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Demon's Crest
Capcom - 1994
par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Demon's Crest est un bon jeu. Oui déjà démarrer comme ça à froid, ce n'est pas courant. Mais j'en avais assez de critiquer des merdes ou des hits, j'ai voulu viser au milieu. Et donc nous avons là un bon jeu. Pourquoi ? Où ? Comment ?



Eh bien d'abord, vu de loin : Demon's Crest est bon jeu mais pas un jeu sympa. Oui parce que Demon's Crest c'est avant tout une ambiance, et on ne peut pas dire que l'ambiance soit à la gaudriole dans le coin. Déjà, le héros est une gargouille, et ça, ça refroidit. Enfin vous peut-être ; curieusement moi je suis chaud comme la braise quand on me propose un démon qui crache du feu, ha ha, je m'esclaffe. D'autant que les gargouilles et moi c'est une histoire d'amour, une histoire qui a commencé avec mes longues promenades avec le paternel dans les églises et cathédrales gothiques de Bretagne et de Vendée, encore que ça n'a rien à voir, là il faudrait plutôt parler de mes heures passées sur Gargoyle's Quest, le grand-petit frère de notre jeu d'aujourd'hui, et des heures passées à jouer avec ma famille à Hero Quest, magnifique jeu de plateau dans lequel le monstre "gargouille" faisait office d'épouvantail. Je sais, c'est un peu décousu mais je suis sûr que vous me comprenez, ou alors faites un effort.



Mais pour le commun des mortels, une gargouille, ce n'est guère primesautier, voire sinistre, tout comme ce jeu donc. Demon's Crest est le troisième volet de la série des Gargoyle's Quest et ça se sent. Ce n'est clairement pas un jeu pour les ravioles. C'est un jeu pour les mâles, les vrais, obscurs et ténébreux, le genre de jeu qu'on balance à la gueule de la petite Lison, en disant "oui, Mario c'est pour les gamins, tu vois, moi je dois faire une partie de Demon's Crest, c'est sombre et terrible, tu comprends... " pour faire son kéké. On laisse alors la petite Lison partir à ses occupations, ses chatons et son indifférence, avec sa robe légère et ses seins déjà plus que naissant sous la fraîche rosée de l'adolescence rayonnante. Et on joue seul, se croyant superbe, terriblement mystérieux et beau. Oui, avant d'être un vieux con, le oldie a été jeune.



Une gargouille. Moi j'aime. Je suis différent, je sais, elles me le disent toutes... Oui, les héros avec des yeux en bille de loto, tout sourire, ou bien beaux et musclés comme David Hasselhof, j'en ai parfois ma claque. J'ai envie d'autre chose, d'un vent nouveau, de fraîcheur, bref, d'une bonne grosse gargouille hideuse, qui pue des pieds aux fayots de lézard aux fayots. Qui puent. Envie à laquelle Demon's Crest apporte une réponse plus que satisfaisante.



Et ce jeu étant, comme je l'ai dit, le Gargoyle's Quest de la Super Nintendo, je vois vos pupilles frétiller devant le potentiel énorme, tant ce jeu n'a clairement pas le droit de nous décevoir : il nous faut donc en vrac une maniabilité sans faille, une ambiance de folie, un jeu long et difficile, et s'il faisait le café en plus, finalement, on ne serait pas surpris. Eh bien quelque chose me dit que vous n'allez quasiment pas être déçus.



Pourtant, j'en ai connu des déceptions, oh oui, et je ne parle ni de la petite Lison, ni de cette brune Polonaise bien des années plus tard, ni de ce pénalty raté par Reynald Pedros. Je parle plutôt de trucs comme Double Dragon II sur Game Boy, de Castlevania III GB, d'Actraiser 2... Je parle de ces déceptions frappées du sceau "Georges Lucas est dans la cuisine et il va réussir à rater un gratin qu'il suffisait de réchauffer". Tout ça parce qu'il a voulu rajouter des biscottes de soja et une verrine de purée d'aubergines/brocoli, vous savez, ces trucs super hypes qu'on nous vend comme étant des révélations culinaires, alors qu'un bon vieux coup de gruyère, 15 minutes au four et hop.



Alors abrégeons notre attente. J'ai hurlé un tonitruant "rendez-vous en ENFEEEEER", et enfourné la cartouche. Et, la première fois, ça m'a fait bizarre, jugez plutôt : sortant de Super Mario World, et autres Tiny Toons Adventure (pour chopper les autres midinettes, évidemment - pas les ténébreuses, mais les poufiasses sucrées), c'est assez curieux de se retrouver face à une intro qui vous fait vite comprendre que le suicide est quelque chose finalement d'assez banal, que la couleur et les rires sont complètement superflus, et que manger le coeur de votre chien serait peut-être une bonne idée. Un petit "humain, toi qui entre ici abandonne tout espoir" n'aurait pas dépareillé, je dois dire. Teinte rouge, ambiance sang frais à la lueur des torches, musique "viens donc là que je suinte du pus dans tes tympans", et une ombre au regard froid et au sourire carnassier. Je sens qu'on va s'en payer une bonne tranche.



La suite des émotions est du même tonneau. Vos yeux et vos oreilles vont être largement flattés dans le sens du poil, mais des poils morts. Pas la moindre teinte un peu flashy, oubliez vos rêves de peluches roses et vertes qui se frittent sur un bon rock frénétique ou des thêmes jazzy. Non ici c'est sombre, sale, moite, on joue dans la cour des Super Castlevania IV et autres Shadowrun. Les musiques sont lentes, oppressantes, plaintives, cet orgue vous collera un bourdon du tonnerre.



Si vous ne vous êtes pas encore offerts à Satan en violant votre soeur, vous allez pouvoir vous lancer dans l'histoire, avec un grand P, comme prétexte. Notre héros, le sympathique Firebrand, a choppé des pierres de pouvoir (les "Crests" du titre) mais au prix de gros efforts, et forcément, tel le tennisman qui arrache à Rafael Nadal un misérable set au prix d'efforts surhumains et de la perte de 15 kgs à chaque jambe, il suffit d'un pet de mouche pour que l'organisme craque. Là en l'occurence le pet de mouche est plutôt un gros coup en traître d'un salaud congénital du nom de Phalanx qui vous blaste par derrière. Lorsque la gargouille, lassée d'un long voyage, dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, l'infâme traître sus-cité - rouge lui aussi au demeurant - la choppe en fourbe et bam ! Tout est à recommencer. Et voilà-t-y pas qu'on démarre dans une espèce de prison-arène à devoir défendre sa peau. Et on va s'évader. Et on va partir rechercher les six sceaux aussi sec (sic) pour finalement défier le grand méchant dans un combat épique. On a des standards, quand même.



Je vous le donne en mille : il va falloir buter tout le monde et récupérer vos pierres, que bien évidemment Phalanx aura pris le soin de disséminer, pour une raison qui m'échappe encore, aux quatre coins du royaume, chacune sous la garde d'un vilain pas beau. Encore que la notion de vilain pas beau soit toute relative, tant Firebrand lui/elle-même - je n'ai jamais su son sexe, et quelque part ce genre de déviances n'est pas dans ma liste actuellement donc je m'en cogne fabuleusement -, tant Firebrand donc est déjà relativement moche, puant, patibulaire, et mû par une motivation qui n'a rien d'altruiste. En gros, il s'agit d'être la gargouille la plus puissante du monde parce que merde, au Pays des Goules, les canons de la morale chrétienne, on s'asseoit un peu dessus.



On va donc se fader une série de niveau en 2D, de bonne grosse plate-forme mâtinée d'action, à mi-chemin entre Megaman X et Castlevania, pour tataner tout le monde. Les niveaux sont accessibles via une modeste carte en Mode7 qui ne révolutionne pas le gameplay mais qui est sympa comme tout, enfin à l'époque sur Snes on commençait déjà à s'y habituer, pas de quoi sauter au plafond. Au nom de l'humour on y plane comme un débile pendant quelques secondes et puis, se rendant compte que ç'est totalement sans intérêt, on va au turbin. Dans tous les niveaux on va avoir plein de monstres gluants et difformes, on va collecter du pognon, on va fritter des boss cadavériques, on va trouver des sorties alternatives avec des boss alternatifs, sur fond de basse continue - ha ha - et au final on récupère, avec l'avidité d'un zombie en phase terminale, plein de trucs. Des sorts, des talismans qui boostent les caractéristiques, et surtout, surtout, les différents Sceaux (Crests) et tirs.



Alors les tirs déjà c'est rigolo parce que ça permet des petites subtilités, genre pour passer tel mur il faut le péter avec le "pétage de mur buster", pour fritter les gros boss on prend le "Gros Bill buster", pour recouvrir les piquants sur les murs d'une gelée gluante et inoffensive on a le "Glaire Rose et Bleue qu'on dirait une varice Buster" etc. Sympa, vu qu'on peut refaire les niveaux, on peut obtenir après coup un truc qui permet d'aller dans une salle secrète des niveaux précédents, c'est ce côté-là qui sent un peu le Megaman X et c'est pas plus mal. Et puis alors avec les Sceaux c'est carrément l'orgie, puisqu'on peut se transformer en gargouille élémentaire. Je vous le donne en deux mille (oui, champagne) : la Gargouille de la Terre est un gros boeuf - c'est une image, jeune sot - qui saute comme Simon Belmont, celle de l'Air peut s'envoler loiiiiin dans les cieux et believer qu'elle peut touch the sky, celle de l'Eau va dans... l'eau, und so weiter, weiter, until the end. Evidemment à la fin vous pouvez vous transformer dans la joie, le Kyrie Eleison et l'allégresse, en Méga Gargouille, le genre qui saute 6 mètres à la perche sans perche, vous arrache un bras juste en soufflant dessus par les narines, et qui bat Nadal à Roland-Garros sans raquette, et le tout avec une boule de feu qui ferait sauter d'un coup tous les boucliers de l'Enterprise.



Et ça tombe plutôt bien parce que figurez-vous que les boss ne sont pas à proprement parler des danseuses de biguine. Il faudrait être Mad, ou très con (les deux mêmes !) pour se présenter face à eux dans la configuration de gargouille de base avec son jet de feu façon briquet bic jetable. Autant défier Dark Vador avec un pistolet à bouchon. Les niveaux sont d'une difficulté abordable, mais les boss, ah ça oui, ça va chier des queues de pelles. D'ailleurs c'est bien simple, si vous vous débrouillez bien, entre deux chants grégoriens particulièrement poilants pour vous détendre, vous arriverez au Boss final, si vous vous débrouillez super bien, vous débloquerez le Super Boss final, qui vous prendra déjà sa bonne dizaine de minutes ; et admettons que vous soyiez particulièrement en verve ce jour -là et que vous avez tout torché, tout trouvé, tout fait de la main gauche - vous aurez droit de fritter le Ultimate Bamba Heartshock Over-BFG9000 Boss final, qui jouit d'une réputation de "un des pires boss de tous les temps" auprès duquel vos pires cauchemards ressembleront à un week-end en famille à Lacanau. Le genre de boss que même avec 50 cheat codes vous avez du mal à battre, si si. Les voies du Saigneur vont être sacrément difficiles à pénétrer.




Un combat âpre et velu, mais qui sanctionnera dignement un jeu à la maniabilité irréprochable (ça plane, ça s'accroche aux murs, ça tire, ça casse certains objets du décors, au poil, chez Capcom ils connaissent visiblement leur boulot) et dont l'ambiance est parfaite, avec un environnement musical glauque à souhait, et un visuel bien sombre et qui colle aux dents.



Mais. Mais ? Mais. Mais c'est court, et comprenez que moi, ça me dérange, j'ai une réputation à tenir voyez-vous. Oui, malgré le challenge, malgré la phase d'exploration à fond des niveaux pour tout récupérer le moindre bonus dans chaque recoin, c'est vraiment étriqué. On perd le caractère de grande fresque épique des autres épisodes pour tomber plutôt dans la razzia sur un petit pays avec 5 - 6 lieux remarquables. C'est un peu le problème de voir tout le terrain dans la carte en Mode7 dès le début : on perd l'effet de progression, la découverte du monde, qui fait le charme des jeux d'aventure. De quoi rester sur sa faim, avoir un arrière-goût d'inachevé, et c'est dommage parce qu'en dehors de ça, on tenait le hit du siècle.



Demon's Crest ne restera donc au final qu'un fort bon jeu, léger, primesautier, printanier, au charme fou. Ce qui en soi n'est pas si mal. La petite Lison peut aller se rhabiller, je n'échangerai pas ses seins dorés contre mon pentagramme de sang.



Mais elle a des boutons d'acné, aussi.
Le point de vue de César Ramos :
Pas si courant, à prix souvent élevé.