Autant pour moi, au temps pour toi, nespas ?
Breath of Fire
Capcom - Square - 1993
Ryu de bon coeur, mes amis. par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
"Un bon RPG à l'ancienne, y'a que ça de vrai." Le Oldies qui se respecte a beaucoup de raisons de passer pour un abruti, et celle-ci n'est pas des moindres. D'abord parce qu'il sait que "RPG" ne veut rien dire dans le fond, que "à l'ancienne" est tout relatif, et que ces jeux sont, scénaristiquement, aussi linéaires qu'un Super Mario Bros de base par grand vent. "Twenty gods of good blood of good evening, Grobill, this maison close of item to save the world is in another castle." ("Vingt Dieux de bon sang de bonsoir, Grobill, ce bordel d'objet pour sauver le monde est dans un autre château.")



Last but not least, le Oldies de base dépensera des fortunes pour acquérir des cartouches du fond des âges farouches, ces âges où voyez-vous, Monsieur, on mangeait des Treets au lieu de vos M&Ms bariolés et putassiers. Des cartouches dont il aura vu la promo à Télévisator 2, émission qui nous annonçait la sortie de jeux fabuleux, en omettant de nous dire que bien souvent ces jeux ne franchiraient pas l'Atlantique, ou si peu. Salopards de rebelles.



Et c'est bien le souvenir de cette matinée d'un mercredi pluvieux, face à Cyril Drevet et sa casquette, qui me revient, alors que je lance pour la première fois ce jeu, dix ans plus tard. Oui, dix ans plus tard. On peut ajouter à tout cela que, en bon Oldies crétin, j'ai toujours été incroyablement logique. J'ai commencé la série des Final Fantasy par le 6, des Zelda par Link's Awakening, des Castlevania par le 4, des Metroid et des Breath of Fire par le 2. Fort heureusement on se cogne fabuleusement de l'ordre des séries, tant il est vrai qu'un scénario de jeu vidéo, de toute façon, ça tient sur un sparadrap, voire un manuel de jeu Master System.



Le seul défaut réel à cette stratégie, c'est qu'on se retrouve un peu surpris quand, habitué par exemple à une réalisation parfaite d'un opus avancé, on doit ensuite se farcir les balbutiements programmatoires de l'équipe. Et ça fait tache. J'ai encore des sueurs froides en pensant à ma découverte d'Exile II après avoir fini le III. Mais le oldisme ne crée-t-il pas des héros ?



Ceci posé, avant de parler de ça, faisons le point sur l'essence même de ce jeu. Breath of Fire est, comme on peut s'y attendre si on a un peu de vécu, un RPG, au sujet duquel désormais vous savez quoi. Une histoire d'heroic-fantasy, avec un héros qui va devoir sauver le monde avec plein de copains qu'il va ramasser sur la route. Il va donc y avoir de la baston, de la magie, des gens qui meurent, des donjons à explorer, des boss à buter, des trésors à piller, de l'XP à monter, avec ce coup de pot incroyable qui nous fait commencer dans la zone où ne circulent que de pathétiques limaces bedonnantes qui s'enfuient au premier coup de spaghetti cuit sur la figure.



L'histoire, le pitch, l'argument, le propos - puisqu'il y en a un - consiste à empêcher la résurrection d'une Déesse de la Destruction, que des grands méchants veulent favoriser pour leur compte personnel, alors que tout le monde sait que quand on fait ça on se fait dépasser par les évènements de manière pas croyable, ça alors. De vrais débutants, ces méchants. A chaque fois ils font la même connerie. Et si le Grrrrrand Empereur EvilKingoftheDarknessInside se faisait doubler par son vil second couteau, ça ne m'étonnerait qu'à moitié, à croire que quand on est à la tête de l'Etat on n'a jamais lu Iznogoud.



Heureusement, par un tour de force à la limite du surhumain qui me laisse pantois, les concepteurs du jeu ont eu l'idée lumineuse de mettre entre nos mains la destinée de Ryu. Et Ryu, ce n'est pas un karatéka attardé à moitié gay, non, Ryu, c'est le seul pékin à l'Ouest du Pecos qui descende en droite ligne de la tribu des tueurs de gros méchant. En l'occurence, le clan des Dragons de la Lumière en Blanc qui Brille avec de Beaux Cheveux. A ne pas confondre avec les Dragons Sombres, qui ont mauvaise haleine et des fuites urinaires. Et donc, il s'appelle Ryu. Ryu qui veut dire "Dragon". Le monde est bien fait. Pourquoi pas un chien qui s'appelerait "Toutou" tant qu'on y est ?



Ryu va donc prendre sa destinée et son épée à deux mains et partir à la poursuite du Mal. Chemin faisant, il rencontrera Nina, qui, en bonne fille de RPG, sera faiblarde mais maîtrisera de la magie défensive pour aider notre héros brutal et viril. Puis, Bo, Gobi, Ox, Bleu, Karn, Mogu, complèteront la farandole, chacun avec leurs capacités. Certains vous feront progresser dans des terrains autrement inaccessibles, d'autres vous ouvriront des passages en des endroits précis, Bleu lyophilisera vos adversaires d'un froncement de sourcil, et Karn fera la joie des petits et grands en fusionnant avec certains de ses camarades pour se transformer en grosse brutasse. Avec cette équation classique qui veut que la forme la plus bourrine soit aussi la plus grotesque, snif.



Vous l'avez compris, le scénario ne transpire pas l'originalité. Mais il faudrait être Mad, ou très con - les deux, même, soyons fous - pour s'arrêter à ce détail de l'Histoire. On fait son taf, on avance, on recule pour revenir chercher des trucs dans les niveaux d'avant parce qu'on est crétin ou bien qu'on avait pas la bonne capacité la première fois, on repart, ah non on revient, oh tiens on prend le bateau et on fait naufrage et on est à l'autre bout de la carte, c'est ballot sinon on serait arrivé à la fin du jeu direct, etc. Pas de quoi se relever la nuit. C'est quand même un peu plat au niveau rebondissements, il faut avouer qu'à côté des Final Fantasy on se surprend à écraser un ou deux baillements.



Heureusement c'est pas trop moche. On évite le dégueuli de sprites grossièrement détourés en palette criarde, merci mon Dieu. On souffre comme toujours d'un côté répétitif un peu gonflant mais sans plus, les monstres ont de bonnes têtes et nos héros - que l'on voit toujours de dos, c'est agaçant - ressemblent à quelque chose, en vue de trois-quart, ce qui leur donne un peu de relief par rapport à des vues très "à plat" dans d'autres jeux. Les oreilles ne crieront pas au scandale, c'est presque mieux que l'épisode 2, avec toujours 2-3 musiques très chouettes mais également le manque de 2-3 thêmes qui colleraient aux oreilles. Bien mais pas top.



Le tout se déroulera sur une carte en 2D à l'ancienne, en vue aérienne, avec moults combats aléatoires pour bien vous faire chier. Et ce dernier point est particulièrement réussi. Tout comme c'est dans les vieux pots que cuisinent les pauvres, c'est aussi dans les vieux pots que les cuistots font leur premières boulettes. Et je ne parle pas de keftas mais de boulettes plutôt dans le genre "tiens, si je mettais du gasoil dans ma bagnole à la place du super sans plomb histoire de gagner quelques centimes sur le plein." Oui, cette boulette-là, qui n'est pas roulée sous les aisselles, mais qui sent quand même sous les bras.



L'idée des combats aléatoires ne date pas d'hier et est plutôt bien gérée dans l'absolu par Capcom. Dans les Final Fantasy de chez Square, souvent, les combats aléatoires ne le sont pas : tous les X déplacements que vous effectuez, vous allez rencontrer quelqu'un, c'est écrit, fatal, inévitable. Dans les Breath of Fire par contre c'est vraiment aléatoire, vous avez une sorte de tirage au sort à chaque pas que vous faites. Ca a l'air bien hein ? Sauf qu'on ne voit pas la différence à moins de faire le guignol sur émulateur avec des saves states.



Et ici, la roulette est particulièrement sensible. A tel point que c'en est horripilant : on fait trois pas, poum, combat. Tout le temps. Alors c'est bien pour l'XP et pour le pognon que vous ramassez à chaque victoire, mais le jeu s'en trouve hâché, à vous rendre fou, pire qu'un match de la Squadra Azzura.



Comme si ça ne suffisait pas, la gestion des menus est désastreuse. C'est lent, fouilli, et il y a 15000 étapes de confirmation. Changer son armure est un calvaire. Ranger son inventaire aussi. Eh oui, pauvre fou naïf, si c'est déjà la foire dans le 2, c'est sûrement pire dans le 1 ! Eli, eli, lemma sabachtani ! Donc, non seulement on se fait chier en se baladant, mais aussi en gérant son équipe ; et il y a des choses à faire dans les menus, hein. Que ça soit en vous baladant ou combattant, on a toujours des magies à lancer, des objets à gérer, des transformations en dragon à faire, l'ordre des personnages à changer, deci-delà et tutti quanti. (Avec ce truc complètement pissant quand on lance une magie avec Ryu, à savoir qu'il lève le doigt façon disco vers le ciel, genre "hé moi Madame je sais la réponse hep je sais je sais il faut lancer un sort de dragon moi Madame !". Culte.)



C'est donc pénible, et c'est dommage. Parce que d'un RPG honnête et pénible, c'est le côté pénible qu'on a tendance à retenir. Alors à vous de voir. Franchement, l'histoire se tient, et la réalisation aussi. Ce jeu aurait tout pour vous plaire : long, retors, assez captivant, chouette. Quand on aime les RPG on aime Breath of Fire. Si vous êtes du genre nerveux et impatient, par contre, fuyez pour votre vie. Le Oldies a beau avoir la peau dure, ce monde pourri et à la gloire de la zapette l'a légitimement un peu ramolli, au point de le rendre imperméable à certains plaisirs d'antan.



Quand, à 11 ans tous frais, vous aviez Breath of Fire pour seul jeu pour les six prochains mois, ça vous motivait naturellement à vous accrocher. Aujourd'hui c'est moi le grand-père, et que pourrais-je donner à mon petit-fils sans qu'il risque de zapper sur un casual game à la première frustration rencontrée ? O simple thing, where have you gone...
Le point de vue de César Ramos :
Trop rare, trop cher.