A winner is you.
Vortex
Argonaut Software - 1994
Je ne vous aime pas et vous êtes laid. par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Le masochisme n'est pas une idée neuve. Moi qui vous parle, imbibé de l'éducation judéo-chrétienne bon ton que m'ont inculquée mes parents, de braves cathos gauchistes, j'ai plus d'une fois pratiqué l'autoflagellation - le plus souvent mentale - en imaginant racheter un pardon aux yeux de la Morale Divine. Les moyens ne manquent pas dans notre monde pourri et technocratique.



Mais les années passent, et tout devient galvaudé, convenu, dérisoire. Qui tremble encore à la vue d'un martinet, fût-il brandi par Maîtresse Viviane ? Personne. Qui frémit toujours à la vue d'un cilice en acier de Tolède ? Itou. Qui sourcille encore devant un 45 tours de Georges Guétary ? Je me marre.



Fort heureusement, pour l'Homme en quête de rédemption, le monde du vidéoludisme offre toujours quelques expériences de l'extrême. Souvenez-vous des Double Dragon 3. De Shaq-Fu. Souvenez-vous du Virtual Boy, encore utilisé à Guantanamo aux heures glorieuses. Oui, nos consoles chéries savaient aussi manier le bit là où ça fait mal.

Vortex est un voyage au fond de la douleur.



Ce jeu va vous faire souffrir. Non, c'est inexact, je pèche par omission. Ce jeu va vous démembrer avec un couteau en plastique, enfoncer vos morceaux dans l'anus de vos parents, et leur uriner dessus pendant qu'il les forcera à vous passer entièrement dans une rape à parmesan. Là, on s'approche de la vérité.



Faisons un grand saut en arrière. En cette année 1994, la 3D sur console est comme ma cousine : une terre encore vierge et inconnue. Les machines balbutient dans le domaine, et le moindre polygône fait frétiller la meute de joueurs encore émus par la tornade Starwing. Sur la Super Nintendo, reine des sprites et de l'à-plat, le processeur FX ajouté à certaines cartouches permet de repousser les limites de l'extrême et ouvre de fantastiques perspectives. Le monde est beau et plein de promesses.



Vortex s'annonce. On nous prédit une sorte de "Starwing ++++" . Plus fou, plus puissant, plus énoooorme. Les screens trouvés dans la presse confirment cette impression, la machine s'emballe, nous voulons savoir. D'autant que le concept a l'air dément : on aurait une espèce de shooter 3D sans plus la contrainte du rail, donc une liberté totale. Orgie ! Et on piloterait non pas un vaisseau mais un Mecha. Pâques ! Noël ! Et enfin, ce Mecha peut se transformer : 4 formes différentes, rien de moins, à tout moment : jet, triporteur blindé (à peu près), tortue (ou presque, un truc lent et indestructible). Oh oui, repasse-moi du boudin blanc !!!!



Le début fait plutôt plaisir. Une intro qui nous expose la situation (accessoire et grotesque, comme tout bon scénario), le son est plutôt impressionnant, quelques polygônes dans les coins et... un mode d'entraînement. Bon. Le bon testeur, fougueux à ses heures, mais consciencieux à dix-sept, commence donc par un peu d'échauffement, d'autant que je n'avais pas récupéré le manuel.



Bien m'en a pris. Mon Dieu. J'ai cru ne jamais REUSSIR ce niveau. Oui, vous avez bien lu, le niveau d'entraînement vous colle déjà un direct dans les gencives. Il faut dire qu'il y a du travail, jugez plutôt : vous devez gérer les 4 transformations de votre bécane, et tout son armement, son allure, et mine de rien, le pad de la Super Nintendo n'a pas trop de boutons, loin de là même.



Prenons la forme de base, le Mecha, par exemple. La croix permet d'avancer, de reculer, de tourner. Bon. A droite, un bouton pour sauter, un pour se retourner, un pour l'arme du bras gauche, un pour l'arme du bras droit. Déjà, là, ça demande un petit temps. Enfin, la gachette droite + le bouton d'une arme permet de changer l'arme assignée audit bouton, et la gachette gauche + un des boutons X Y A B permet de changer de forme. Houlà. Et évidemment, chaque forme a des petites subtilités à retenir... autant dire que, comme la mère de certains par ici, Vortex demande une pratique régulière pour bien maîtriser.



D'autant que la difficulté n'est pas vraiment progressive. Dès le premier niveau on en bave des ronds de chapeau. Un viol à sec. Ca canarde de partout, les vagues se succèdent à la chaîne, au secours, le tout avec quasiment aucune recharge d'énergie. Et le niveau 2 je n'en parle même pas : celui qui n'a pas compris qu'il faudra laborieusement switcher en permanence entre toutes les formes pour optimiser et survivre n'ira pas loin.



Alors pourquoi pas. Des jeux âpres, ardus, on en a tous connus. Du temps des consoles 8-bits, on était pas particulièrement là pour rigoler. Au bout d'une heure ou deux, on commence à avoir les réflexes et ne plus changer de roquettes quand on voulait se métamorphoser en urgence en forme défensive. Mais le problème, c'est que l'intendance ne suit guère...



Oh, côté son, c'est plutôt bon, très bon même ! De belles musiques bien orchestrées, les instruments sont assez bluffants, de l'électro qui envoie bien le bois, pas de souci. Graphiquement, c'est du Starwing : polygones à tous les étages, arrirères-plans jolis, bon, bof, rien de choquant. Mais en revanche, le drame, c'est le frame rate...



On arrive là dans un syndrôme "Golem" : l'ensemble se traîne salement. Le Super FX n'est pas encore au top et ça se sent : on joue la plupart du temps en diaporama. Et c'est très, très, très énervant. Surtout que votre robot a une inertie, voulue, qui va s'ajouter à l'ensemble et donner l'impression de jouer dans la glu ou pire, sur CPC. Et rien de plus énervant donc que de se faire canarder en se traînant la bite pour changer d'arme, de forme, ou bien en tentant de faire un rush désespéré, que sais-je encore. Rejouez à Castlevania Adventure sur Game Boy, et vous comprendrez : Vortex, c'est la même chose, en 3D.



Vortex est donc un jeu frustrant. Les missions consistant en gros à nettoyer une zone en récupérant des babioles au passage, et chaque mort vous faisant tout recommencer au début du niveau, on a souvent juste envie de tout balancer lorsqu'on crève en ayant buté connement sur un rocher pointu sous le feu de l'ennemi. Vortex vous énerve, Vortex vous prend à la gorge, Vortex ne cèdera qu'au prix de longs et douloureux efforts. A vous de juger du prix à payer pour le salut de vos âmes, mais avec lui, vous pourrez effacer de sacrées ardoises.

Le point de vue de César Ramos :
Commun et mal aimé. Donc pas cher.