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Dragon's Lair
Elite - 1990
C'est beau, mais ça sert à quoi ? par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Avant de vous parler de ce mythe vivant de la petite console, laissez-moi, mes enfants, vous faire un bref rappel historique...

Dragon's Lair, pour la bande d'incultes qui ne saurait pas ce que c'est, c'est une série de jeux de consoles et d'ordinateurs créée - à l'origine pour l'Arcade - par Don Bluth, dans laquelle, euh, comment dire ça simplement... dans laquelle eh bien l'important n'était pas d'appuyer frénétiquement sur les boutons dans tous les sens, mais plutôt sur le bon au bon moment au milieu d'une scène cinématique, par exemple. Un dessin animé interactif en somme. Cela a commencé en 1983, c'est vous dire.

En gros, c'est une série mythique "à concepts". Déjà, ça vous pose le sujet.

** Fin de l'aparté historique **

Alors nous voilà en 1990. La maison Elite, et sa branche Motivetime, décident de porter Dragon's Lair sur NES et sur GameBoy. Mission : faire un jeu "différent". Faire un jeu "concept". Faire un jeu "beau". Rien que ça. Faire aussi "de la maille sur une licence en or" et faire "subir un entubage en règle chaland puisqu'on ne pourra pas faire de dessin animé interactif sur Game Boy".

Passons sur l'histoire, pipeautesque comme on les aime pour les jeux de cette époque : le gentil Roi de machinland (quelque part dans la Sarthe) s'est fait tarter, et pour le sauver, le ressusciter, lui ôter les hémorroïdes ou je ne sais quoi, Dirk le Daring (le héros de cette saga) doit faire un truc super dur. Genre, récupérer les fragments de la Lifestone qui a explosé comme une débile. Petite précision : rien de cette histoire (!) ne transparaît dans la cartouche, si ce n'est à l'écran de fin. Sinon, si vous n'avez ni boîte ni livret, vous êtes largués.

Deuxième précision : combien de morceaux de Lifestone en tout ? 10 ? 100 ? 200 ? Non, ami oldies, déjà, tu touches du doigt le premier aspect mythique de ce jeu : il y a 194 fragments !!! Pourquoi 194 et pas 177 ou 321, allez savoir. Mais admettons.


Allez, faites pas la tête les gars...


Donc Dirk doit trouver tous les fragments qui sont dispersés dans le monde du jeu. En gros, ils sont éparpillés partout dans le (oui j'ai bien dit LE - j'y viens) niveau du jeu, un peu à la manière de pièces dans un Mario, et il faut sauter partout pour les attraper : de la pure plate-forme des familles, pourrait-on dire. Va pour le principe, allez zou, on met sur ON.

Première baffe : l'écran d'accueil. Joli, très joli, très détaillé. Pas mal, les gars de chez Motivetime ont mis les petits plats dans les grands, ça promet pour la suite. Et déjà, on a les oreilles qui tintent : "hé mais c'est pas mal cette musique, ils ont fait un effort, je vais écouter un peu". Et on écoute. Et ça dure. Premier thème, ok. Puis re-thème, avec une voix supplémentaire qui fait des variations. Puis re-re-thême avec une nouvelle variation, un ton au-dessus. Puis re-re-re-thême, tout seul, encore un ton au-dessus. Et ça reprend, et là on regarde sa montre : quoi, déjà 3 minutes que je scotche là-dessus et j'ai même pas commencé ?

Alors voilà. Ensuite on démarre le jeu, ok, deux modes, "slow mode" ou "fast mode". Allons pour "fast mode", on n’est pas des lopettes.

Entrée dans LE monde (j'y arrive, j'y arrive, patience). Ça bouge, c'est plein de détails, c'est tout joli. Ah, y'a un truc tout petit (1/8 d'écran) qui bouge synchro avec le pad, ça doit être le perso...

Et là, ami oldie, les concepts mythiques sont tellement nombreux que je ne sais même plus par lequel commencer. Commençons par le gameplay et le level design.


"Entrez dans la danse, les soucis n'ont pas de chance..."


CONCEPT ULTIME NUMERO UN : UN GAMEPLAY DE FOLIE

Le but du jeu c'est donc de ramasser tous les morceaux. Pour les choper, faut juste sauter et passer aux bons endroits. Les morceaux sont dans les différents écrans, on se balade partout, wouah c'est super quasiment tous les éléments du décor sont utilisables pour grimper dessus. Exemple : je saute dans l'arbre, tant que rien ne me bloque, je peux sauter jusqu'au sommet. Ensuite, soit je me laisse tomber au bout des branches, soit je me balade sur l'arbre, et, ponctuellement, je redescends petit à petit comme si mon perso glissait sur les feuilles en certains endroits ! Et c'est comme ça partout : arbres, cascades, crânes, animaux (oui, aucun animal ne vous agressera, même pas les fantômes ou les trucs baveux).

Seul moyen de crever : s'empaler sur des "pics mortels". (je ferai un article dédié à ce concept inter-jeux). Vous avez dix vies. Pour toute la partie. Pas une de plus. Alors gare. Et je peux vous dire qu'elles défilent vite. Parce que parfois, ça glisse, enfin disons que là où on ne l'attend pas (je répète qu'on ne voit rien de là où on met les pieds), y'a un trou et aaaaaaaaaah.


Hop là ! Sans les mains !


CONCEPT ULTIME NUMERO DEUX : UN LEVEL DESIGN DE FEU

Le monde. LE monde. Vous aviez bien lu. Ce jeu, ladies and gentlemen, ne comporte qu'un niveau. Un seul "'^*ù-_#{`[''çè de niveau. Si si.

Mais un niveau long.

Très long.

Très très long.

En gros, 4 étages d'une quinzaine de "rooms", chacune faisant deux écrans de large et un de haut. Le tout disposé en serpent : vous vous enfilez toute une longueur, vous passez au-dessus et vous ré-enfilez la longueur dans l'autre sens, etc.

Et là encore, mythe : vous commencez presque en plein milieu, dit autrement, vous devez d'abord vous farcir cette chiure de pays Troll dans un sens et dans l'autre, revenir à votre point de départ, et filer vers le château ensuite.

Le tout savamment parsemé de passages en chariot, un peu à la "chariot de Donkey Kong Country". Interdit de tomber, sinon tu crèves, alors, évidemment, ce n’est pas évident d'attraper les petits cristaux au vol en enchaînant les sauts en pleine course... ho ho ho petit scarabée tu commences à comprendre ta douleur...


Dirk va-t-il se réceptionner avec classe sur son magnifique skate en fonte ?


CONCEPT ULTIME NUMERO TROIS : UNE JOLIE CARROSSERIE

Alors si le gameplay paraît douteux (à part pour nous autres, oldies, élite de l'élite, qui savons apprécier les chefs d'oeuvres même quand ils sont bien cachés), reconnaissons une chose : pour une console limitée comme l'était le GameBoy à l'époque, c'est beau. Très beau. Graphiquement, ça ne sera (presque) jamais égalé. Des décors ultra détaillés, avec des ombrages fins, le moindre pixel est exploité pour en mettre plein la vue (même si c'est assez statique : les animations sont sommaires). Mais y'a parfois avalanche de sprites dans une même image, remis dans le contexte, ça impressionne.

Et puis il y a les musiques. Je devrais dire LA musique, vu qu'il n'y a qu'un niveau. Bon, ok, il y a aussi l'intro, les high scores, le game over. (Non, pas de musique de fin...)

La musique d'intro fait une boucle 3 minutes et des bananes, quant à la boucle musicale du monde, on dépasse les 6 minutes !!! Mythe ! Culte ! Et attention, évidemment, il y a des motifs qui se répètent, mais ça reste du grand art. Thème exposé, développé, enchaînement avec des variations ; ça commence "ambiance inquiétante fantastique", et ça se transforme à un moment en un "boogie trollesque" à vous faire claquer des doigts, s'ils n'étaient pas déjà scotchés sur vos boutons (de console). Tous les enchaînements sont lumineux, on ne s'en lasse pas, du grand Art je vous dit. Jamais égalé, sauf peut-être par "Lord of the Rings" sur SNES.


Un sphinx qui a encore son nez ; Obélix n'est pas encore passé par là.


ULTIME CONCEPT ULTIME : DU RIDICULE QUI TUERAIT PRESQUE

Je ne peux pas vous laisser partir sur une telle critique dithyrambique sans vous refroidir savamment par un big spoiler; révélateur tout de même d'un drôle d'état d'esprit de la part des concepteurs. Parce que bon. Le gameplay, s'il paraît un peu root, est défendable. Le level design (quoi qu'on en dise), les graphismes et la musique témoignent d'un certain souci de qualité. On se dit "on est chez des gars sérieux".

Alors, est-ce parce qu'ils étaient fatigués, ou parce qu'en vrai concepteurs comme seuls les oldies les aiment, ils considéraient que ça ne sert à rien d'en faire des tonnes dans tout ce qui n'est pas du jeu pur, toujours est-il qu'ils nous ont mis une des fins les plus pourries que j'ai jamais vues.

En gros, vous arrivez au bout de votre parcours (la tombe du grand roi/chevalier/trouduc inconnu), ça y est, juste à l'entrée, vous collectez le dernier morceau de la Mythique Pierre de Vie qui vous a collé des sueurs froides pendant trois heures, enfin, alléluia, je vois le bout de ce jeu infaisable.

Et là pouf. Rien. Enfin si. Un écran de texte, du genre "bravo vous avez réussi", en à peine plus long.

Pas de musique, pas de générique de fin. Juste l'écran des high scores (le même que vous auriez si vous aviez crevé comme une grosse merde). Et hop retour à l'écran titre.

Si ça ce n’est pas pur oldies, je veux bien avaler un game & watch sans mayonnaise.


Holy mother of god, plus que 6 vies


Bref. Vous l'aurez compris, Dragon's Lair regorge de trucs énormes, de MU, et que sais-je. Au début, vous vous direz, comme tout le monde "mais c'est quoi ce truc naze". Et comme tout le monde, vous y passerez des heures, rien que pour vous imprégner de tous les petits détails débiles dont j'ai même pas pu parler, pour pouvoir ensuite casser les oreilles de vos collègues de oldisme avec ce morceau de choix.

Et si vous êtes vraiment barjots, vous essaierez même de le finir. **rire nerveux**



La tombe de l'espèce d'abruti pour lequel on se donne tant de mal



PS : Signalons que les mêmes concepteurs ont ensuite sorti Dr. Franken, tout aussi beau, mais avec un gameplay (encore ?!) plus intéressant.


PS 2 : Quelques années après cette critique, notre ami Mayo, de notre cher forum, a débusqué le pot aux roses caché sous l'anguille. Ce jeu n'est évidemment pas du tout un Dragon's Lair, ce n'est qu'une jolie imposture à deux sous. A l'origine, nous avons un jeu de CPC appelé "Rollercoaster" pour lequel on a tout simplement remplacé la plupart des sprites et le fond de l'histoire par des éléments d'une licence qui ferait vendre des vessies pour des lanternes, à moins que ça ne soit le contraire. Edifiant.
Le point de vue de César Ramos :
Relativement peu commun et surtout taxé par le mythe Dragon's Lair... Donc trop cher.