On connait les pas de danse.
Megaman
Capcom - 1987
Parce que les schtroumpfs n’ont pas le monopole du bleu de travail par Hebus San

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Megaman. 7 lettres d’une rare perfection qui, nonobstant un patronyme aux frontières du ridicule le plus abouti, propulseront la société Capcom aux premières loges des éditeurs vidéoludiques. Un succès planétaire jamais démenti, et ce depuis plus de 20 ans et un nombre colossal de suites et spin-offs.



Le petit robot bleu est né en 1987 sous le nom de Rockman. Ce n’est que deux années plus tard qu’il débarquera en France, en empruntant au passage son nom américain. Deux années fastes puisqu’à force de travail et d’acharnement, d’abnégation et de sacrifices, de dur labeur fait de sueur, de sang, et d’amitié virile et trouble les soirs de grand stress au bureau, dans la pénombres des tablettes graphiques, les talentueux gars du marketing ont réussi à transformer la pour le moins sympathique jaquette nippone en merde. Et puis attention hein, pas la vulgaire fiente de pigeon négligemment posée sur votre tempe et qui vous file la honte devant tous les copains lors d’une sortie scolaire malheureuse au collège (et pour ta première langue en bouche, on verra plus tard, là t’es pas au top de la séduction), non, de la bouse de compétition, les olympiades du caca, le must de la crème. La jaquette européenne est tellement laide, que je me demande si les mecs en charge du projet n’ont pas voulu faire un concours avec ceux responsables de la jaquette US, qui, soyons sport et inclinons-nous, pulvérise tout de même en tous points le mauvais goût pourtant déjà admirable de la notre. C’est bien à ça qu’on voit qu’on est dans les années 80, les USA ont toujours l’avantage et nous font rêver.

Néanmoins, vous admettrez qu’il y a de bien meilleures façons de démarrer dans la vie. Nom minable et plastique externe pathétique, avouez que ca part en sucette dès le début. Un peu comme si vous essayiez de vous présenter à la Nouvelle Star en vous appelant Barnabé. Avec une sympathique calvitie naissante et d’appétissantes poignées d’amour dépassant du polo Benetton amoureusement repassé par votre mère, avec le gros pli au milieu du dos.








Et pourtant, contrairement à Barnabé, le petit robot bleu va tout péter. Fils spirituel d’un amour improbable entre Cobra et Astro, deux autres héros nippons des années 70-80, Megaman va faire son trou grâce à un concept en adamantium : vous pourrez utiliser les armes des ennemis que vous battrez. Mais j’en ai déjà trop dit pour un début de test. Ménageons donc un peu le suspens, voulez-vous ? Je dis ça pour les deux tanches du fond au regard de carpe morte qui ont passé les 30 dernières années à se demander si la hauteur des remous dans une flaque de boue pouvaient dépasser le diamètre de ladite flaque divisé par Pi, et qui par conséquent n’auraient pas suivi l’essor des nouvelles technologies. Et sinon, pour ceux qui se demandent pour les remous, c’est non.


Reprenons donc. Fermez les yeux et sentez la brise chaude d’un après midi d’été Nîmois. Nous sommes en 1990. La vie est belle, le mur de Berlin est tombé pour le plus grand malheur des milliers de collégiens du pays qui ont eu un devoir à faire dessus, les mac-do fleurissent comme les boutons sur la gueule de l’adolescent que je vais devenir, et mon bon pote de vacances d’été a eu le goût exquis de m’inviter chez lui pour taquiner la Nes. Lui qui m’a déjà initié aux joies de Zelda. Je sais, c’est trop pour un seul homme. C’est pourtant vrai et un jour, certainement, il faudra que je lui paye ma dette. Mais en attendant de pouvoir lui trouver deux-trois slaves pas bien farouches, occupons nous de ce qui nous amène ici.








Ce saint homme a eu la délicatesse de se faire offrir un nouveau jeu avec un nom qui claque comme un coup de fouet sur la croupe d’une dominatrice revêche : Megaman. Oui ca claque, parce qu’à 13 ans, on est forcément un peu con. La jaquette est clairement vilaine, mais je le répète, j’ai 13 ans et j’ai été élevé aux jaquettes de CPC et autres jeux Vidéopac. Du coup, c’est avec un air blasé parfaitement imité que je me laisse convaincre pour un petit essai, alors que j’en crève d’envie comme d’enculer la petite Céline D. qui m’a émoustillé toute l’année scolaire durant.

Oui, à 13 ans c’est comme à 30, on rêve d’enculer des femmes.

Nous nous équipons donc du matériel de survie minimum, à savoir une grande bouteille de coca et des pailles d’or framboise, et lançons le jeu de la pression franche des joueurs avertis que nous ne sommes certainement pas.

Le soleil est haut dans le ciel. Je ne le reverrai pourtant pas ce jour là.





Déjà la musique du choix des boss m’a envouté. Je n’ai plus d’yeux que pour le sympathique petit robot qui galope à l’écran et qui me rappelle furieusement feu mon dessin animé favori, Astro le petit robot, dessin animé oh combien gravé dans ma chair, puisque la chaine qui le diffusait en 1984 proposait un jeu concours avec une question hautement culturelle à l’issue de chaque épisode. Sauf qu’il fallait noter l’adresse pour renvoyer la réponse. Ca a l’air de rien là, comme ça, en 2008, hein ? Mais en 1984, quand on a 7 ans, que les magnétoscopes sont programmables uniquement après avoir suivi une formation de 6 mois réservée aux adultes sains d’esprit, et que le net n’est qu’un fantasme d’auteurs de fiction, ET BEN C’EST LA GROSSE MISERE ! Combien de fois ai-je du essayer de noter cette putain de connasse d’adresse de pute boiteuse ? Sans jamais y parvenir, alors que j’avais la bonne réponse à chaque fois (évidemment…) !! J’en garde un souvenir cuisant, comme une blessure enfouie derrière la prestance de l’homme enviable que je suis devenu.

Du coup quand je déprime, je me torche avec le manga d’Osamu Tezuka, for da lulz comme disent les décérébrés prépubères qui hantent la toile.








Imaginez-vous un peu. Le choix du stage à parcourir ! C’est phénoménal d’innovation pour l’époque. Fini les courses imposées, on va enfin pouvoir choisir son chemin, varier les plaisirs, se sentir libre ! Mon pote sélectionne Gutsman pour commencer, en promettant de me filer le pad dès qu’il perdrait une vie.

J’ai donc récupéré le pad 12 secondes après le début de sa partie, et le lui ai rendu 14 secondes plus tard.

Megaman est ce qu’il est convenu d’appeler un jeu pour masochistes perfectionnistes. Une petite perle de plateforme oldschool, bien corsée, comme on en fait plus.

Dire qu’on en a chié du haut de nos 13 et 11 ans est un doux euphémisme. On a passé l’après midi à essayer de battre ne serait-ce qu’un boss. Pour finalement parvenir à torcher Cutman in extremis, avant le gong (le repas du soir).

Nous aurions pu laisser éclater notre joie, pour que tous dans l’appartement (les parents de mon pote et sa petite sœur, soit un public relativement maigre tout de même) sachent que deux héros respiraient le même air qu’eux à moins de vingt pas de là.





L’idée nous a vraiment traversé l’esprit. Et puis nous avons cherché la sauvegarde. Secondes d’infinie détresse quand l’esprit se refuse à accepter ce qu’il sait pourtant être la plus perverse des vérités : Megaman ne comporte pas de sauvegarde. Pour parvenir à la séquence de fin, le saint graal des graines de gamers que nous sommes alors, il faudra terminer le jeu d’une seule traite, en ayant pour seuls ennemis votre manque de temps et surtout de talent.

Parce qu’en étant objectif, quand on a 13 ans on a suffisamment du premier, mais on manque clairement du second. Il serait d’ailleurs amusant de représenter la variable victoire dans un repère mathématique standard avec le talent en abscisse et le temps en ordonnée. On obtiendrait alors une hyperbole tangente aux deux axes en dessous de laquelle tout espoir de victoire est vain. Et autant dire que sur megaman premier du nom, l’apex de l’hyperbole est quand même vachement éloigné de l’origine.

Si vous commencez à avoir mal à la tête c’est normal. L’espace d’un instant j’ai cru que vous aviez mon intelligence, alors que soyons réalistes, vous en êtes tout de même loin. Faudrait-il que vous soyez fous, ou alors très cons, peut être même les deux, pour penser une telle chose.

Donc en clair : toi y-en a en chier très très fort pour finir Megaman, 13 ans ou plus.





Et pourtant à y regarder de plus près, le déroulement du jeu est d’une banalité presque navrante. Peu d’ennemis, peu de pièges, peu de surprises. Sauf qu’on est en 1987, et que les développeurs ayant bien conscience qu’un jeu à cette époque doit tenir en haleine les joueurs pendant plusieurs mois, ils ont largement compensé une quantité défaillante par une qualité retorse à souhait. Les ennemis sont rares ? Tant mieux, parce que leurs patterns sont vicelards comme le vieux septuagénaire qui hante invariablement la sortie des toutes les écoles du territoire. Les pièges se voient venir à 10 km ? Il aurait mieux valu 20 puisque vous y mourrez encore au bout de la 35eme tentative.





Pour autant peut-on parler de die and retry ? Que nenni ma bonne dame. Megaman n’a rien de ce genre stupide aux chausse-trapes indétectable qu’il faut impérativement essayer pour mieux les contourner la vie d’après. Dans Megaman tout ce qui vous arrivera provoquera un sentiment de « ben voyons, j’étais SUR que ca se finirait comme ca. PUTAIN ! », sentiment de frustration par excellence puisqu’il mettra vos nerfs à rude épreuve, tant la solution est évidente : il vous faudra du talent pour réussir. Et pas un simple coup de bol, les pièges étant judicieusement disposés pour éliminer le facteur « gros coup de moule » cher à beaucoup d’entre nous.

Sauts millimétrés, timing à la nanoseconde, observation fine des mouvements ennemis, choix du meilleur chemin : rien ne vous sera épargné.





Je ne spoilerai rien, tant la découverte du meilleur chemin est jouissive, mais sachez que chaque boss abattu vous laissera généreusement profiter de son pouvoir. Citons donc en vrac et de manière exhaustive : un rayon électrique (et son bug ABUSE sans qui je n’aurai jamais vu la fin du jeu), une lame boomerang, un canon à neige, un lance flamme, des bombes, et la possibilité de soulever certains blocs du jeu pour les balancer sur vos compagnons de niveaux. Et évidemment, chaque boss sera préférentiellement vulnérable à l’une des ces armes. A vous de deviner laquelle.

Il est d’ailleurs rigolo de noter que cette simple question, par ailleurs résolue depuis pas mal d’années, a provoqué de nombreuses nuits de cauchemars, et autant d’accidents nocturnes pour les plus sensibles, tant le simple fait d’arriver jusqu’aux boss est malaisé. Vous en chiez comme un polonais pour finir à plat ventre et à moitié mort devant la porte en métal du gardien des lieux, et celui-ci vous pèle les bourses de la main gauche en rigolant sous les coups d’une arme qui visiblement est une erreur stratégique de votre part. La loose. Voire le cri de bête certaines après-midi un peu plus électriques que d’autres qui m’ont valu quelques confiscations de console bien senties.





Alors pourquoi ? Oui pourquoi ? Pourquoi encenser un jeu au nom sorti d’un comic pas frais, à la jaquette douteuse et à la difficulté qui confine à la négociation avec une mère juive ?

Tout simplement parce qu’il est parfait. Rien ne saurait être évité. Rien n’arrive par hasard. Encore mieux : vous le savez. Chaque mort vous renvoie une image douloureuse de votre propre incompétence, mais qui secrètement vous enjoint de continuer encore et encore, pour finalement réussir à introduire votre gland baveux dans le rectum du Dr Willy.





Et puis il y a les musiques. Oserais-je dire que Megaman possède la plus belle bande son de toute la ludothèque de la NES ? Non, mais uniquement parce que son petit frère l’a surpassé sur ce point. Et du coup ca reste quand même dans la famille. Mais dieu que ces musiques sont belles, dramatiques, terribles, hypnotisantes. Le fait de passer plus de 85 vie sur un niveau vous laissera d’ailleurs amplement le temps de les apprécier à leur juste valeur.





Amis, ne passez pas à côté de Megaman. Il est de cette rare trempe de jeux qui ont bâti une légende, comportant plus de suites que de points de sutures sous les nichons d’Emmanuelle Béart, ce qui n’est quand même pas rien. Le finir vous demandera de longues heures d’apprentissage, mais vous en sortirez grandi, fier de vous-même, armé pour affronter le monde et cette petite secrétaire aguicheuse qui vous en promet trop tous les jours sans jamais rien vous donner. En un mot comme en cent, vous deviendrez des Hommes, avec un grand H, comme Arthur. Ou Bob, je sais plus bien.

Quoi qu’il en soit, et malgré sa côte surévalué, le posséder au sein de sa collection Nes n’est pas facultatif. Il vous coutera peut être cher, mais il vous le rendra au centuple.


Le point de vue de César Ramos :
To be done...