"La première pensée sérieuse depuis saint Augustin. 5/5" Télé 7 jours
Zelda 1 - Legend of Zelda
Nintendo - 1986
L’histoire d’une vie par Hebus San

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Je suis un homme comblé. J’ai un travail, une femme, et très bientôt la famille va s’agrandir. Pourtant à l’aube de ce test je ne peux m’empêcher de penser que bien des choses auraient pu tourner différemment sans un évènement majeur dans mon existence : la découverte de Zelda sur NES. Converti très jeune aux plaisirs du jeu vidéo par mon grand-père et un CPC 6128, c’est en vain que j’essayais de convaincre un ami de se faire offrir la même machine par ses parents plus compréhensifs que les miens. Heureusement il a tenu bon. Ghassan si tu lis ces lignes, reçois l’assurance de ma gratitude éternelle. C’est donc à la naissance de l’été 1988 qu’il me présente son choix final pour le jeu. Une NES. J’avoue en avoir vaguement entendu parler, mais rien de plus. Et surtout rien de fracassant : on ne peut pas copier les jeux ! (tout petit déjà…)



Mais tout allait basculer sous l’impulsion d’une cartouche en or…



Zelda… quel nom étrange n’est-ce pas ? Et quel destin fantastique pour ce jeu né dans l’esprit d’un seul homme : Shigeru Miyamoto. Bien sûr vu en 2004 l’histoire est belle mais banale, comme toutes celles des succès commerciaux classiques. Pourtant vous ne vous imaginez pas tout ce qui a pu entourer la naissance de ce mythe. Lors de sa sortie ce jeu bouscule tous les concepts ludiques de l’époque. Je revois encore les fières rangées de cartouches suspendues dans leurs boîtiers antivols près du rayon télés du Monlaur du coin (ou du Mammouth, au choix). A l’époque pas de magasine dédié aux consoles, pas de test, pas d’internet. Un jeu se vendait essentiellement par son packaging, par la licence qu’il exploitait (nulle ici donc) puis par le bouche à oreille des cours de récré.



Le packaging en impose à l’époque. Une boîte dorée pour une cartouche dorée ! Quelle excentricité pour le début des années 80 !! (les porte-clés spiralés fluo n’ont pas encore pris le pouvoir…). Mais qui dit moyens exceptionnels dit inéluctablement jeu exceptionnel. Si,si, je vous assure qu’il fut un temps où c’était vrai… Mmhhfff… **gros soupir**.



Première révolution : la présence d’une pile de sauvegarde. Un bout de RAM si vous préférez. Le joueur va donc pouvoir librement sauver ses parties et reprendre le jeu là où il l’a quitté quand il a éteint sa console. Pour tous les jeunes d’aujourd’hui ça a l’air de rien comme ça, pas vrai ? Avec le recul on se dit que Miyamoto San est un véritable visionnaire dont la seule préoccupation est de donner du plaisir aux joueurs en leur apportant quelque chose d’essentiel sans qu’ils en aient forcément exprimé le besoin. Avant Zelda tout le monde se foutait pas mal de sauver ou pas ses parties. Cela donnait même du charme aux jeux ! Obligé de finir ceux-ci d’une traite ou bien de tout se retaper. Heureusement qu’ils étaient courts en ce temps là (quoique). Et bien Miyamoto San nous dit en substance « il va falloir changer votre point de vue messieurs les joueurs, une nouvelle ère s’annonce ». Et il y croit. Et Dieu tout puissant qu’il avait raison d’y croire.



La présence de la pile va délivrer les développeurs d’une chape de plomb : la longueur d’un jeu n’est plus une problématique. C’est désormais seule la taille de la cartouche qui limitera ce paramètre. L’esprit créatif va pouvoir s’en donner à cœur joie dans ce nouveau champ d’investigation totalement vierge. Oh bien sûr il faut encore se plier aux contraintes techniques, mais ce n’est pas réellement un souci quand on programme sur une NES.



Zelda est un. Unique. Il est la pierre angulaire de tout un pan de l’histoire du jeu. Le virage qui vous place dans la bonne direction. Enfin la chicane dirons nous parce que nom de nom ça vire sec ! Exit la sacro-sainte plateforme, les jeux de sports ou les shmup. Place à l’aventure. Enfin l’aventure/action. Genre hybride mêlant exploration et combats. Et comme je n’aime pas les culs entre deux chaises, et que les journaleux de l’époque non plus, tout le monde va se mettre à appeler ce genre le « Zelda-Like ». Comme plein de jeux après lui, oui, mais comme aucun avant. Et l’appellation tient toujours 15 ans après. Peu de jeux peuvent se vanter d’avoir institutionnaliser un genre, même pas Mario. Zelda appartient à ce cercle très fermé. Il y aura eu un avant et un après Zelda.



Alors pourquoi tout ce flan (encore une fois ce mot, et je ne réponds plus de mes actes) ?



Parce qu’au-delà de son concept radicalement novateur, Zelda est un concentré de tout ce qui fait jouir un joueur ! Un monde immense tout d’abord. C’est vrai qu’avec 15 ans de recul ça paraît pas bien grand… mais bon, vous avez tous en souvenir un toboggan cauchemardesque qui a perturbé tout votre enfance en vous narguant de sa vertigineuse et inaccessible hauteur ? Retournez le voir. Oui, vous êtes quasiment plus grand que lui (peut être pas Greg en fait…). Voilà vous avez saisi l’idée (Peut être pas Ghost en fait…). L’esprit des joueurs d’alors est semblable à cet enfant devant l’insurmontable : il n’est pas habitué à quelque chose d’aussi vaste. Et comme vous avez tous vaincu le toboggan, il va vaincre Zelda. Oui, avec la même jouissance totipotente nimbée de l’impression de tenir le monde dans une seule main (parce qu’on se branle dessus de l’autre…). Sans soluce finir Zelda pour un gamin de l’époque va demander une persévérance hors pair. On cherche des jours entiers, on évolue dans un référentiel totalement nouveau, et donc point d’automatismes salvateurs évitant de longues périodes d’errance pour trouver quoi faire (pousser les tombes…. Aaaah, putain c’est trop fort !). Mais au final on hurle comme un goret promis à la broche quand on arrive enfin à récolter ce PUTAIN de bâton magique du donjon 6 (j’en ai encore des cauchemars).



Miyamoto San s’est régalé en collant des bouts de salles secrètes par-ci, des buissons qui brûlent par là, des mares qui se vident au son du pipeau, et ainsi de suite. C’est là que réside la grande force de Zelda : il innove dans tous les domaines du gameplay. Il faut habiller ce vaste monde ? Pas de souci, on va coller un inventaire à Link. Il faut personnaliser le jeu ? Aucun problème, les joueurs pourront renommer Link (une première !). Mais les joueurs ne risquent pas de se perdre dans un monde aussi grand ? Ben on a qu’à coller une carte qui se découvre au fil de la progression ! Et ainsi de suite. Rien n’a été laissé au hasard. Rien.



Zelda tire la quintessence de la console parce que c’était nécessaire à l’histoire du jeu. Un tel potentiel de gameplay et de scénario ne pouvait pas se permettre le luxe de s’habiller d’une réalisation minable. Les graphismes sont épurés mais parfaitement adaptés. La vue de dessus en écrans successifs est une pure merveille d’ingéniosité. Les monstres sont vraiment pénibles, et nivellent les zones de façon remarquable. Exemple ? Le joueur a une liberté quasi-totale d’action, mais il lui faudra de grosses couilles pour s’aventurer dans les montagnes au début de l’aventure sous peine de se faire poinçonner le derche. C’est ça la patte de Miyamoto. Et ça marche à merveille : on ne va pas dans les montagnes avant d’être bien couillu. Le cloisonnement dans un jeu est enfin « logique ».



Mais là où Zelda va définitivement enfoncer le clou, c’est sur le plan musical. Et c’est Koji Kondo qui tient le marteau. Vous ne connaissez pas Koji Kondo ? C’est normal, les compositeurs de musiques de jeux n’étaient pas plus connus en 1988 qu’en 2004. Mais paradoxalement ce sont des morceaux entiers de son œuvre que vous êtes capables de siffler spontanément. La moitié de la planète connaît la musique de Mario, et pratiquement autant le thème principal de Zelda. C’est bien simple, les gens qui me connaissent savent à quel point une musique me touche simplement en regardant mes avant bras : si le poil se dresse, c’est bon signe. « Puisque tu pars » de Goldman, le thème des Choristes ; le thème de Terminator 2, « Il était là (le fauteuil) » de Sardou,…, tous me font dresser la pilosité, voire plus selon l’humeur du moment. Avec le thème de Zelda c’est une chair de poule digne d’un enfant fiévreux en plein hiver de Sibérie. Pour tout un tas de raison c’est certain : le souvenir de cet été passé à chercher les clés de l’ultime cachot, les émotions puissantes de la magie de l’enfance, la joie de vivre sans aucune considération pour le lendemain… autant d’explications plausibles pour justifier l’émotion sans borne qui accompagne cette rengaine. Oui, mais cela n’aurait pas fonctionné avec une musique quelconque. Et celle de Zelda est loin d’être quelconque. Elle a beau être là même tout au long du jeu, pas une seule fois vous ne la trouverez répétitive. Et celle des donjons est du même tonneau, c’est tout dire.



Dieu a créé la terre et les hommes ; les hommes ont créé le jeu, Miyamoto a crée Zelda. Oui c’est pompeux, mais ça ne sonne pas si faux dans l’esprit de ceux qui ont vécu l’essor de cette légende. Qui plus est vous y reviendrez ! Et c’est une preuve irréfutable de la marque des Seigneurs quand on connaît la replay value des jeux d’aventure en général.



Zelda m’a ouvert une porte. Il m’a définitivement changé. Puéril et pathétique pensez-vous ? Peut être, mais en y réfléchissant bien c’est le premier jeu qui m’a scotché à ce point là devant un écran. Et après ça rien n’a plus été pareil. Il est possible que j’amalgame un peu trop facilement ma maturité comportementale en pleine évolution et l’impact de ce jeu qui n’est peut être rien d’autre qu’une bienheureuse coïncidence, mais c’est si bon d’y croire, non ?



Béni soit Shigeru Miyamoto d’avoir su prouver son génie à la face du monde de cette façon, et ainsi d’avoir gravé à jamais dans le cœur de millions d’enfants une joie indélébile.



Alors jouez à Zelda. Ou n’y jouez pas. C’est peut être le seul jeu qu’on ne puisse pas conseiller, tant le sentiment de plénitude qui habite ceux qui l’ont possédé (à moins que ce ne soit Zelda qui nous possède…) annihile jusqu’à la volonté de se battre pour le faire connaître. Du reste ce serait une insulte. Zelda est au dessus de ça. Bien au dessus. Il dépasse largement le simple cadre des loisirs. C’est un jeu devenu émotion au fil des années. Il EST Zelda, maintenant et pour l’éternité.



Oscar Wilde a dit : « Détruit ce que tu aimes, ou ce que tu aimes te détruira ». Si Zelda est le bourreau, je serai volontaire pour être la victime.

Bonus :

Parce que sur NES Pas on aime le travail bien fait, et aussi les smarties, hop, la carte en français glissée avec le jeu, en haute définition. Mon RIB est en pièce jointe aussi, si vous souhaitez me remercier.

Carte 1
Carte 2
Le point de vue de César Ramos :
Très commun, mais diaboliquement demandé... Donc surestimé...