof bof. Et les coups ne sont pas poisseux, je veux dire, ils ne font pas **SCRUITCH** ou **SPROUTCH**, mais plutôt ** SCHRAK **. C'est un peu sec, ça manque de chair et de cartilages écrasés. Arf.



Ceci étant posé, par rapport à l'arcade, il y a quand même trois différences qui sautent aux yeux. En bien comme en mal.



Primo, il y a beaucoup plus de plate-forme. Notamment dans les missions 3 et 4. Et qui, si elles mettent une variété tout à fait rafraîchissante, font quelque part bien chier puisque votre perso n'a pas à proprement parler la grâce et l'agilité d'un Sonic des grands jours. Et que toute mort sera fatale (!), et vous fera recommencer du début du niveau, oui ça pique. Enfin, à côté de Castlevania, ça nous fait bien rigoler, donc on prend ça comme une agrémentation bienvenue et on passe tout ça de la main gauche.



Secundo, la mythique palette de coups (je rappelle : direct, uppercut, coup de pied, coup de pied retourné, coup de pied tournoyant, prise par les cheveux, coup de coude, coup de tête, coup de genou, projection, coup de pied sauté, et même ici "je m'asseois sur ton ventre et je te savate la gueule à coups de poings" - jouissif et mythique) est là. Aaaah. Mais elle n'est pas accessible dès le début. Ooooh. Non, au début, vous êtes un combattant à peine sorti de la cour de récré du pensionnat de Saint-Ligue à Thure-les-Bourses. Avec un pauvre direct et un coup de pied affligeant. Mais bien vite, vu que vous avez ça dans les gènes, vos talents se développent à la vitesse d'une marée montante. Plus vous satonnez, plus vous marquez des points, et vous gagnez de l'expérience, qui vous fait franchir des niveaux, oui, c'est ça l'appel du sang. Et à chaque niveau sa palette de coups. En optimisant bien, on arrive assez vite à aborder la mission 3 avec quasiment le niveau maximal, et là c'est l'orgie vu qu'on peut commencer à jouer au sadique avec ses proies. Et il faut bien ça vu la difficulté que vous opposeront certains grunts de base qui s'enhardissent eux aussi avec les niveaux, et peuvent alors vous coller des enchaînements bien humiliants (si vous avez le malheur de jouer devant témoins, bien sûr) si vous ne faites pas gaffe.



Tertio, le véritable point noir du jeu. Enfin le point noir, c'est carrément un trou, un vortex, l'abyme. Que ceux qui ont usé leurs doigts avec leur meilleur pote sur Double Dragon 2 se joignent à ma colère, à ma peine, à mes pleurs : pas de jeu à deux disponible. Si si, ils l'ont osé. Et là c'est la haine, la vraie. Et c'est tellement impensable que je n'y ai même pas pensé quand j'ai acheté la cartouche. Ne trouvant pas l'opus 2, je m'étais rabattu sur le 1, PERSUADE que, comme pour tout Double Dragon qui se respecte, je pourrais au moins partager cette longue et juteuse aventure. Que nenni. Une fois la cartouche fourrée dans le tiroir de ma NES, je n'en croyais véritablement pas mes yeux, j'ai même cru que ma manette 2 avait un défaut et que c'était pour ça que le second joueur n'apparaissait pas.
Oui parce qu'il y a des options "2 players". Ah. Mais le jeu à deux disponible consiste à passer le relai au player 2 quand vous perdez une vie. Oh si, il y a aussi une espèce de jeu de baston, le Street Fighter préhistorique, là vous pouvez jouer l'un contre l'autre dans une espèce d'arène en piochant dans les persos du jeu. Nul et sans le moindre intérêt.



Donc ce jeu est une GROSSE déception pour ceux qui espéraient du bon jeu en multi. Pour les autres, en mode solo, ça reste une adaptation très louable, complètement esprit 80, de quoi patienter en attendant que vos potes arrivent chez vous pour en découdre. Et si vous n'avez pas d'autres consoles pour jouer à ce numéro 1, ça serait, quelque part, dommage de vous en priver. Ne serait-ce que pour votre culture videoludique, tant Double Dragon, à côté des Pac-Man, Gauntlet, Space Invader et consorts, est inscrit au panthéon du jeu. Bien avant Street of Rage (et je finis là-dessus, en fourbe).


X Files :

Double Dragon révèle quelques petites surprises.

La fin est un peu sêche. Nous en bavons pendant des heures, obtenant quelques ampoules et de solides bleus, et bim, fin de l'histoire / écran titre, sans aucune forme de procès ou presque.

Mais en regardant la mémoire vidéo du jeu, on s'aperçoit qu'une jolie fin était prévue pour les crédits :



Et juste après en mémoire ROM on trouve bien les crédits à l'adresse $00003A76 :

DIRECTER <-- Avec la faute !
YOSHIBO SAIKO

CHARACTER DESIGN <-- Le "S" de Design pointe vers le header "music"
HIN HIN KOHJIK

B.G DESIGN
GBSS JOE SAITO

PROGRAMMER
TOMMY TANI
TOKIMEKI TAKA SAN
ZET GEN SHINTARO
SHARMY NOMURA

MUSIC
LASALU YAMNE

PACKAGE DESIGN
SHIROCHAN

SPECIAL THANKS
KUMIKO
SLEEPY AADO

AIZOME IKAGAMI
-POINT HIRASAWA

PRESENTED BY
TECHNOS JAPAN CORP.


Dans un autre genre, on trouve dans les graphismes au niveau des stalactites et du faux mur du niveau 4 la tête du dragon du dernier niveau entièrement craquelée :

Le point de vue de César Ramos :
Gros classique de la machine, à trois fois rien. On peut voir quelques tentatives Kevinesque à son sujet, mais généralement avortée...