Allo Schwitz ? Izi Klon-B.
Spelunker
Broderbund - 1985
L'antichambre du suicide. par EcstazY

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Chercheurs de trésors. A égalité dans les rêves d’enfants aux côtés de « pompiers » « super héros » « pilote d’avions » et autres métiers abstraits, le chercheur de trésors tient une place à part dans les années 80. En plein envol du jeu de rôle, du jeu vidéo, et au final d’une forme magique de stimulation de l’imagination, la quête archéologique avait sa place à prendre au soleil, peinard.



L’exploration est ainsi un des thèmes les plus représentés des jeux des âges farouches. Un héros, un lieu inconnu, arriver au bout, trouver tout du long gloire et fortune ont fait les chiffre d’affaires de bien des boîtes de production.



Spelunker est de ceux-là. Initialement proposé sur Atari 500, le jeu a été porté sur à peu près tout ce qui se faisait à l’époque : Commodore 64, MSX, arcade, et surtout sur NES. Ah le plaisir simple de la découverte d’une grotte énorme, peuplée de monstres, de diamants, en dirigeant son explorateur aguerri, quelles promesses de richesses !



On va donc y diriger un brave homme dans une caverne gigantesque, à la recherche de trésors, d’air et de la sortie. Un classique du genre. Graphiquement, dès la fin de l’écran titre du pauvre dont la NES nous gratifie, on sait que l’on a à faire à un jeu primitif. Ah oui, porté de l’Amiga 500, il ne fallait pas s’attendre à de la finesse… On est plutôt sur une sorte de jeu niveau Amstrad : tons pauvres, traits épais, abstraction des décors-monstres-goodies, mécanismes d’un autre âge. Nous sommes bien ancrés dans les années 80.



Une fois passé le relatif choc visuel, on regarde d’un peu plus près la grotte où notre petit héros va avancer. Rien de bien affolant de prime abord : des pièges ridicules, des trous, des sauts, quelques rares monstres (chauves-souris qui vous défèque dessus et fantôme, tout simplement), et on le devine, un chemin à trouver pour avancer en ayant les clefs que l’on trouvera dans un ordre plus ou moins précis.



Vous êtes sur NES Pas, pas sur un site de jeux vidéo classique où la moyenne d’âge est de 15 ans. Donc vous en avez vu des vertes et des pas mûres. Vous avez peut-être terminé Milon’s secret castle, bouclé Castlevania Adventure, abattu froidement les tortues ninjas sur NES, bref, vous êtes sévèrement burnés et marchez en caleçon, car la simple idée d’avoir les baloches aux genoux à 45 ans ne vous fait pas peur. Pour vous une belle mort c’est glisser sous les chenilles d’un tractopelle, pas de mourir dans une grotte. Donc ce type de jeu ne vous fait pas spécialement peur.



Testez donc quelques secondes Spelunker. Le petit ascenseur grotesque où vous démarrez descend, vous arrivez à la première plateforme et sautez d’un pied allègre sur le sol ferme, jetant à l’horizon un regard froid et malicieux signifiant « j’te fume, gros con » à qui veut bien l’entendre ? Ou peut-être venez-vous de mourir bêtement, au milieu de l’air, comme ça, paf, sans prévenir. En prenant deux secondes de recul, vous venez de saisir : si notre héros saute de trop haut (à l’échelle humaine : 1 mètre), il meurt, sans aucune forme de préambule.



Ah et bien il faut reconnaitre que faire de la spéléo lorsque l’on a le vertige c’est ennuyeux. Toute la difficulté du jeu est basée sur cette phobie de notre héros qui ne va jamais JAMAIS pouvoir sauter de plus d’un mètre. Les abymes de la difficulté vous regardent d’un œil torve, et rient de votre désarroi. C’est fait : ce jeu est catalogué comme un modèle de frustration.



Car dans un jeu de plateforme, même primitif, l’action de sauter est la brique angulaire du jeu. Alors lorsqu’il faut millimétrer tout dans l’objectif secret de ne pas sauter trop haut de peur de crucifier en plein vol notre héros, le jeu devient une nouvelle forme de supplice de l’inquisition.



Evidemment il va falloir sauter toutes les 3 secondes en moyenne. Tout prend alors des proportions dramatiques. Une simple plateforme-ascenseur devient un défi digne de l’antique, sauter au-dessus d’une bête et innocente crevasse devient un marathon, quant à sauter de lianes en lianes, c’est l’Himalaya.



Les deux ennemis du jeu, la jauge d’oxygène qui s’épuise, ou encore la longueur relative des épreuves (le jeu étant segmenté en 6 morceaux de grotte) passent pour le cadet de vos soucis comparé à la difficulté de gérer ces saletés de sauts. Tout le gameplay est basé dessus. Ce qui devait être une vulgaire promenade de santé devient une sorte de purge, préambule du purgatoire, sorte d’antimonde du plaisir.



Si votre patience, votre santé mentale et votre habileté dans l’effort vous permettent d’arriver au bout de la grotte, la richesse vous attend. Des points, des diamants, et 8kg de sueur en moins, vous pensez avoir fait le tour de la question.



Malheureusement, comme la version NES de ce jeu est est le plus mauvais portage, les développeurs ont été un peu plus loin dans la souffrance, et une fois assis sur votre tas d’or, vous voilà de retour dans la grotte, la même, le même plan, les mêmes ennemis, et une palette graphique encore plus laide. Et surtout, les clefs sont devenues invisibles. Elles sont par chance au même endroit que la fois d’avant, mais comme vous étiez trop occupé à survivre qu’à noter leurs emplacements, vous voilà bien embêté.



Et si d’aventure vous étiez fait du bois dont on fait les héros, les vrais, ceux de Sparte et d’ailleurs, prêt à boucler cette deuxième fois putride, le jeu vous offre une troisième quête, toujours dans un environnement immonde, dans la même cave, avec toujours des clefs invisibles, et une nouveauté. Il vous faut maintenant sauter à l’endroit exact de la clef pour pouvoir la récupérer. Avant passer dessus suffisait, maintenant il faut bondir. Il va de soi que cette collecte s’effectue à un pixel de précision près, histoire de bien vous faciliter la tâche.



Si vous n’étiez pas encore interné, la quatrième et la cinquième quête active un peu tout ce beau monde. La chauve-souris se réveille, le fantôme vous en veut désormais vraiment, et vous devez maintenant tirer un coup de fusil à l’emplacement exact pour la collecter. C’est vrai, déjà que ramasser des clefs invisibles touchait au ridicule pur, rien de tel qu’un petit agrément grotesque pour aller encore un peu plus loin.



Mais le must vient après, lors de la 6ème quête, et de toutes les suivantes. Les ennemis restent bien entendu accélérés, mais il vous faut désormais sauter, puis dès lors que notre héros - passablement usé par ces sortilèges – touche le sol du pied, tirer un coup de fusil. Et la-vous collectez les clefs.

Tout simplement.



Il va de soi qu’aucun être humain n’a dépassé ce niveau en 1988. La fin du premier niveau était si miraculeuse que sa simple complétion donnait le droit d’avoir accès aux bars à ping pong show les plus torrides d’Asie. Une fois le niveau vert atteint, on éteignait sa console furieusement, avec au fond de la gorge le suc maudit de la félonie. Un développeur ne peut infliger ce type de traitement à un autre joueur, oh non !



Alors passez votre chemin. La NES est une des perles de ce monde, mais tous les colliers ne valent pas le coup d’être portés, et le bonheur est ailleurs. Tout comme la vérité, mais, eh, c’est une autre histoire…


Le point de vue de César Ramos :
Peu commun, et réellement pas cher.